Plus d’une distillerie « en détresse »

Il y a une dizaine de jours, la Distillerie du Saint-Laurent, à Rimouski, annonçait qu’elle devrait fermer ses portes, faute d’avoir pu s’entendre avec ses créanciers.

Ce précurseur de la microdistillation au Québec n’est cependant pas le seul à avoir cessé ses activités.

« Au cours des derniers mois, la Distillerie de la Chaufferie ainsi que Champ gauche — Distillerie Fils du Roy ont également fermé leurs portes », indique l’Union québécoise des microdistilleries (UQMD) dans un communiqué.

Le groupe anticipe que plusieurs autres fermetures auront lieu dans les mois à venir.

« Le moment est venu pour le gouvernement du Québec de se lever et de répondre à l’appel urgent de nos distilleries en détresse.

— Union des microdistilleries du Québec (UQMD)

Il pointe aussi « des lois encore ancrées dans l’époque révolue de la prohibition » qui ne répondent plus aux enjeux actuels des entreprises.

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Le nombre de microdistilleries au Québec est passé d’une dizaine à plus de 60 au cours des dix dernières années. (Érick Labbé/Archives Le Soleil)

« Ces fermetures mettent en évidence les défis considérables auxquels sont confrontées nos distilleries, freinées par des lois et réglementations obsolètes datant de plus d’un siècle », souligne le secrétaire général et porte-parole de l’Union, Vincent Lambert.

Une fois de plus, l’UQMD se tourne vers le premier ministre François Legault et le ministre des Finances Éric Girard pour les inviter à moderniser le cadre législatif de l’industrie.

Une réforme qui viserait à « mettre les spiritueux sur un pied d’égalité avec tous les autres alcools québécois ».

Une effervescence ralentie

Martin Vaillancourt martèle le même message depuis les débuts de sa distillerie Lore & Legends fondée à Lévis en 2020.

Ce ne sont pas des subventions dont l’industrie des spiritueux a besoin.

« Ce qui serait bien pour tout le monde, c’est de pouvoir vendre nos propres produits à nos propres clients. Pouvoir les vendre sur place sans envoyer tous les profits qu’on pourrait faire à la SAQ», dit-il au téléphone avec Le soleil.

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Martin Vaillancourt et Virgil Demers, co-fondateurs de la distillerie Lore & Legends à Lévis (Érick Labbé/Archives Le Soleil)

Depuis juin 2018, tous les distillateurs sont autorisés à vendre leurs bouteilles sur les sites de fabrication. La Société des alcools du Québec (SAQ) bénéficie d’une majoration allant jusqu’à 52 % du prix d’un spiritueux.

Un problème qui est Source de nombreux problèmes, selon M. Vaillancourt.

« Si j’avais la chance de vendre via mon propre réseau, sans passer par la SAQ, je serais en mesure de payer tous les comptes que je dois payer. Je pourrais embaucher. Je serais capable de promouvoir à l’international. Je pourrais développer mon entreprise», affirme celui qui n’hésiterait pas à quitter la SAQ si les règles étaient assouplies.

Au moment où l’entreprise publique doit réduire le nombre de produits sur ses tablettes, M. Vaillancourt réclame de donner plus de flexibilité aux distilleries afin qu’elles puissent vendre comme des vignobles, des cidreries et des microbrasseries.

Celui qui a fondé la microbrasserie Le Corsaire il y a 16 ans s’estime chanceux de pouvoir compter sur un écosystème pour assurer la vitalité de sa distillerie.

« Nous avons des pubs, un restaurant, une brasserie, une torréfaction. Nous ne dépendons pas de la distillerie. Bon sang, car cela faisait longtemps que nous n’avions pas laissé la clé dans la porte. Ça ne fait aucun profit», souffle M. Vaillancourt, qui estime que la législation actuelle est un frein à son enthousiasme.

« Les temps sont durs… »

De son côté, Christophe Légasse, qui a cofondé la Distillerie de Québec avec David Lévesque en 2016, ne cache pas qu’il a des craintes.

« Nous ressentons les effets de l’inflation. Et en même temps, le gouvernement continue de nous faire du mal, alors qu’il pourrait mettre en place des mesures pour nous donner un peu de répit et pour que nous puissions prospérer », explique-t-il.

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La Distillerie de Québec, connue pour son gin Trait-Carré, a pris racine à Charlesbourg en 2016. (Distillerie Québec)

Alors que chaque distillerie fermée signe la fin d’un moteur économique pour les régions, l’artisan derrière le gin Trait-Carré estime que le gouvernement devrait s’inquiéter.

« Il est facile de jeter des pierres et de dire que ces entreprises n’avaient pas un bon plan d’affaires. Mais toute entreprise qui verse une augmentation de 52 % au gouvernement a beaucoup de mal à survivre dans ces conditions.»

« Le ministère des Finances gagne plus d’argent par bouteille vendue dans notre distillerie que lorsque cette même bouteille est vendue à la SAQ. »

— Christophe Légasse, copropriétaire de la Distillerie de Québec

Pour le moment, M. Légasse soutient que la solution est d’abolir la surtaxe imposée sur les bouteilles. “C’est une mesure que le ministre des Finances peut prendre immédiatement et qui aura un effet immédiat.”

 
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