Au procès de l’assassinat de Samuel Paty, un enquêteur livre le récit glaçant des dernières minutes de la vie du professeur

Au procès de l’assassinat de Samuel Paty, un enquêteur livre le récit glaçant des dernières minutes de la vie du professeur
Au procès de l’assassinat de Samuel Paty, un enquêteur livre le récit glaçant des dernières minutes de la vie du professeur

Au cours du quatrième jour d’audience, des photos du corps décapité du professeur d’histoire-géographie ont été présentées devant le tribunal correctionnel spécial de Paris.

La lumière crue des lampadaires éclaire au flash la rue vide, photographiée la nuit. Un corps gît à droite, « le long du trottoir, allongé sur le ventre vers le sol ». La tête, “déconnecté”est situé “à gauche du corps”a décrit sur un ton clinique un enquêteur de la sous-direction antiterroriste, jeudi 7 novembre, au quatrième jour du procès de huit accusés soupçonnés d’avoir participé, à des degrés divers, à l’assassinat de Samuel Paty. Interrogé derrière une vitre opaque pour préserver son anonymat, l’enquêteur s’appuie sur un document PowerPoint dont les images sont présentées au tribunal correctionnel spécial de Paris et projetées sur les écrans de la salle d’audience.

Minute par minute, il raconte les circonstances de l’agression, le 16 octobre 2020, depuis le départ du professeur d’histoire-géographie du collège du Bois-d’Aulne, situé à Conflans-Saint-Honorine (Yvelines), à “neutralisation” de son assassin, Abdoullakh Anzorov, un jeune islamiste radical de 18 ans originaire de Tchétchénie et titulaire d’un titre de séjour en . “A 16h51, Samuel Paty quitte l’école, il prend la rue sur le trottoir du côté impair”commence l’enquêteur. Des images de l’enseignant, filmées de dos, captées par vidéosurveillance, apparaissent sur les écrans. Quelques instants plus tard, une écolière lui emboîte le pas.

Puis une petite silhouette apparaît en haut à gauche de l’écran. C’est Abdoullakh Anzorov, qui vient en sens inverse, “d’un pas énergique”, « tout habillé en noir ». L’enquête révélera qu’il portait “trois couches de vêtements” pour dissimuler ses armes, dont une arme Airsoft, qui peut blesser mais pas tuer. A 16 heures, 52 minutes et 10 secondes, Samuel Paty passe devant le numéro 16 de la rue du Bois-d’Aulne. L’écolière fait de même, dix secondes plus tard.

Ensuite, tout s’enchaîne. Dans la rue du Buisson-Moineau, Abdoullakh Anzorov sort un couteau. “L’écolière comprend ce qui se passe et s’enfuit, effrayée”note l’enquêteur, qui précise que l’adolescent “le voit cacher son couteau derrière son dos”. Elle l’entend aussi crier “Dieu est grand”. Samuel Paty est poignardé à plusieurs reprises. « Il le frappera 14 fois, avant de le décapiter au sol », rapporte l’enquêteur.

“Samuel Paty n’a pas eu le temps de réagir à ce qui s’est passé.”

L’enquêteur de la Sous-Direction Antiterroriste

devant la cour d’assises spéciale de Paris

A 16 heures, 55 minutes et 4 secondes, le terroriste a pris une photo de la tête de sa victime et a posté l’image sur les réseaux sociaux, pour démontrer sa cruauté. Puis Abdoullakh Anzorov reprend sa marche. Il est calme et “ne cours pas”note l’enquêteur. Un lourd silence remplit la salle d’audience. Il continue son histoire effrayante : « des mains rouges pleines de sang »le terroriste tient une arme de poing d’un côté et son téléphone de l’autre, avec lequel il envoie des messages. Il tire “une fois dans les airs” lorsqu’il fait face à la police, qui à son tour ouvre le feu. L’horreur s’arrête quand « Abdoullakh Anzorov tombe à terre ». Il est 17h04

Un diagramme est ensuite projeté. Le corps de Samuel Paty est symbolisé par un mannequin de dessin en bois disjoint, au milieu de « cavaliers »ces petits triangles jaunes qui aident à localiser des indices sur les scènes de crime. Puis l’enquêteur fait l’inventaire des vêtements du professeur, tachés de sang. “Tous les vêtements soutiennent l’attaque qu’il a subie”souligne-t-il. Dans son sac à dos beige, il y avait un marteau, car depuis plusieurs jours, face aux menaces apparues sur les réseaux sociaux, le professeur craignait pour sa vie.

“Nous allons nous rapprocher de ce corps”, annonce Franck Zientara, le président de la cour d’assises spéciale de Paris, une heure après le début de l’audience. Le magistrat souhaite prévenir les parties civiles. Les nièces adolescentes de l’enseignant quittent la salle d’audience. “C’est la seule photo que je montrerai de près”insiste le président du tribunal. La même scène de crime apparaît, mais en gros plan. Les accusés, dans le box vitré, ou sur des chaises pour ceux qui paraissent libres, tournent ou baissent la tête.

Restant sur le banc des parties civiles, un peu décalée à voir les images diffusées sur les écrans, Gaëlle, l’une des deux sœurs de Samuel Paty, se tourne vers son compagnon. De face, le couple détourne légèrement le regard lorsque cette dernière photo est projetée sur les écrans de la salle. « Mes clients étaient préparés. Ils veulent tout savoir et tout voir »a réagi leur avocate, Virginie Le Roy, à la suspension de l’audience. “C’est la barbarie de l’acte, de ce qui est arrivé à Samuel.”

 
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