Crise médiatique à Genève –
“C’est maintenant que ça se passe”
Deux tables rondes ont été consacrées mercredi à l’avenir de la presse locale. Tout le monde s’accorde sur l’urgence de la situation.
Publié aujourd’hui à 17h39
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- « Le Courrier » a organisé une soirée-débat autour de l’avenir de la presse.
- Les quotidiens genevois sont en difficulté financière.
- Faut-il investir de l’argent public dans ce secteur particulier ?
Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? A l’initiative du « Courrier », une soirée d’échanges a eu lieu mercredi à la Maison des associations, à Plainpalais, afin d’esquisser des solutions pour sauver la presse locale. Bien qu’ils n’aient jamais eu autant de lecteurs (en ajoutant ceux des journaux papier et numériques), aucun des trois quotidiens genevois n’est rentable.
C’est le cas du « Temps », même si sa rédactrice en chef, Madeleine von Holzen, a assuré que le journal propriété de la Fondation Aventinus se portait « bien ». C’est le cas du « Mail », qui accumule un déficit de 400 000 francs au cours des deux dernières années. Et c’est le cas de la « Tribune de Genève », dont le rédacteur en chef sortieFrédéric Julliard, a déclaré qu’il « ne pouvait garantir une pérennité à long terme » dans un contexte qui évolue si rapidement.
Berne au centre du jeu
Autour de la table, tout le monde est d’accord : les journalistes doivent faire davantage pour intéresser les lecteurs et en conquérir de nouveaux. Démontrer constamment leur « utilité ». Mais est-ce suffisant dans un secteur économique où le produit (l’information) est cher à produire mais rapporte peu (et encore moins sur le web) ? Parvenir à un accord avec les GAFAM sur les droits voisins pourrait prendre des années.
Mais le temps presse. Pour le conseiller administratif de la ville, Alfonso Gomez, les pouvoirs publics doivent « investir » davantage. C’est la seule solution si Genève entend maintenir « une presse sérieuse et indépendante ». En l’absence de Nathalie Fontanet, invitée mais n’ayant pas pu venir, l’écologiste s’est retrouvé un peu seul lors du débat. Quelques hommes politiques étaient présents dans la salle, mais ils étaient presque exclusivement de gauche.
Directeur des Médias Suisses, qui regroupe les éditeurs romands, Stéphane Estival rappelle qu’un projet visant à augmenter les aides indirectes de 30 à 45 millions de francs par an (distribution postale notamment) est actuellement en cours de traitement au Parlement fédéral. « Une bouée à oxygène » – à condition qu’elle soit votée.
Un « tabou politique absolu »
Et puis il y aurait une aide directe. Un « tabou politique absolu » en Suisse, que Philippe Bach s’est efforcé de démystifier. D’autres pays, comme les Scandinaves, l’utilisent et l’indépendance des titres n’est pas remise en cause, observe le rédacteur en chef du « Courrier ». Des dispositifs d’étanchéité peuvent être mis en place. “En France, ce n’est pas Emmanuel Macron qui dit où va l’argent”, souligne-t-il.
Une fondation de droit public, comme le Parti socialiste proposeest-ce susceptible de générer du soutien ? Peut-être, mais il n’est pas question d’aider un groupe qui rapporte des dividendes. Ce qui exclut Tamedia. «Il y a une contradiction à ignorer un tel acteur si l’on considère que la “Tribune” assume un service public et doit être soutenue», constate Serge Gumy, patron de St-Paul Médias, à Fribourg.
Une fondation pourrait également contribuer au lancement d’un nouveau média. Rocco Zacheo, futur ex-journaliste culturel à la « Tribune », affirme que beaucoup d’entre eux en rêvent dans leur coin, notamment parmi les ex-journalistes.
Zurich, Lausanne et c’est tout
« Des journalistes talentueux, qui ne sont pas menacés de licenciement, choisissent de quitter la profession. C’est un gros problème», reconnaît Frédéric Julliard. Une quinzaine ces cinq dernières années à Genève. Dans la salle, un intervenant évoque une « hécatombe » au sein de la section culturelle de La Julie, qui ne compte bientôt qu’un seul collaborateur.
Serge Gumy estime que c’est à la profession d’apporter des « solutions ». Lorsque son groupe a tenté d’obtenir une aide directe à la transition numérique, celle-ci a été refusée. Il a en revanche réussi à faire participer l’Etat de Fribourg au financement de la moitié de la souscription à l’agence Keystone-ATS. De quoi débloquer des fonds pour embaucher un journaliste à « La Liberté ».
St-Paul compte comme actionnaires minoritaires deux entreprises locales, la Banque Cantonale de Fribourg et le Groupe E, l’équivalent de la SIG dans le canton. «L’immense avantage, c’est que le centre de décision reste à Fribourg», rapporte Serge Gumy. Il concède de petits inconvénients, comme le fait que certains lecteurs les qualifient de « proéoliens ».
Si rien n’est fait au bout du lac, le pays ne racontera son histoire que “depuis Lausanne et Zurich”, anticipe Serge Gumy. «Si les autorités veulent qu’un discours genevois perdure, c’est maintenant que cela se produit.»
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