Ceux qui espéraient du craquement et des chiffres en pagaille lors de la présentation ce matin du plan de relance de Casino seront déçus. Philippe Palazzi n’a dévoilé que quelques objectifs précis : 15 milliards d’euros de volume d’activité, 500 millions d’euros d’EBITDA et une croissance de 0,4% par an d’ici 2028. Et a confirmé les 1,2 milliard d’euros d’investissements investis sur la période, dont la moitié pour Monoprix.
Clairement ou implicitement, voici les 6 informations à retenir du plan :
- Une ambition largement revue à la baisse. Dans l’euphorie des premières semaines, le « nouveau Casino » de l’ère Kretinsky/Palazzi a annoncé un premier plan d’affaires très optimiste, en juin 2023, avec la création de magasins pneu-larigot (2 090 unités : 300 Monoprix, 590 Franprix, 1 200 proxi) et plus de 930 millions d’euros d’EBITDA (hors HM/SM) d’ici 2028. A peine 18 mois plus tard, retour sur terre. Casino ne s’engage plus dans le développement du parc – on parle d’une « expansion maîtrisée » – et a réduit presque de moitié son objectif d’EBITDA (500 millions d’euros). D’ici 2028, le volume d’activité doit passer de 13 à 15 milliards d’euros TTC. Le chiffre d’affaires net du groupe n’augmenterait que de 0,4% par an (les magasins intégrés passés en franchise pénaliseraient mécaniquement le chiffre d’affaires).
- Les temps sont durs et le resteront. En plus des HM/SM vendus, Casino a déjà fermé 445 magasins depuis le début de l’année, dont 141 au dernier trimestre. Une véritable purge, notamment dans le parc intégré, qui n’est pas terminée. Avant de vouloir réaménager le groupe, il faut déjà sauver la maison ! D’autant qu’à court terme, les chiffres d’affaires sont en berne (revue ici), y compris à base comparable. Le plan d’économies et de mutualisation (notamment logistique) devrait permettre de lever 600 millions d’euros d’ici 2028. Dont 350 millions d’euros déjà engagés. Si l’enveloppe Capex de 1,2 milliard d’euros est préservée, Philippe Palazzi a demandé aux équipes de diviser par deux le coût au mètre carré des rénovations ! Comprenez : des rénovations lourdes et des réparations très ciblées pour les autres… La nécessité est la loi, mais c’est une mauvaise nouvelle. Car tous les réseaux Casino auraient besoin d’une nouvelle jeunesse.
- Tous les signes sont conservés. La question de la mutualisation des marques était sur la table, pour réaliser des économies d’échelle. C’est décidé, c’est non. Ne serait-ce que pour des raisons purement juridiques (imposer un changement d’enseigne « libère » de facto le franchisé). Casino conserve donc toutes ses « marques » chacune avec sa vocation propre : Casino, Spar, Vival, Monoprix, Naturalia, Franprix.
- Cdiscount reste dans le groupe… pour l’instant. En perte de vitesse XL, Cdiscount est au milieu du gué. Site généraliste à vocation discount, comme Amazon, mais désormais 10 fois plus petit que son rival en France, l’ancien joyau du Casino est devenu Source de pertes (- 50 millions d’euros nets au premier semestre). Et les synergies avec le reste du groupe sont faibles, voire nulles. Donc? Si la vocation et l’ambition restent très vagues (je cite, « être le leader du e-commerce populaire »), Casino ne lâche rien et consacrera 18% de ses Capex à Cdiscount d’ici 2028 (200 M€ soit 50 millions en moyenne par an). Pas une paille, donc. L’avenir à moyen terme passera-t-il par une forme de rapprochement avec Fnac Darty dont Daniel Kretinsky est également le premier actionnaire ? Il s’agit d’une hypothèse (personnelle, non officielle).
- Casino va chouchouter ses franchisés. La franchise est devenue la pierre angulaire du groupe, qui n’a plus pour ambition de développer sa flotte intégrée. Problème : comme chez Carrefour, les relations avec les franchisés ne sont pas vraiment au beau fixe (euphémisme). Une réduction progressive des prix de transfert (annoncés sinon quantifiés) et des RFA payés deux fois par an leur apporteront un certain soulagement. Et Philippe Palazzi souhaite doter Casino d’une véritable culture de franchiseur, en s’inspirant du fonctionnement des indépendants. Via un modèle de troisième temps, les franchisés volontaires sont appelés à participer à la vie de la marque (développement de concepts, accompagnement des nouvelles recrues…). Un centre de formation destiné aux franchisés sera créé à St-Etienne mi-2025.
- La restauration à emporter devient un « axe stratégique majeur ». « Nous allons y mettre notre poids, nous voulons être un acteur majeur de la restauration à emporter », assure Philippe Palazzi. L’homme a à ses côtés sa longue expérience chez Metro. Mais l’annonce risque de surprendre… Car même si l’idée est belle, elle n’est pas nouvelle. Depuis 20 ans, Monoprix a déjà tout testé dans ce domaine. Que pouvons-nous faire de plus ou de mieux ? On y verra plus clair une fois les 3 pilotes Monoprix ouverts, à 1est trimestre 2025. « Demain on pourra vendre des cafés lattés à 4 euros, comme le Cojean ou le Prêt à Manger », insiste Philippe Palazzi. Je lui en paierai volontiers une s’il transforme l’essai !
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