Itinérance, toxicomanie, détresse psychologique… Les Montréalais ont rapporté près de 25 fois plus d’incidents de problèmes sociaux dans les espaces publics cette année qu’avant la pandémie, constate La Revue.
Au cours des dix premiers mois de 2024 seulement, un nombre record de 1 156 demandes dans la catégorie « développement social » ont été enregistrées au service 311 de la Ville de Montréal.
Sur toute l’année 2021, à peine 114 appels du même type avaient été enregistrés. En 2019, ils étaient 48, selon les données ouvertes de la Ville.
Ces demandes concernent des nuisances causées par des campements de sans-abri, des personnes en détresse mentale ou consommatrices de drogues dans l’espace public, des actes d’incivilités ou des seringues qui traînent dans les rues, avons-nous pu confirmer La Revue.
«Cela corrobore que Montréal, comme plusieurs villes, fait face à des problématiques importantes liées à la toxicomanie, à la détresse mentale ou à la pauvreté dans les espaces publics», explique Robert Beaudry, l’élu responsable de l’urbanisme, en entrevue. et l’itinérance dans la Ville de Montréal.
Des situations « intenses »
Selon l’analyse des données, c’est dans le Village et autour du parc Jeanne-Mance, dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, que la concentration des appels est la plus grande, ce qui n’étonne personne qui est conseiller du district de Saint- Jacques, dans le quartier de Ville-Marie.
« Nous avons des situations plus intenses liées à la criminalité, à la vente de drogues, au type de drogues qui circulent et aux surdoses. Les citoyens comptent sur la première ligne et c’est le 311 », reconnaît l’élu de Projet Montréal.
Robert Beaudry est responsable de l’itinérance au sein du comité exécutif de la Ville de Montréal.
Photo Pierre-Paul Poulin, JdeM Archives
À la Mission Old Brewery, ces données ne sont pas surprenantes.
« Les questions de cohabitation ont pris beaucoup de place depuis la pandémie. Je trouve bien que les gens aient pris le réflexe de signaler les événements», a déclaré Émilie Fortier, vice-présidente aux services au sein de l’organisme qui vient en aide aux personnes en situation d’itinérance.
Elle souligne que les travailleurs des cliniques mobiles constatent de nombreux besoins en matière de logement, de toxicomanie et de santé mentale.
« Ce sont des situations difficiles qui peuvent être perturbantes pour les autres citoyens », concède-t-elle.
Requêtes « terminées »
Dans les données de la Ville, presque toutes les demandes sont marquées « complétées » après quelques jours, une situation frustrante pour les citoyens pour qui les problèmes persistent.
«Dès qu’il y a une réponse, une intervention, la demande est close. […] Si la situation revient, c’est à cause d’un manque de ressources de première ligne, de ce type de situation», souligne Robert Beaudry.
Il assure que les demandes servent à quelque chose, ne serait-ce que pour documenter ces situations pour l’avenir.
Cinq points chauds pour le 311
Le Village et les environs du parc Jeanne-Mance sont les endroits où les demandes au 311 pour des problèmes sociaux sont les plus nombreuses, mais leur nombre a également explosé dans les quartiers plus éloignés comme dans le sud-ouest de l’île.
L’insécurité toujours présente
Personnes itinérantes sur la rue Sainte-Catherine, dans le Village, en 2023.
Photo MARIO BEAUREGARD, AGENCE QMI
- Émilie-Gamelin village and square
- Ville-Marie
- Pommes et 2024 : 75
Depuis la pandémie, les problématiques sociales ont été décuplées dans le secteur du Village et de la place Émilie-Gamelin. À l’été 2023, Montréal a même créé une cellule de crise pour lutter contre le sentiment d’insécurité des citoyens. Si la mairesse Valérie Plante assurait en février que le Village était « sur la bonne voie », les citoyens ont appelé le 311 près d’une cinquantaine de fois cet été pour demander une action de la Ville.
Un grand camp près de Turcot
- Allée des tanneries
- Sud-Ouest
- Pommes et 2024 : 21
Au printemps dernier, un camp de « grandeur impressionnante » s’est formé le long de la voie ferrée du CN, près de l’échangeur Turcot, rapporte un document de la Ville de Montréal. En avril et mai, une dizaine de personnes y ont dormi pendant plusieurs semaines. Via le 311, les citoyens ont demandé à la Ville de nettoyer les déchets et même d’installer des toilettes chimiques pour les personnes en situation d’itinérance. Le camp a été démantelé le 9 mai.
Des interventions toujours à refaire
Un camp au parc Jeanne-Mance en juillet 2024.
Photo Agence QMI, JOËL LEMAY
- Parc Jeanne-Mance
- Le Plateau-Mont-Royal
- Pommes et 2024 : 97
Le parc Jeanne-Mance et le secteur Milton-Parc font l’actualité en raison de la présence de sans-abri. Cet été, une propriétaire d’entreprise n’a pas pu ouvrir son magasin à cause d’un sans-abri qui refusait de quitter les lieux. Ce n’est qu’un exemple des problèmes de cohabitation qui gonflent les statistiques du 311. Même si la Ville envoie ses équipes et démantèle les campements, les appels liés aux problèmes sociaux continuent d’affluer.
Les plaintes se déplacent avec abri
- Refuge Gordon
- Verdun et Ahuntsic-Cartierville
- Pommes et 2024 : 51
- 14 à Verdun, 37 à Ahuntsic
De décembre à juillet, la Ville a reçu 14 demandes autour des Jardins Gordon, à Verdun, où s’étaient installés les sans-abri du Complexe Guy-Favreau, qui a fermé ses portes. Les demandes se sont arrêtées à Verdun lorsque le refuge de 50 lits a fermé ses portes. Parallèlement, les citoyens de Bordeaux-Cartierville, inquiets de l’arrivée de sans-abri dans leur quartier, multiplient les appels. Faute d’acceptabilité sociale, le refuge de Verdun n’a jamais pu déménager dans ses nouveaux locaux, laissant les sans-abri sans abri.
Le retour d’un camp inquiétant
Tentes le long de la rue Notre-Dame début octobre 2024.
Photo Le Journal
- Camps au parc Morgan et le long de la rue Notre-Dame
- Mercier–Hochelaga-Maisonneuve
- Pommes et 2024 : 61
Quatre ans après le démantèlement très médiatisé du camp Notre-Dame, les tentes sont de retour, réparties cette fois sur une distance de 2 km. Ces nouveaux camps arrivent avec leur lot de demandes au 311. Les premiers appels datent du printemps, mais leur nombre a culminé en septembre. Les citoyens continuent de communiquer avec la Ville, constatant que le problème n’est pas résolu. Certains rapportent des situations au parc Morgan, où des tentes ont été dressées à quelques mètres des jeux d’enfants alors que les Journal cet été.
Demandes au 311 pour « Développement social »
2019 – 48
2020 – 128
2021 – 114
2022 – 147
2023 – 329
2024 – 1156