Procès simulé à Lausanne –
Hippocrate quitte la cour de Beaulieu en homme libre
Le parquet du contentieux du rumine accuse le père de médecine d’avoir manqué à son devoir d’assistance ou d’éducation envers ses enfants, les médecins.
Publié aujourd’hui à 16h30
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- Hippocrate était symboliquement représenté par le médecin et éthicien Bertrand Kiefer.
- Le procès a débattu de l’évolution éthique de la médecine.
- La contradiction entre la recherche du profit et l’éthique médicale a été évoquée.
Ce samedi soir, le tribunal correctionnel de Beaulieu a placé sur le banc des accusés un homme de 2 430 ans : Hippocrate. «Vous êtes plutôt habitués à ce qu’on s’incline devant votre toge, à ce qu’on vous cire vos cothurnes… Mais aujourd’hui, on vous juge», a déclamé en introduction Béatrice Schaad, directrice du Centre de relations entre patients, proches et professionnels au CHUV et professeur à l’Université de Lausanne.
Le tribunal était composé du Présidente Miriam Mazou et le public fonctionnant comme un jury. La présidence du ministère public était occupée par le procureur, M.e Michel Stauffacher. En défense, Me Mélissa Elkaïm. L’accusé, Hippocrate, était joué par le médecin et éthicien Bertrand Kiefer.
“L’accusé est soupçonné d’avoir commis des violations du devoir d’assistance ou d’éducation”, a indiqué la présidente Miriam Mazou. Hippocrate, fondateur des principes éthiques de la médecine, est accusé de ne pas avoir suivi son propre enseignement, d’avoir abandonné ses enfants, c’est-à-dire les médecins qui lui ont succédé. Cette négligence aurait entraîné des abus chez certains médecinsils s’intéressent davantage aux aspects économiques et technologiques de leur activité qu’à leurs patients.
Invité à prendre la parole à la barre, Bertrand « Hippocrate » Kiefer a précisé les fondements de son serment : « C’est une école, un groupe de personnes qui ont fait émerger une pensée. » En éloignant la pratique médicale de l’époque du charlatanisme et de la religion, et en affirmant que la maladie n’est pas d’origine divine mais d’origine humaine. “Cette éthique, cette rationalité a marqué l’histoire de l’humanité et construit la médecine.”
De nombreux patients au centre
“La recherche du profit et les questions de rentabilité faisaient-elles partie de vos valeurs ?”, a demandé l’accusé M.e Stauffacher. « Non, j’ai promu une philosophie qui met le bien des patients au centre, sans leur nuire, tout en les respectant. »
Au tour de Me Elkaim pour interroger son client. « Pensez-vous que l’évolution de la société a corrompu la médecine ? « La société elle-même est prise dans un incroyable mouvement de progrès et de consommation. On ne sait plus où se trouve la santé, la maladie, l’augmentation des cadavres. Cela jette d’énormes problèmes à la médecine, à ses anciens objectifs.
Les témoins se sont alors succédés. L’historien de la médecine Vincent Barras a d’abord semé le doute : l’accusé existe-t-il ? « Hippocrate est un personnage largement mythique. Il existe dans la façon dont nous l’avons construit. Ajoutant, comme le Sphinx : « Dieu existe, puisque nous croyons en lui. »
La question est aussi de savoir si les patients sont en partie responsables des excès actuels. « Sont-ils victimes ou mettent-ils la pression sur les professionnels de santé ? a demandé le président. « Nous sommes tous une bande d’hypocondriaques ! » a rétorqué le témoin à charge, Sophie Michaud Gigon, directrice de la Fédération romande des consommateurs (FRC) et conseillère nationale de Vaud. Avant de déclarer: «La médecine est aujourd’hui un système qui contribue à l’augmentation du PIB en Suisse.»
Rémunération et prévention
Ce fut ensuite au tour de Sandy Estermann, médecin généraliste et témoin de la défense, de répondre à Mme.e Stauffacher concernant la rémunération prétendument élevée des médecins. “Quand on m’appelle pour une crise cardiaque chez moi un dimanche après-midi, je suis moins payé que le serrurier qui ouvre la porte.”
Egalement appelée à la barre, sa collègue Johanna Sommer a rappelé un angle mort en matière de rémunération : la prévention. «La Suisse est le pays qui fait le moins de prévention au monde. C’est quand même incroyable ! Nous, médecins de famille, conseillons à nos patients qui fument, mangent mal ou ne bougent pas au quotidien de changer leurs habitudes. Mais nous ne sommes pas payés pour le faire !
Procureur Me Stauffacher a plaidé pour une peine de deux ans de prison avec sursis total. « Ce serait stupide de détenir la seule personne capable de nous sortir du pétrin. Cette peine doit être combinée à une période de probation de 20 ans. Permettre aux accusés de remettre sur les rails une médecine humaniste, désintéressée et indépendante.» “Mon client est tenu responsable des dérives de ses enfants”, a rétorqué M.e Mélissa Elkaïm. Reconnaissons plutôt leurs mérites : faire marcher à nouveau les paralysés, faire entendre les malentendants, redonner la vue aux aveugles.
A l’issue des plaidoiries, le jury populaire a voté : le tribunal correctionnel de Beaulieu a acquitté Hippocrate du chef de violation du devoir d’assistance et d’éducation.
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