Le père de la collégienne a des « regrets » mais ne reconnaît pas les faits allégués

Le père de la collégienne a des « regrets » mais ne reconnaît pas les faits allégués
Le père de la collégienne a des « regrets » mais ne reconnaît pas les faits allégués

A la cour d’assises spécialement composée,

Pour l’accusation, c’est lui qui a mis une cible dans le dos de Samuel Paty. Brahim Chnina a lancé une cabale contre le professeur d’histoire-géographie pour obtenir son exclusion du collège dans lequel sa fille a été scolarisée, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). L’adolescente lui a alors menti, affirmant que son professeur avait demandé aux élèves musulmans de quitter sa classe avant de montrer des caricatures de Mahomet. En réalité, elle n’avait pas assisté à ce cours.

A la lecture de l’acte d’accusation, nous imaginions le père comme un musulman strict. Lui qui n’a pas hésité à solliciter l’aide d’Abdelhakim Sefrioui, militant islamiste franco-marocain, pour parvenir à ses fins. Lui qui a eu neuf contacts téléphoniques avec Abdoullakh Anzorov, le terroriste, avant l’attentat.

Mais c’est un autre portrait dressé par Farah Asselate, l’enquêtrice de personnalité qui l’a rencontré à deux reprises en détention en novembre et décembre 2021. Face à elle, ce père se décrit comme « un pratiquant classique, modéré, qui sait lire le Coran en arabe ». .» Brahim Chnina lui a indiqué qu’il allait « régulièrement à la mosquée » mais a assuré qu’il n’avait pas de « pratique radicale » de la religion. « Assistant dans ses prières depuis l’âge de 30 ans », il a « toujours travaillé auprès des femmes » sans que cela ne lui cause le moindre souci. Il fait le Ramadan et ne boit pas d’alcool. « Presque toutes ses filles ne portent pas le voile », poursuit l’enquêteur, ajoutant que l’une d’elles était même « inscrite dans une école catholique privée ». Les proches de l’accusé qu’elle a rencontrés n’ont jamais observé de « comportement de prosélytisme ». En revanche, ils évoquent sa « sagesse », son « altruisme », son « dévouement » et sa « générosité ».

Une sœur « endoctrinée par Internet »

Cheveux courts et barbe blanche, sourcils noirs épais, pull gris, chemise violette, Brahim Chnina monte dans sa loge pour répondre aux questions du président, Franck Zientara. « Admettez-vous les faits qui vous sont reprochés ? », demande le magistrat. L’accusé répond par la négative. L’une de ses sœurs intéresse particulièrement la cour d’assises spécialement constituée qui le juge depuis lundi. La jeune femme, qui souffre d’un handicap mental, est partie en Syrie après s’être radicalisée. « Elle a été endoctrinée par Internet, on ne sait pas comment cela a pu arriver », raconte son frère. Un homme a « réussi à lui faire un lavage de cerveau ». Il ne comprend pas comment elle en est arrivée là, alors qu’ils ont été « éduqués » par leurs « parents à la laïcité ».

« Qu’est-ce que la laïcité pour vous ? », demande Me Virginie Leroy, l’avocate des parents de Samuel Paty. « C’est le fait de croire ou de ne pas croire, de respecter les croyants et les non-croyants », répond l’accusé avant de présenter ses « excuses à toute la famille » de l’enseignant. «Je regrette ce qui s’est passé. » « Monsieur, nous n’avons pas besoin ici de vos excuses mais de vos explications », poursuit l’avocat pénaliste.

« Vous vous présentez comme une victime du terrorisme, comprenez-vous que cela puisse être choquant pour la famille de Samuel Paty », demande leur avocat, Me Francis Szpiner. Sa sœur, poursuit l’accusé, est partie faire le jihad en 2014. « On l’a pris en plein visage, notre sœur nous a été enlevée. » Depuis environ un an, elle est de retour en et est incarcérée. “Elle n’est pas une victime mais une actrice du terrorisme”, estime M. Szpiner.

“Je ne suis pas parfait”

Lorsqu’il était plus jeune, Brahim Chnina souhaitait « devenir pilote de ligne, étudier longtemps ». Mais il a été contraint de mettre de côté ses ambitions pour prendre soin de ses frères et sœurs. « Je n’ai pas eu la chance de passer le baccalauréat », souffle l’accusé qui regrette cette situation. Il a beaucoup pris soin de son petit frère Rachid qui souffre « d’une maladie très rare à l’échelle mondiale ». Avant d’être détenu, il travaillait dans le transport de personnes à mobilité réduite et comme aide à domicile. « Cela m’a rapproché des gens, je me sentais bien avec eux », assure-t-il. C’était une expérience formidable, je l’ai fait de tout mon cœur. En 2015, il crée également une association d’aide aux personnes handicapées. Il est « souvent allé à La Mecque dans ce cadre », mais aussi, précise-t-il, « à Marrakech, à Deauville, à la Tour Eiffel ».

Son dossier fait état de deux condamnations très anciennes. En 2001, Brahim Chnina est condamné à 8 mois de prison pour trafic de drogue. Il a été interpellé alors qu’il transportait une cinquantaine de kilos de cannabis entre l’Espagne et la France. « J’ai fait un peu n’importe quoi, j’ai essayé par tous les moyens de trouver de quoi manger pour ma famille », clame-t-il, avant d’ajouter : « Je ne suis pas parfait, j’ai fait des bêtises dans ma vie que je regrette beaucoup. » L’année suivante, il écope de 6 mois supplémentaires pour avoir menacé de tuer une assistante sociale. L’accusé parle aujourd’hui d’« un malentendu ». « J’ai mal parlé, je n’étais pas dans mon état normal. » Il affirme avoir alors changé de vie. « J’ai grandi, j’ai mûri, j’ai eu ma femme, mes enfants, j’ai trouvé beaucoup de bonheur avec mon petit frère Rachid. »

 
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