JJour après jour, le bilan terrible de la guerre de Gaza continue de s’alourdir, dépassant désormais les quarante mille morts et une centaine de milliers de blessés, ce qui, à l’échelle de la France, représenterait environ 1,3 million de morts, dont un tiers d’enfants, et trois millions de blessés. Même si ces chiffres donnent le vertige, l’opinion internationale semble s’être habituée à une telle routine de l’horreur.
Cette passivité généralisée s’explique par divers facteurs, à commencer par l’interdiction faite à la presse occidentale d’accéder à Gaza, qui adoucit le coup de la tragédie en cours et encourage même les campagnes négationnistes. Mais l’ampleur de ce choc collectif tient aussi à une troublante perte de sens, comme si un carnage aussi terrible en était venu à défier l’entendement. C’est pourquoi il est essentiel de rappeler que l’offensive israélienne contre Gaza, lancée en représailles au bain de sang terroriste du 7 octobre 2023, a déjà changé de nature à deux reprises, d’abord avec la réoccupation du territoire du 27 octobre, puis avec l’attaque de Rafah le 6 mai.
En réponse au massacre perpétré le 7 octobre par le Hamas et ses alliés sur le territoire israélien (1 200 morts, dont deux tiers de civils), le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son gouvernement ont lancé une vague de bombardements sans précédent contre la bande de Gaza. Le pilonnage intense de l’enclave palestinienne, coupée du reste du monde, a fait près de huit mille morts en trois semaines, alors même que les deux tiers de la population ont dû fuir leurs foyers pour rejoindre des zones jugées « sûres » par l’armée israélienne. Si la grande majorité des victimes a été recensée dans le centre et le nord du territoire, aucun secteur de la bande de Gaza n’a été véritablement épargné. Les alliés d’Israël l’ont solennellement averti des dangers d’une offensive terrestre. Mais Benjamin Netanyahu les a ignorés, quitte à tomber dans le piège que lui avait tendu le Hamas à Gaza.
- La deuxième guerre de réoccupation
La campagne terrestre lancée par Israël dans la bande de Gaza le 27 octobre est fondamentalement différente des précédentes interventions terrestres qui ont marqué les guerres de 2009 et 2014 à Gaza. Il s’agit en effet d’une réoccupation méthodique et dévastatrice, fondée sur le contrôle total par Israël d’un axe central, s’étendant sur sept kilomètres jusqu’à la Méditerranée, axe qui coupe l’enclave en deux au sud de la ville de Gaza. Cet axe est appelé « corridor de Netzarim » par Israël en mémoire de la colonie d’inspiration religieuse qui y a été évacuée en 2005.
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