Place des Lices, à Rennes, nuit du 4 au 5 octobre. Trois hommes en attaquent un autre avec une bouteille cassée au visage. La victime ressort avec 16 jours d’ITT. 24 heures plus tard, deux d’entre eux ont également tiré sur un jeune, à quelques encablures d’ici, rue de la soif. L’affaire met la ville en émoi : pour la première fois, la capitale bretonne est touchée en plein cœur par les armes à feu des trafiquants de drogue, jusqu’ici réservées aux quartiers sensibles.
Les trois hommes dorment désormais en prison. Ils ont été placés en détention provisoire jusqu’à leur procès pour la première agression, prévu début 2025. La justice est loin d’en avoir fini avec eux. « Les accusations qui leur sont attribuées restent à vérifier et à justifier », murmure un observateur avisé. Outre la tentative d’assassinat dans le centre de Rennes, ils sont également soupçonnés d’être impliqués dans une course-poursuite sanglante le 26 octobre. Elle s’est soldée par deux balles dans la tête d’un enfant de cinq ans. Première victime collatérale du trafic de drogue à Rennes. Une affaire à l’écho national, qui a provoqué le déplacement dans la capitale bretonne du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
Une guerre en cache une autre
Au-delà de ces trois hommes, la police et la gendarmerie doivent encore remettre en question de nombreux « objectifs ». Dans leur ligne de mire ? Les gangs qui mettent le feu à Maurepas depuis le milieu de l’été. En l’espace de trois mois, ce quartier sensible de Rennes a été le théâtre d’une dizaine de fusillades. Avec un inquiétant pic d’ultraviolences en octobre. Derrière cette macabre succession de faits divers se cachent en réalité non pas une mais deux guerres territoriales distinctes.
La première a lieu entre fin juillet et mi-septembre. Un jeune homme de 23 ans, d’origine kosovare, vient de sortir de prison, où il purgeait une peine de deux ans de prison pour trafic de drogue. De retour dans le quartier où il a grandi, il compte bien reprendre « son » terrain, point de deal du secteur du Marbaudais. En son absence, un autre trafiquant, surnommé « le Parisien », met la main sur ce marché très lucratif.
Le nouveau patron ne compte pas se laisser piétiner. Pour défendre son entreprise et maintenir son terrain, il embauche, via les réseaux sociaux, des dizaines de jeunes garçons, souvent issus des communautés mahoraises ou comoriennes. On les croise ici et là, vêtus de noir et cagoulés. La guerre fait rage : elle met le quartier sous tension pendant de nombreuses semaines. Jusqu’à ce que le Kosovar soit arrêté par la police. Retour à la case prison. Et ses principaux lieutenants avec lui. Le « Parisien », quant à lui, garde la maîtrise de son territoire. Un équilibre précaire règne une fois de plus sur Maurepas. Pas pour longtemps.
Spirales de vêtements
Dans le même temps, les problèmes commencent au point de deal voisin, celui de Gros-Chêne, situé à seulement quelques dizaines de mètres. Le scénario se répète : cette fois, le jeune a 21 ans. Lui aussi est libéré de détention. Originaire de Rennes, où il s’est formé, l’homme a travaillé quelques années à Marseille, avant d’être incarcéré à la prison des Baumettes. Son propre objectif ? Se « remettre » dans le trafic. L’arrivée des « Marseillais » dans la capitale bretonne déclenche une spirale de haine, pour des raisons obscures que l’enquête cherche à démêler.
Une fois de plus, la violence se déchaîne. Coups de feu devant l’Aldi le 30 septembre, enlèvement, fusillade nocturne rue Saint-Michel le 6 octobre… La course-poursuite du 26 octobre qui s’est soldée par un traumatisme crânien du garçonnet de 5 ans ? Elle aurait aussi ses origines dans ce différend Gros-Chêne.
Depuis, selon nos informations, plusieurs personnes ont été incarcérées. «Nous avons tout un écosystème à faire tomber», explique une Source judiciaire. Nous espérons que le démantèlement des points de l’accord, et donc l’affaiblissement des groupes existants, ne conduira pas à d’autres guerres et ne créera pas davantage de victimes collatérales. » Signe que la guerre fait toujours rage : de plus en plus de Nantais, ville voisine également touchée par le trafic de drogue, ont été récemment repérés à Maurepas. « Nous en avons retrouvé quelques-uns à l’hôpital de Rennes, très endommagés. »