Dès ce 8 novembre à 16h48, les femmes travailleront gratuitement. Ce moment symbolique a été calculé par le bulletin féministe Les Glorieuses pour dénoncer les inégalités salariales, pour la huitième année consécutive. Selon une étude de l’INSEE de mars 2024, cet écart entre les salaires des hommes et des femmes est encore de 14,9 %. Autre date symbolique : depuis un arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 2023, les salariés ont la possibilité de demander à leur employeur de fournir les fiches de salaire de leurs collègues lorsqu’ils estiment qu’il y a une inégalité de traitement.
franceinfo a rencontré la femme à l’origine de cette jurisprudence majeure. Malgré son bac +5 et ses 20 ans d’expérience, Sophie (pseudonyme) était moins bien payée que ses collègues masculins à son poste de direction dans une grande société d’investissement. « C’est mon patron qui m’a dit : ‘Bien sûr, tu n’auras pas le même salaire que cette personne.’ Quand quelqu’un avec une grande confiance vous dit cela presque avec un sourire…, dit-elle. Nous obtenons des promotions, nous sommes reconnues pour nos responsabilités, mais parce que nous sommes une femme, il semble naturel à beaucoup de gens que nous gagnions moins. Il est difficile.”
Le commerçant a alors engagé un avocat, exigeant l’accès aux fiches de paie. L’entreprise a refusé au nom de la vie privée. L’affaire a été portée devant la Cour d’appel, qui a finalement donné raison à la salariée dans sa recherche de preuves, décision confirmée par la Cour de cassation invoquée par l’employeur. La différence observée s’est avérée significative : selon Sophie, elle était de l’ordre de 20 à 30 %.
« On ne peut plus avoir cette omerta et ce silence. Les entreprises sont tenues de produire des chiffres. Au lieu d’avoir simplement un indice d’égalité des sexes qui soit très général.
Sophie, qui a porté en justice les inégalités salariales entre hommes et femmessur franceinfo
« C’est une grande victoire pour la cause des femmes. J’aimerais que cette décision soit mieux connue des femmes et des entreprises », se défend Sophie. Cet arrêt de la Cour de cassation est en fait un outil juridique innovant, ajoute son avocat Paul Estival.
Mais alors que le cas de Sophie doit encore être jugé au fond, ce spécialiste du droit du travail précise qu’une fois les fameuses fiches de paie obtenues, des difficultés peuvent encore persister. « Cependant, vous n’avez pas gagné. Le juge peut refuser ce droit à la preuve car il existe encore des résistances dans les tribunaux des juges du fond. L’autre possibilité est qu’il existe une inégalité de rémunération même si le travail fourni est égal. L’employeur peut aussi simplement expliquer pourquoi, avec des éléments objectifs, il a traité un salarié différemment par rapport à un autre en matière d’ancienneté ou de mérite. explains Paul Estival.
Elise Fabing, une autre avocate très impliquée sur le sujet, constate qu’en cas de litige une majorité d’entreprises préfère négocier une issue amiable, “pour ne pas avoir à communiquer ces fiches de salaire et prendre le risque d’être perçu comme une entreprise discriminatoire à l’égard des femmes.”
L’avocat estime que ce jugement constitue un moyen de pression restrictif, mais non dissuasif pour l’employeur, faute de sanctions significatives.