Déshéritez vos enfants comme Johnny Hallyday

Déshéritez vos enfants comme Johnny Hallyday
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Ce texte aurait pu s’intituler Chances et héritages. Fait rarissime de nos jours, une lettre atterrit dans mon pigeonnier. Une mère raconte que son ex-conjoint a déshérité leur enfant « par vengeance », après un divorce houleux, parce qu’elle exigeait une pension alimentaire. L’homme privilégierait plutôt les enfants de sa nouvelle compagne, une situation qu’elle trouve très injuste.


Publié à 02h41

Mis à jour à 6h30

Est-il permis au Québec de déshériter ses propres enfants ? Marielle m’a demandé.

La question est loin d’être farfelue quand on sait qu’en France, il est obligatoire de léguer une partie de son patrimoine à ses descendants. C’est ce qu’on appelle le principe de réserve héréditaire. Seule une faible proportion des biens du défunt peut être versée aux personnes de son choix, selon des règles fixées et inscrites dans la loi.

D’ailleurs, l’âpre dispute au sein du clan du chanteur Johnny Hallyday, après sa mort en 2017, émanait de cette loi. Puisqu’il vivait entre la France et les États-Unis, pouvait-il légalement déshériter deux de ses quatre enfants comme le permet la loi américaine ? Tout le débat juridique tournait autour de la question de la résidence habituelle du défunt. Un tribunal a jugé qu’il s’agissait de la France.

J’avais entendu parler de cette affaire par hasard, en tombant sur un magazine de la bibliothèque dans lequel deux philosophes partageaient leurs opinions contradictoires sur la liberté financière, le devoir parental et les obligations morales. Cette lecture a ensuite provoqué une discussion animée avec mes collègues de bureau.

Et me retrouve ici, des années plus tard, la chercheuse Hélène Belleau, professeure à l’INRS et titulaire de la Chaire Argent, inégalités et société. De quoi me parle-t-elle spontanément pendant que nous mangeons un morceau ? Héritage. Comment les femmes et les hommes partagent différemment leur héritage.

Parce que les Québécois sont libres de léguer leur patrimoine aux personnes ou aux organismes de leur choix depuis 1774. Lorsque les Britanniques sont arrivés ici, ils ont levé les restrictions apportées par les Français pour protéger la descendance. Depuis, vous pouvez donner tout votre argent à un organisme de bienfaisance, à votre meilleur ami, à votre église ou à votre nouvelle flamme.

Les recherches d’Hélène Belleau révèlent que 30 % des pères québécois remariés ne laissent rien aux enfants nés de leur première union. Comme l’ex de cette femme qui m’a écrit. Et comme Johnny Hallyday.

Sa co-chercheuse Maude Pugliese n’arrivait tout simplement pas à croire les chiffres devant elle. “Il fallait voir mon visage!” Je pensais que j’avais tort”, m’a-t-elle dit. Elle a tout recalculé.

Certaines femmes le font également, mais dans une bien moindre mesure (12 %). En bref, l’héritage est une question de genre à bien des égards.

Au fond, pour les mamans, cela symbolise l’amour. La pression de laisser quelque chose et surtout le souci de répartir le montant à parts égales entre chacun des enfants est donc très forte. Les hommes ne veulent pas faire de mal à leurs enfants, mais ils adoptent plus souvent une logique de pourvoyeur, qui les incite à vouloir protéger financièrement leur « nouvelle famille », notent les deux scientifiques.

«Les hommes sont plus ouverts à répartir leur patrimoine selon les besoins de chaque enfant et à discuter avec eux pour justifier leurs choix», ajoute Camille Biron-Boileau, doctorante en sociologie à l’Université de Chicago. qui s’intéresse aux pratiques testamentaires.

La réalité est sans doute bien plus nuancée et les explications (biologiques, psychologiques, sociologiques) très nombreuses, mais la question n’a malheureusement pas encore été très approfondie.

Quant au fils de Marielle, légalement déshérité par son père, ses recours sont quasiment nuls.

Les seules personnes déshéritées qui pourraient obtenir un montant de l’héritage sont celles qui n’ont pas les ressources nécessaires pour subvenir à leurs besoins fondamentaux. « Depuis 1989, nous avons introduit une restriction indirecte à la liberté de tester, via la survie de l’obligation alimentaire », m’a expliqué Christine Morin, professeure titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval et notaire émérite.

Un enfant recevant une pension alimentaire pourrait donc réclamer un montant à la succession pour couvrir ses besoins. Un descendant adulte en situation particulièrement précaire pourrait le faire aussi, en théorie, si un handicap l’empêche de gagner sa vie, par exemple.

Ce qui est particulier, c’est que certaines provinces sont plus « françaises » que le Québec, car elles ont introduit dans leurs lois des obligations morales envers les enfants.

On se retrouve donc, au Québec, avec les règles les plus « anglaises » au pays.

La lecture des règles complexes en matière de succession au Québec révèle également que certains enfants seraient mieux protégés si leurs parents n’avaient pas de testament. En cas de décès d’une personne mariée, tous les enfants se partagent à parts égales les deux tiers (2/3) des biens. Si le défunt a des enfants, mais aucun conjoint avec lequel il est marié ou uni civilement, la totalité de sa succession revient à ses enfants.

Sans testament, rien n’est laissé au hasard.

Découvrez le partage des successions faites sans testament (les conjoints de fait ne sont pas héritiers, quelle que soit la durée de l’union et la présence ou l’absence d’enfants) :

Consultez la page « Vos documents juridiques sont-ils à jour ? » sur le site de la Financière Banque Nationale

 
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