l’hypnose spirituelle, une pseudo-science inquiétante

L’Ordre des psychologues du Québec met en garde contre une pratique émergente inquiétante, l’hypnose de régression spirituelle, une pseudoscience en plein essor où les vendeurs facturent le prix fort à leurs clients pour résoudre leurs problèmes actuels en explorant leurs « vies passées ».

• Lisez également : [VIDÉO] L’hypnose de régression spirituelle m’a rendu paranoïaque

« Votre anxiété aujourd’hui n’est pas la vôtre. Cela vient de la femme décédée de la tuberculose que vous étiez dans votre ancienne vie. Je ressens une faiblesse dans vos poumons», déclare sans hésiter Linda Elisabeta Randja, l’air sérieuse, lors de cette rencontre.

En moins d’une heure la semaine dernière, La Revue j’ai réussi à réserver une de ces séances ésotériques en ligne avec un praticien de la banlieue de Montréal. Cependant, l’Ordre a conclu que cette pratique n’avait aucun fondement scientifique.

Ce « spécialiste » en soins énergétiques de Brossard nous a demandé 125$ pour visiter, pendant 1h30, nos soi-disant « vies antérieures » par vidéoconférence. Notre représentant a assumé l’identité d’un jeune homme souffrant de troubles anxieux (voir autre texte).

Notre représentant lors de la séance d’hypnose spirituelle vécue le 15 octobre.

Martin Chevalier / Le Journal de Montréal

“La régression permet à une personne d’accéder et de résoudre certains moments traumatisants ou conflictuels du passé, qui ont inconsciemment déformé son état mental, émotionnel et/ou physique, avec des conséquences dans la vie actuelle”, a détaillé M sur son site Internet.moi Randja, propriétaire de l’entreprise qu’elle appelait Centre La Graine de Vie. Précisons qu’elle n’est ni médecin ni psychologue.

Voici toutes les prétendues vertus de la régression spirituelle, selon le site Internet de la pratiquante Linda Elisabeta Randja.

Capture d’écran du site www.centrelagrainedevie.com

Rien de scientifique

L’Ordre des psychologues confirme qu’il « prend la situation au sérieux » et déconseille aux Québécois d’utiliser ce service « émergent au Québec ».

« L’hypnose spirituelle telle que définie ici constitue une forme de psychothérapie. […] Cela constituerait donc une pratique illégale pour toute personne qui n’est ni médecin, ni psychologue, ni titulaire d’un permis de psychothérapeute », prévient Béatrice Vandevelde, psychologue et responsable des activités réservées à l’Ordre.

Béatrice Vandevelde, psychologue et responsable des activités réservées à l’Ordre Photo Ordre des Psychologues du Québec

A noter que même un psychologue pourrait être réprimandé s’il utilisait cette technique sur un patient.

« Il s’agirait d’une pratique qui s’écarte du Code d’éthique, en raison de son manque de fondement scientifique, mais aussi pour les risques qu’elle peut représenter pour la santé mentale », précise Julie Beauvilliers, conseillère principale en communications de l’Ordre.

Les hypnothérapeutes alertés

Benoît Boisvert, directeur de l’École québécoise de formation en hypnose (EFPHQ), a également tiré la sonnette d’alarme auprès de ses étudiants le mois dernier.

« Nous avons partagé la publication de l’Ordre sur nos réseaux sociaux avec les mots « ATTENTION, ATTENTION » puisque certains font de l’hypnose spirituelle. […] Nous n’y touchons pas. Cela n’est pas enseigné et n’entrera pas dans notre école», assure M. Boisvert.


Mise en garde contre l’hypnose spirituelle sur les réseaux sociaux de l’École de Formation en Hypnose du Québec.

Capture d’écran du Facebook de l’EFPHQ

L’Ordre soutient également que leur mise en garde ne vise pas l’hypnose telle que généralement pratiquée par les psychologues par exemple, qui s’appuie sur la science. Parmi les formes d’hypnose de régression qui peuvent être pratiquées légalement, M. Boivert cite une technique permettant de retrouver des objets perdus.

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Benoit Boisvert, directeur de l’École de formation en hypnose de Québec Photo tirée de la page Facebook de Benoît Boisvert hypnothérapie et naturopathie

« Mais cela n’a rien à voir avec des vies antérieures. Je conseille au public de consulter de vrais hypnothérapeutes thérapeutiques ayant une formation reconnue par la science», insiste le directeur de l’EFPHQ.

La Revue a également constaté que plusieurs hypnothérapeutes ont abandonné l’hypnose spirituelle en raison de la récente sortie de l’Ordre des Psychologues.


«Suite à un récent communiqué de l’Ordre des psychologues du Québec, la pratique de l’hypnose de régression spirituelle est actuellement suspendue au Québec», a annoncé cette hypnothérapeute sur son site Internet. Notre demande d’entrevue avec Stéphanie Pouliot est restée sans réponse.

Capture d’écran du site stephaniepouliot.com

Comment explorer nos soi-disant vies passées ?

Le représentant de Journal participé à une séance d’hypnose spirituelle. Voici les révélations de ce « voyage astral » plutôt atypique.

1. Pas le droit d’ouvrir les yeux

Linda Elisabeta Randja, propriétaire du Centre La Graine de Vie à Brossard, demande d’abord à son client de fermer les paupières pendant 1 heure 15 minutes. La réunion a lieu par vidéoconférence. M.moi Randja suggère alors de méditer. L’expérience spirituelle commence.

Dans un charabia difficile à comprendre, elle suggère de s’imaginer traverser le noyau de la Terre, marcher dans une forêt, atteindre un lac et grimper sur une échelle jusqu’à son guide spirituel.

C’est alors que nous arrivions à une bibliothèque contenant tous les livres de nos vies antérieures. « Prends-en un et dis-moi ce qu’il y a dedans », dit-elle.


Center La Graine de Vie, on Lapinière Boulevard in Brossard, where Linda Elisabeta Randja works.

PIERRE-PAUL POULIN/LE JOURNAL DE MONTRÉAL

2. Seul à cause de sa vie de prêtre

Dans l’un des premiers livres choisis, notre représentant mentionne qu’il voit des églises.

Conclusion du pseudo-spécialiste ? Le client était probablement prêtre dans une vie antérieure, ce qui pourrait expliquer la solitude ressentie depuis.

« Peut-être que tu devrais quitter cette solitude parce qu’elle ne t’appartient pas dans cette vie ? Elle fait partie d’une autre vie. Vous pourriez choisir de vivre différemment», philosophe Linda Elisabeta Randja, 42 ans.

3. Anxiété face à la tuberculose

Le voyage à travers la « Bibliothèque Akashique », comme l’appelle le praticien, mène ensuite au livre d’une pauvre femme travaillant dans une usine.

«Je vois que ses poumons lui font mal. Elle est morte de la tuberculose, c’est tout, hein ? suggère le « spécialiste » des soins énergétiques.

Sans aucune hésitation, elle tranche et affirme que l’inquiétude de notre représentant est due à cette femme qu’il était autrefois. “L’anxiété est dans les poumons, comme la tuberculose”, analyse Mmoi La plage.

4. Trop de nourriture à cause de la famine

Le Journal a également obtenu une confession de quelqu’un qui pratique l’hypnose de régression spirituelle.

A la fin de la séance, Linda Elisabeta Randja a avoué qu’elle était morte de faim dans une vie antérieure.

« Je cuisine beaucoup aujourd’hui parce que je meurs de faim. Je veux compenser. En avoir conscience m’a beaucoup aidée à la réduire », assure-t-elle.

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