(Bakou) La bataille des pays en développement pour obtenir de l’argent pour le climat est “humiliante”, a déploré mercredi le dirigeant par intérim du Bangladesh à la COP29, également marquée par un regain de tensions entre la France et le pays hôte, l’Azerbaïdjan.
Publié à 6h31
Mis à jour à 11h22
Julien MIVIELLE
Agence France-Presse
« Il est très humiliant pour les nations de venir demander de l’argent pour réparer […] le problème que d’autres leur ont causé », a déclaré le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus à Bakou, où se tient la conférence annuelle des Nations Unies sur le climat.
La recherche d’un nouvel objectif financier pour aider les pays en développement à développer les énergies renouvelables ou à résister aux catastrophes naturelles est la question centrale à Bakou.
Les Occidentaux semblent réticents à dépenser davantage en période d’austérité, appelant à la mobilisation du secteur privé – un « vœu pieux » pour les ONG.
La plupart des pays en développement sont favorables à un engagement annuel des pays riches d’au moins 1 300 milliards de dollars (contre une centaine aujourd’hui) et réclament davantage de subventions que de prêts.
Les négociateurs ont publié un nouveau projet d’accord sur le financement, comportant une série d’options, mais laissant des points de friction non résolus. Un nouveau texte de travail pourrait être publié dès jeudi.
Ces discussions habituellement animées mais diplomatiques ne sont pas à l’abri de tensions géopolitiques étrangères à la lutte contre le réchauffement climatique.
La ministre française de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a annoncé depuis Paris qu’elle ne se rendrait pas à la COP29 à Bakou après les attaques « inacceptables » du président azerbaïdjanais Ilham Aliev.
Il avait auparavant dénoncé les « crimes » du « régime du président Macron » dans les territoires français d’outre-mer. Emmanuel Macron n’est pas venu au sommet au début de la COP29.
“Réaliste”
Sur le front climatique, le Brésil a présenté son nouveau plan climat, l’un des pays à s’engager davantage dans une diplomatie climatique menacée d’effondrement face au retour de Donald Trump et à l’austérité en Europe.
La ministre brésilienne de l’Environnement a soumis mercredi à Bakou au chef de l’ONU Climat la nouvelle feuille de route de son pays pour 2035, document obligatoire dans le cadre de l’accord de Paris et que peu d’États ont encore formellement dévoilé.
Mais plusieurs dirigeants occidentaux, traumatisés par l’inflation, les déficits publics et les mouvements sociaux de ces dernières années, ont pour leur part déclaré ouvertement vouloir freiner plutôt que freiner.
La chef du gouvernement italien, Giorgia Meloni, a assuré qu’il n’y avait « pas d’alternative unique » aux énergies fossiles, qu’il fallait avoir une vision « réaliste ».
« Nous ne pouvons pas nous précipiter dans l’oubli industriel au nom de la neutralité carbone », a déclaré le Premier ministre conservateur grec Kyriakos Mitsotakis.
Que faisons-nous ici ?
Ces débats se déroulent au cours de l’année qui sera probablement la plus chaude jamais mesurée et qui battra une fois de plus un record d’émissions de CO.2généré par la combustion du charbon, du pétrole et du gaz, selon une nouvelle estimation des scientifiques du Global Carbon Project.
Cette étude ajoute que le monde doit viser zéro émission nette de CO2 d’ici la fin des années 2030 pour espérer contenir le réchauffement climatique à 1,5°C, par rapport à la fin du XIXe siècle. Soit bien avant 2050, l’horizon envisagé actuellement par une centaine de pays.
“C’est ce que la présidence promeut depuis le début de l’année : le créneau temporel se rétrécit et nous devons agir de toute urgence”, a réagi auprès de l’AFP Ialtchine Rafiev, principal négociateur azerbaïdjanais pour la COP29.
Pour lui, « il est encore possible de maintenir les 1,5°C à portée de main » et un accord sur le financement climatique d’ici le 22 novembre « ouvrira sans doute la voie ».
L’atmosphère générale de doute a été bien résumée par le Premier ministre d’un petit pays habituellement discret dans cette enceinte, l’Albanie.
« La vie continue avec ses vieilles habitudes », déplore Edi Rama. « Que diable faisons-nous dans cette assemblée, si, encore et encore, il n’y a pas de volonté politique commune de s’unir et de passer des paroles aux actes ? »