Le piège explosif tendu à Didier Deschamps

Voilà Didier Deschamps empêtré dans la séquence la plus périlleuse de ses dix dernières années de mandat. Non pas parce que Kylian Mbappé fait absolument tout ce qu’un capitaine ne devrait pas faire. Les inquiétudes de l’entraîneur dépassent le cas du Madrilène, elles sont plus larges et ont des conséquences potentiellement bien plus dangereuses pour les Bleus. Deschamps doit gérer un renouvellement générationnel qui s’accélère à une vitesse inattendue et fragilise son équipe. Il ne lui reste plus que 5 des 23 champions du monde 2018 : Alphonse Aréola, N’Golo Kanté, Ousmane Dembélé, Lucas Hernandez et Kylian Mbappé, quand il considère l’équipe de France avec le respect qu’elle mérite.

Antoine Griezmann et Olivier Giroud ont pris leur retraite, Paul Pogba est loin des Bleus

Crédit : Getty Images

Dès lors, le renouvellement forcé depuis le Mondial 2022 au Qatar ne s’opère pas dans toutes les lignes avec la même efficacité. Tout dépend bien sûr du réservoir et de l’anticipation d’un coach qui a su se préparer avec plus ou moins de temps selon les cas. Aujourd’hui, les forces et les faiblesses de l’équipe de France reflètent les réussites et les échecs d’un projet dont dépend l’avenir des Bleus à court et moyen terme.

Cela faisait trois ans que Mike Maignan attendait dans la salle d’attente, exerçant une pression de plus en plus constante sur le totem Hugo Lloris. La succession de l’ancien capitaine n’était pas une évidence car il était incontournable depuis plus de douze ans, éteignant toute forme de compétition grâce à un niveau exceptionnel lors des moments qui comptent. Maignan a profité des dernières années de Lloris pour émerger parmi les successeurs potentiels, il a enfilé ses habits avec une facilité déconcertante jusqu’à devenir, avec William Saliba, le Bleu le plus fiable du dernier Euro. Lloris partit car il savait que la maison serait bien gardée et que si toutes les successions s’étaient déroulées comme prévu, la France n’aurait rien à craindre.

La retraite de Varane était plus inattendue mais Didier Deschamps a profité de la profondeur des talents du secteur fort de l’équipe de France. Derrière Varane et aux côtés d’Upamecano, William Saliba, Ibrahima Konaté, Wesley Fofana et bien d’autres attendaient dans l’ombre. Encore fallait-il être à la hauteur. Konaté a d’abord semblé gagner le combat mais, en Allemagne, Saliba s’est complètement révélé. Il prend en main le destin des Bleus et, en quelques mois, intègre les équipes standards de la Premier League, de l’Euro et parmi celles nommées pour le Ballon d’Or. Un défenseur français nommé au Ballon d’Or n’est plus arrivé depuis 2018 et un certain… Varane. La succession est assurée.

Il n’a pas encore pris sa retraite internationale, sa suspension pour dopage a été réduite mais revoir Pogba en Bleu aujourd’hui reste une hypothèse lointaine. Les Bleus sont sans lui depuis deux ans et demi. Ils n’ont toujours pas trouvé l’homme capable de combler ce qui manque en son absence et le dernier Euro a permis de mesurer l’apport gigantesque de la Pioche dans les tournois internationaux. Son absence a privé l’équipe de France d’une grosse dose de créativité derrière laquelle elle court encore. Aurélien Tchouaméni a été trop vite présenté comme le clone parfait de Pogba mais aujourd’hui, si le Madrilène s’impose, il n’a pas encore le poids de son aîné dans le jeu des Bleus.

Ni Rabiot, ni Camavinga, ni Fofana, ni Zaïre-Emery ni aucun milieu de terrain présent aujourd’hui dans la liste n’ont les facilités de Pogba pour créer du jeu. Les difficultés de l’attaque en général et de Mbappé en particulier s’expliquent aussi par l’éloignement de Pogba qui fut la rampe de lancement idéale pendant tant d’années. « Beaucoup de gens font référence au jeu qu’on avait à mon arrivée en sélection. Mais on avait des joueurs différents, expliquait Mbappé le 4 juillet au coeur d’un Euro terriblement ennuyeux et morose. Par exemple, au milieu, nous avions Paul Pogba. Avec lui, il suffit de baisser la tête, de courir, de téléphoner et on sait que le ballon va arriver dans son pied. La succession reste donc ouverte (et urgente).

C’est la succession que Deschamps avait le plus attendue. Dès l’Euro, Marcus Thuram (2 buts en 26 sélections) et Randal Kolo Muani (6 buts en 24 sélections) l’ont coincé sur le banc de touche. Sauf qu’il ne suffit pas de promouvoir des successeurs pour qu’ils aient la même efficacité. L’avant-centre de l’équipe de France est une lourde charge, prenant encore plus le relais du meilleur buteur de l’histoire de la sélection. Une solution serait de déplacer le problème pour faire de Mbappé l’avant-centre titulaire des Bleus. Mais le secteur offensif souffre de la comparaison et il est urgent de trouver un buteur fiable pour épauler le Madrilène.

La succession la plus délicate. D’abord parce qu’il reste le plus inattendu. Ensuite parce qu’aucun joueur n’a été plus important qu’Antoine Griezmann ces dix dernières années. Enfin parce que son profil et son rôle ont fait de lui une individualité unique dans le paysage bleu. « Ce n’est pas possible de le remplacer poste par poste, c’est une certitude, prévenait Deschamps la semaine dernière. Parce qu’il a eu une si grande influence par sa qualité technique et la capacité qu’il avait dans le volume de jeu à répéter les efforts. Michael Olise, dont l’émergence en équipe de France coïncide avec la disparition de Grizou, en est le successeur le plus évident mais son match raté contre Israël (1-4) permet de mesurer le chemin qui reste à parcourir. Remplacer Griezmann, c’est comme remplacer Zidane. Et 18 ans plus tard, la France cherche toujours le nouveau Zizou…