« Montrez-moi une mosquée où j’ai fait campagne, et je démissionne demain »

« Montrez-moi une mosquée où j’ai fait campagne, et je démissionne demain »
« Montrez-moi une mosquée où j’ai fait campagne, et je démissionne demain »

Il se lève, mime ses propos, marche, furieux des accusations portées contre lui. « Islamiste ? Moi, islamiste ? Avez-vous vu le mot charia dans mon programme ? Il se rassied, tripote l’ordinateur de son vélo électrique, décroche son téléphone. Une seconde fois. “Désolé, c’est Groen, pour les négociations gouvernementales.» Lève-toi, va à “tu”revient à “TOI”enlève sa veste.

Fouad Ahidar fonctionne à mille volts. Invité surprise de la soirée électorale du 9 juin avec trois élus bruxellois et un élu flamand pour sa liste Team Fouad Ahidar, il pourrait briguer une majorité potentielle dans la capitale alors qu’il avait lancé son parti en février, suite à son divorce avec le Vooruit (environ la question de l’abattage rituel). Depuis, beaucoup l’ont accusé de communautarisme, voire de vouloir imposer la charia (comme le libéral Guy Vanhengel avant de faire marche arrière en Gratuit). Parlementaire depuis 2004 et président de la Commission communautaire flamande (VGC), Fouad Ahidar se défend et se confie sur les raisons de sa victoire électorale que personne n’avait envisagée.

Trois élus à Bruxelles et un en Flandre : comment comprendre le succès inattendu de la « Team Fouad Ahidar » ?

Comment expliquez-vous votre succès ? Comment appelle-t-on ceci?

Tout d’abord, vous savez que je suis en politique depuis vingt ans et que j’ai donc construit un réseau important. Ensuite, j’ai gardé le même numéro pendant 22 ans. Et tout le monde l’a, c’était affiché partout, les gens pouvaient m’appeler, m’envoyer des messages. J’en ai reçu des milliers, j’y ai répondu, j’ai enregistré des chiffres. C’était de la folie. WhatsApp a été un excellent outil pour cela. J’ai créé 60 groupes de 256 personnes. J’y transmettais mon programme et mes vidéos, qui étaient ensuite partagées par mes contacts. Nous n’étions pratiquement pas invités dans les médias, nous avions peu d’espace d’exposition, pas d’argent, mais nous avons pu battre des géants avec beaucoup de débrouillardise et d’engagement. Quand ils m’ont vu, les gens ont dit : « Regardez, c’est Fouad. Il a un nouveau parti, il ne dépend plus de personne.» Parce que j’étais dans une soirée (Vooruit) où il y avait un problème à chaque fois. Il y a cinq ans, une polémique éclatait entre Uber, les chauffeurs de taxi et le ministre Pascal Smet. Et donc j’avais les chauffeurs de taxi contre moi. Ce n’était plus le cas cette fois.

Votre nom est presque devenu une marque, au point de le choisir pour nommer votre fête en février dernier…

C’est un ami qui travaille dans la communication qui m’a dit : « Écoute Fouad, tu as cinq mois pour faire connaître ton nouveau parti. Profitez de votre nom qui suscite déjà beaucoup d’intérêt.

Mais comment votre nom est-il devenu si connu ?

J’ai 50 ans de toute façon. Je ne suis pas mauvais, je suis sur les réseaux sociaux. Je me suis battu sur des sujets très lourds, comme la norme Euro 5 pour les voitures à Bruxelles, le harcèlement scolaire, la sécurité, l’accès au logement, la propreté, l’éducation… Ce sont des sujets qui touchent la vie quotidienne. Les gens s’en souvenaient et ils voyaient aussi qu’en matière de religion, nous n’avions aucun problème à croire ou à ne pas croire. Ça a marché. Ensuite, je connais beaucoup de monde, vous savez : j’ai toujours travaillé dans les quartiers, j’ai été responsable d’une maison de jeunesse, j’ai travaillé neuf ans sur les marchés. Le matin, je vais à la mosquée pour prier, puis je vais dans différents cafés pour prendre le petit-déjeuner, je vais au Parlement, j’ai un service social, j’ai une grande famille – nous sommes huit frères et sœurs –, j’en ai cinq des enfants qui ont aussi leur réseau…

Les socialistes ont regretté que vous ayez mené une campagne très agressive à leur encontre. Pourquoi avez-vous attaqué la gauche ?

Franchement, je n’ai pas parlé du PS ni d’aucun autre parti. On dit que j’ai partagé de fausses nouvelles, mais quoi ? Certains de nos supporters ont pu partager des choses, c’est possible, mais moi, je n’ai rien fait, rien organisé. Je vous le jure… eh bien… « mot scout ». Je n’ose plus jurer, sinon on dira encore que j’évoque Dieu et que je suis un religieux dangereux.

La question religieuse a été très présente lors de votre campagne.

Non, les questions du foulard ou de l’abattage rituel étaient des questions parmi d’autres. Les préoccupations des gens sont celles de la vie quotidienne. Et puis, je dis toujours que je suis pour la séparation de la religion et de l’État, mais que c’est à ce dernier de se désengager de la religion. Car c’est l’Etat aujourd’hui qui dit si on peut porter le voile, sacrifier des animaux, financer des lieux de culte… Pour moi, c’est à la population de décider librement si elle veut porter un voile, une kippa, une croix ou halal manger. Quant à la question du voile dans l’administration, je répète que personne n’est neutre. La seule chose qui doit être neutre, c’est le service rendu à la population.

Les religions doivent-elles encore être financées par l’État ?

Je suis favorable à l’adoption du système allemand où chacun choisit à quelle religion ou philosophie va une partie de son impôt.

Avez-vous fait campagne dans les mosquées ?

C’est ce que disent mes opposants politiques, mais dans quelle mosquée suis-je allé ? Qu’on me montre une mosquée, une seule où je serais revenu présenter mon programme et je démissionne demain. En lançant de telles accusations, ce sont les mosquées qu’ils insultent. J’en ai discuté avec les gens qui fréquentent la mosquée comme d’autres discutent avec des catholiques pratiquants, oui. Mais je ne suis allé dans aucune mosquée. Je ne comprends pas les attentats que je subis depuis dix jours et qui font de moi un mauvais islamiste. Je n’ai pas mené de campagne communautaire. J’ai fait campagne auprès des Bruxellois et j’ai parlé de leurs préoccupations quotidiennes. Regardez qui était sur ma liste, qui m’a envoyé des messages de soutien : il y a certes des gens issus de la communauté musulmane, mais il y a des gens de toutes origines.

Comment comprenez-vous ces attaques ?

Ce sont des attaques de mauvais perdants. Quand j’étais au Vooruit et que j’étais un petit candidat, personne ne m’a attaqué comme ça. Et quand j’entends Guy Vanhengel (Open VLD), que je connais depuis vingt ans, affirmer que mon programme est axé sur la charia, avant de me retirer, je me dis que ce qu’il fait est très grave. Il met de l’huile sur le feu parce qu’il a perdu. Mes filles m’ont dit : « On parle de toi dans les journaux, papa. Mais de qui parlent-ils ? On ne vous y reconnaît pas.

Fouad Ahidar, homme politique bruxellois ©Jean Luc Flemal

Une plainte a été déposée contre vous parce que vous avez comparé l’action actuelle du gouvernement israélien à Gaza à l’Holocauste, sur la chaîne YouTube ZinnekeTV. Acceptez-vous cette phrase ?

Je n’ai jamais prononcé le mot « Shoah ». Je voulais dire qu’il y a des étudiants qui sont devenus de mauvais professeurs, et que certains Juifs ont subi des atrocités et commettent des violences aujourd’hui. Je suis moi-même allé à Auschwitz et j’ai demandé que des imams s’y rendent pour éviter toute confusion. Cependant, je m’excuse pour les commentaires que vous avez mentionnés. J’aurais dû parler différemment puisqu’ils ont été mal compris. [NdlR : le verbatim de la vidéo est : “Les juifs sont des élèves qui sont devenus des mauvais maîtres. Ils ont subi, ils ont été persécutés, beaucoup ont été massacrés. […] Aujourd’hui, leur situation est pire. ]

Le député bruxellois Fouad Ahidar (Vooruit) compare l’action d’Israël à Gaza à la Shoah : « Nous utilisons pratiquement les mêmes méthodes qu’à Auschwitz »

En 2006, vous déploriez qu’il y ait du « racisme anti-blanc » dans certains quartiers. C’est toujours comme ça ?

Il y a du racisme, point final. Partout. Et il faut le condamner d’où qu’il vienne. Quand quelqu’un me dit qu’il ne trouve pas de travail parce que “Les Belges sont racistes”Je lui ai dit : « Oh, calmons-nous. Montre-moi d’abord ton CV. Après, nous parlerons de racisme. Je suis pour vivre ensemble. Toujours. Regardez toutes mes vidéos, mon programme, tout mon travail parlementaire. Rien n’est secret. S’ils ne me prennent pas au gouvernement, ils perdront un véritable allié pour vivre ensemble.

Comment définissez-vous votre ligne de parti ?

Libéral de gauche, même s’il n’existe pas (rires). Je veux aider les gens à travailler, à se responsabiliser (car c’est ce qu’ils veulent) et à organiser la solidarité quand cela est nécessaire.

Fouad Ahidar deviendra-t-il ministre bruxellois ? Au sein des partis, de sérieuses réticences

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV de grands noms dans notre chanson sur les Plaines le 26 juillet
NEXT Cyril Féraud remplacé par Théo Curin à la présentation de Slam, son « bébé » : la réaction de l’animateur ne se fait pas attendre !