51 accusés jugés dans un procès extraordinaire

51 accusés jugés dans un procès extraordinaire
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      extraordinaire

Entre 2011 et 2020, Gisèle a été droguée par son mari qui la livrait à des inconnus à leur domicile. Dominique P. et 50 hommes sont jugés à partir de ce lundi 2 septembre, et pour quatre mois, par le tribunal correctionnel départemental du Vaucluse.

Dans cette vaste salle du palais de justice d’Avignon, spécialement aménagée pour ce procès hors norme, Gisèle va affronter 50 inconnus. Or, 50 de ces hommes, jugés à partir de ce lundi 2 septembre par le tribunal correctionnel départemental du Vaucluse, lui ont fait subir le pire : ils l’ont violée chez eux. Gisèle ne se souvient de rien, elle avait auparavant été droguée par son mari, le père de ses trois enfants.

« À son insu » : c’est le nom du fichier retrouvé par les enquêteurs sur l’ordinateur de Dominique P., le mari de Gisèle, en septembre 2020. L’homme de 67 ans à l’époque avait été surpris dans un centre commercial de Carpentras en train de filmer sous les jupes des femmes. L’analyse de ses téléphones puis de son ordinateur portable a révélé des conversations avec d’autres hommes.

Sur Skype, mais surtout sur le site de discussion controversé Coco – et fermé en juin 2024 par les autorités –, utilisant, sans précaution, son adresse mail personnelle, le retraité, installé depuis 2013 avec sa femme à Mazan, dans le Vaucluse, échange avec d’autres hommes et leur propose d’avoir des relations sexuelles avec sa femme.

Le patriarche de cette famille est décrit comme strict. Le « super mec » comme le qualifiait sa femme avant l’affaire. Il est certes un peu exhibitionniste, a été surpris par une belle-fille en train de se masturber dans son bureau ou se permet des remarques à connotation sexuelle, mais personne n’imagine l’autre facette de l’ancien commercial. Celle de l’homme prêt à tout pour assouvir ses fantasmes, décrit par l’un de ses coaccusés comme « un spécimen très rare de perversité sexuelle ».

Soumission de produits chimiques à haute dose

Des quelque 400 pages de l’acte d’accusation des 51 hommes jugés, une montagne d’atrocités subies par Gisèle émerge. La première photo retrouvée par la police la montrant inconsciente et droguée date du 24 juillet 2011. Dominique P. a avoué devant le juge d’instruction qu’il utilisait à l’époque des somnifères pour avoir des pratiques sexuelles que sa femme lui refusait. Il aimerait pratiquer l’échangisme, mais Gisèle, qu’il a épousée en 1973, refuse.

Il échange beaucoup avec d’autres hommes sur le forum de discussion et la soumission chimique qu’il fait subir à sa femme devient professionnelle. Un internaute lui recommande du Temesta, un puissant anxiolytique. En 2015, un médecin le prescrit à Gisèle pour soigner son anxiété. Son mari en profite, il lui en donne dans son repas du soir « à son insu », nom du forum qu’il crée sur Coco où il « recrute » les hommes qui participeront à l’assouvissement de ses fantasmes.

L’expertise psychiatrique de Dominique P. ne révélera aucune maladie mentale, mais des déviations paraphiliques, à savoir des pratiques sexuelles qui diffèrent des actes traditionnellement considérés comme normaux. Des déviations qui peuvent être liées à une agression sexuelle qu’il dit avoir subie à l’âge de neuf ans, mais dont ses proches doutent de la véracité. Au voyeurisme, au fétichisme et au sadisme s’ajoute une somnophilie. La soumission chimique imposée à sa femme, rendue inerte et inconsciente par la prise de médicaments, pourrait renforcer le sentiment de contrôle qu’il exerce sur elle.

En quatre ans, Dominique P. s’est vu prescrire 20 ordonnances de Lorazepam, un autre anxiolytique, soit 780 comprimés. De quoi en administrer un tous les deux jours à cette femme réduite au statut d’objet, et qui va s’exposer à tous les risques. A forte dose, l’ingestion de ces médicaments peut être mortelle. Depuis plusieurs années, Gisèle souffre d’absences, de trous de mémoire. Ses proches craignent un début d’Alzheimer. Elle monte dans la voiture en transe. Lorsqu’elle est examinée par un expert dans le cadre de la procédure, elle est porteuse de quatre maladies sexuellement transmissibles.

50 suspects identifiés

Durant ces années, Gisèle ne se doute de rien. En 2011, Dominique P. est déjà condamné pour avoir filmé des jupes de femmes dans un supermarché de la région parisienne. Il est verbalisé, et n’en parle à personne. C’est cette même année que les premiers abus ont lieu à Villiers-sur-Marne, en région parisienne, avant que le couple ne s’installe dans le Vaucluse. Mais aussi sur l’île de Ré dans une maison familiale ou à Saint-Rémy-lès-Chevreuse chez leur fille. Les milliers d’échanges sur le site Coco découvertes lèvent le voile sur une vérité sordide. « Tu es comme moi, tu aimes le mode viol », lance l’un de ces hommes à Dominique P. sur le forum « A son insu ».

Des rendez-vous sont fixés sur ce même forum. Les hommes sont invités à venir faire l’amour avec Gisèle et reçoivent des consignes : ne pas se garer devant la maison, pas de parfum, pas de tabac. Ils doivent se déshabiller avant d’entrer dans la pièce, se réchauffer les mains pour ne pas risquer de réveiller Gisèle. Sur l’une des vidéos, on l’entend dire à l’homme présent : « Si jamais elle bouge, tu pars, tu attends derrière la porte ! »

Toutes ces précautions mettent à mal la défense de certains des 50 hommes qui seront jugés, affirmant ne pas avoir su que la femme avec laquelle ils entretenaient des relations était droguée. Certains parlent de « délire de couple ». Dominique P., présent dans la salle, nu, filme les viols subis par sa femme, des viols qu’ils orchestrent lui-même. Sur les vidéos, on l’entend, directif, donner des instructions. On le voit imposer des pénétrations ou des fellations à sa femme. Certains participeront à plusieurs réunions, le rythme des rencontres s’accélérant avec la crise du Covid.

“Conducteur”

Le fichier « ABUSE » découvert sur son ordinateur contient 128 sous-dossiers. Les noms de ces fichiers sont explicites : « ABUSE/ charly après-midi du 130520 4e fois », « nuit du 14 janvier 2018 avec Nicolas », « marc sodo 5e fois », « nuit du 03102020 avec Gaston ». A cette dernière date, Dominique P. avait déjà été interpellé pour l’affaire du centre commercial de Carpentras. Au total, sur une période de dix ans, 92 viols ont été recensés par les enquêteurs qui recherchaient 72 agresseurs. 50 ont été identifiés. Ils avaient entre 20 et 68 ans au moment des faits, certains avaient le même âge que les enfants de la victime.

“Ce sont des profils de personnes qui se cherchent (…) qui sont tombées dans une relation particulière avec le mari qui les a conduites à commettre ces actes”, résume auprès de RMC Me Christophe Huguenin-Vichaux, avocat d’une des accusées, mettant en avant le rôle de “chef d’orchestre” du mari dans la commission de ces viols, ne laissant pas le choix aux hommes qu’il faisait intervenir.

Au cours de cette enquête déjà tentaculaire, les enquêteurs ont également fait le lien entre Dominique P. et deux affaires jusque-là non élucidées. Il a été mis en examen pour une tentative de viol, commise en 1999 en Seine-et-Marne. Des faits qu’il a partiellement reconnus. Un juge d’instruction de la cellule « cold case » l’a également mis en examen pour un meurtre accompagné d’un viol, commis en 1991 dans le 19e arrondissement de Paris. Des faits qu’il nie.

Autour de Gisèle, sa fille Caroline et ses deux fils seront présents dans cette salle d’audience. Dominique P. est également poursuivi pour avoir photographié sa fille endormie et en lingerie et pour avoir photographié ses deux belles-filles alors qu’elles prenaient une douche dans la salle de bains de sa maison de Mazan. Une famille brisée après la découverte du côté sombre de leur père et qui s’est rapprochée à l’approche du procès. « Ils ont décidé de faire front ensemble » pendant ces quatre mois de procès, soupire un proche du dossier.

 
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