Sous-traitance, modification des conventions collectives, révision de la gouvernance : à peine rendus publics, les audits de performance ordonnés par Québec font craindre des déboires dans le transport collectif, une vision que réfute le ministre des Transports.
« Nous n’avons pas d’autre choix que d’apporter des changements, et cela demande certainement du courage. […] Mais on ne peut pas non plus prôner le statu quo», a soutenu jeudi la ministre Geneviève Guilbault en réponse à nos questions lors d’une conférence de presse.
Plus tôt, jeudi, La presse a révélé que le rapport de la firme Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT), commandé par Québec, concluait que les entreprises de transport pourraient réduire leurs dépenses de 350 millions.
Les experts proposent par exemple de sous-traiter le service des chauffeurs en externe, mesure qui libérerait 72 millions, ou encore de réduire le nombre de véhicules en maintenance préventive et en réserve, pour économiser 47 millions. Il est également suggéré de réduire le nombre d’élus dans les conseils d’administration.
Elle indique également que certaines clauses des conventions collectives nuisent à la performance des entreprises de transport, notamment le « cloisonnement des postes, l’impossibilité [de sous-traiter]clauses sur le mouvement syndical et priorité à l’ancienneté plutôt qu’aux compétences.
«La structure empêche les employés les moins occupés d’aller soutenir d’autres secteurs», a fait valoir jeudi l’associé chez RCGT, Nicolas Plante, qui estime également que les horaires de travail sont trop «rigides» et «que les affectations sont parfois six mois à l’avance.»
Des syndicats inquiets
Pour les syndicats, c’est un calcul politique. «Le ministre et la CAQ décident de s’en prendre une fois de plus aux employés et aux résidents de Montréal […] plutôt que d’investir massivement dans le transport collectif comme cela est nécessaire », a déclaré le président du Syndicat des chauffeurs d’autobus de la STM, Frédéric Therrien.
Son groupe déplore que ce rapport apparaisse « étrangement » au moment où des négociations sont en cours pour le renouvellement de la prochaine convention collective des chauffeurs, qui expire le 5 janvier.
« Ils disent que cela n’aura pas d’impact sur le service. Je vous garantis que ces mesures auront un impact», a ajouté M. Therrien. Une préoccupation partagée par TRANSIT Alliance, un organisme dédié au financement des transports en commun.
La présidente de la CSN, Caroline Senneville, affirme que « économiser de l’argent en misant sur la sous-traitance n’est pas une bonne façon de voir les choses ». « Nous perdrions de l’expertise et créerions des problèmes de coordination au sein du réseau », note-t-elle.
Environ 64% des dépenses des transporteurs proviennent des salaires des employés, rétorque M.moi Guilbault. « C’est une Source de dépenses importante et d’autre part une Source de limitation des possibilités d’action, qui pourrait générer des économies. » « Il n’y a pas de quoi s’inquiéter », ajoute-t-elle au sujet de la sous-traitance, appelant à « se débarrasser de cette peur que le secteur privé soit mauvais ».
Dans l’opposition, le député péquiste Joël Arseneau estime que l’intention «semble plutôt être une manœuvre politique qui, en dévalorisant le travail des entreprises de transport, sert à justifier le sous-investissement du gouvernement dans les transports collectifs». « Si la ministre pense que ses faux audits de performance vont nous convaincre d’arrêter de financer les transports en commun, elle se trompe », illustre le militant solidaire Etienne Grandmont.
Les transporteurs, enfin, disent prendre note du rapport, tout en défendant leurs actions. « Les entreprises de transport connaissent bien leur organisation, tant leurs forces que leurs axes d’amélioration, et n’ont pas attendu la venue des vérificateurs pour mettre en œuvre plusieurs avenues d’optimisation », a déclaré la PDG de la STM, Marie-Claude Léonard, dont l’équipe s’est déjà engagée à réduire ses dépenses de 100 millions sur cinq ans.