On lui donnait 40 ans à vivre. Il a jusqu’à 42 ans et il profite de chaque minute comme si c’était la dernière. Quitte à assommer son entourage et à donner des sueurs froides à sa mère. «J’ai encore 16 ans!» », raconte Jean-François Fortin, aux yeux bleus rieurs, assis dans son fauteuil roulant.
Publié à 1h28
Mis à jour à 5h00
Il souffre d’amyotrophie spinale de type 2, une maladie génétique héréditaire rare qui provoque une dégénérescence des muscles, notamment ceux essentiels à la respiration et à la déglutition.
«Quand j’étais jeune, j’étais capable de me lever et de manger seul», explique-t-il, attablé dans la cuisine de la maison familiale, qui dispose d’un ascenseur. « Avec le temps, nous perdons toutes nos capacités. »
L’informaticien, qui vit avec ses parents et sa sœur cadette atteinte de la même maladie, a besoin d’aide pour mener à bien toutes ses activités quotidiennes. Mais cela ne l’empêche pas de faire du parachutisme – il l’a fait – et de voyager.
Il y a deux semaines, il s’est envolé pour la Colombie avec son père et un ami. En ce moment, il est probablement en train de prendre le soleil sur une plage, de savourer un calentado – un déjeuner colombien traditionnel qu’il « adore » – ou de parcourir le pays en bus.
Tout cela, grâce aux progrès de la médecine. Depuis trois ans, Jean-François Fortin reçoit des injections de Spinraza, un médicament qui a stoppé la progression de sa maladie. Il est également suivi par un inhalothérapeute du Programme national d’assistance ventilatoire à domicile (PNAVD), affilié au Centre universitaire de santé McGill (CUSM).
Le PNAVD lui donne accès à un appareil respiratoire dit « bipap » et à un autre « aide à la toux ». Il dort avec le premier et utilise le second chaque jour pour évacuer ses sécrétions et « entraîner » sa cage thoracique pour qu’elle reste souple.
Son inhalothérapeute, Véronique Adam, peut suivre à distance ses données respiratoires et même modifier les paramètres de son « bipap » si nécessaire. «On lui permet d’avoir une qualité de vie», affirme le chef clinique adjoint du PNAVD au CUSM. S’il ne disposait pas de ces appareils, il serait hospitalisé. »
Jean-François Fortin s’est retrouvé aux soins intensifs à plusieurs reprises en raison d’infections pulmonaires. Ce n’est plus le cas depuis 2010, date à laquelle il a commencé à utiliser ces appareils.
Il se sent « tout neuf » après une nuit de 8 ou 10 heures de sommeil avec son « bipap ». Il porte toujours l’appareil dans son sac à dos – « avec trois paires de bobs, car on ne sait jamais combien de temps on va être absent », explique-t-il avec un sourire narquois.
La maladie, pas un obstacle
De son propre aveu, Jean-François Fortin aime faire la fête. Il n’a jamais laissé la maladie l’arrêter. Ses nombreux voyages – tous immortalisés sur son dos par des tatouages – en témoignent.
«Il y a des médecins qui veulent vous décourager et vous disent : ‘Tu ne devrais même pas voyager, sortir de chez toi’», raconte Jean-François Fortin.
Il ne les écoute pas. Il ne les voit tout simplement plus.
Selon Véronique Adam, des préjugés persistent envers les personnes dans sa situation. « Le personnel soignant a souvent des opinions quelque peu mitigées sur la qualité de vie des patients handicapés », dit-elle. Souvent, ils pensent qu’on ne fait rien dans la vie. »
Mais il y a de bons Samaritains. Comme ce chauffeur de taxi qui l’a reconduit chez lui à Terrebonne, l’a mis dans son lit et lui a mis son masque « bipap » pour ne pas réveiller ses parents pendant la nuit.
Et ces « locaux » de Colombie, devenus amis, qui acceptent de ranger son matelas à mémoire de forme ou son hachoir à viande – il doit manger des aliments mous, sinon il risque de s’étouffer – pour son prochain séjour là-bas.
« JF », comme le surnomme son inhalothérapeute qui le suit depuis 15 ans, a le don de se faire des amis partout où il passe. Il a du « charisme ». « Il est toujours prêt à participer à des projets », ajoute Véronique Adam. Il apparaît également dans des vidéos de formation destinées aux professionnels de santé.
Avec son témoignage dans La presseJean-François Fortin souhaite encourager les personnes souffrant comme lui d’une maladie neuromusculaire à utiliser des appareils respiratoires pouvant les maintenir en vie. Au début, il hésitait à les utiliser.
Il veut aussi « éduquer le monde ». « La population qui voit des machines, au début, c’est comme si elle était un extraterrestre. Mais de plus en plus, le monde ne me regarde plus. »
Jean-François Fortin rêve désormais de visiter la Grèce, un projet qui pourrait bien devenir réalité. “J’attendais de trouver quelqu’un de fort !” » dit-il d’un ton ludique.
Fort? “Il n’y a que des pas là-bas!” »
Jean-François Fortin a trouvé quelqu’un. Il ne reste plus qu’à adapter les roues de votre fauteuil roulant. Pour continuer à conduire. À 100 miles par heure.
4000 patients suivis
Environ 4 000 adultes et enfants québécois bénéficient du Programme national d’assistance ventilatoire à domicile (PNAVD), offert par le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie du Québec (IUCPQ) – Université Laval.
Ils souffrent par exemple de maladies neuromusculaires, de maladies pulmonaires obstructives chroniques ou de lésions de la moelle épinière. Ils vivent presque partout au Québec, parfois jusqu’à la Baie James. «Le but de tout cela est d’éviter les hospitalisations», précise Véronique Adam.
Le PNAVD existe depuis une trentaine d’années. Ses inhalothérapeutes ont développé « une expertise particulière », souligne-t-elle. « Nous sommes reconnus aux États-Unis. »