L’Asie centrale au cœur du projet du groupe État islamique

L’Asie centrale au cœur du projet du groupe État islamique
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L’attaque de Moscou qui a fait 140 morts et 300 blessés le 22 mars a été revendiquée par le groupe État islamique au Khorasan. Quelle est cette branche de Daesh et pourquoi attaquer la ? D’autres États occidentaux sont-ils visés ?


Publié à 1h11

Mis à jour à 6h00

Qu’est-ce que l’organisation État islamique au Khorasan ?

Avant de parler de l’organisation État islamique du Khorasan (OEIK), il faut parler du groupe armé État islamique lui-même, également appelé Daesh. Ce groupe djihadiste, dont l’objectif est d’établir un califat islamique mondial, a commencé à se développer vers 2012 pendant la guerre civile en Syrie. Vaincue par le régime de Bachar al-Assad avec l’aide de l’armée russe, la nébuleuse s’est reconstruite en plusieurs mouvements terroristes à travers le monde. Elle possède des filiales au Yémen, dans le Sinaï égyptien, dans le sud des Philippines, au Cachemire indien, au Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso), au Nigeria et au Mozambique. Les attaques de Moscou ont été menées par l’État islamique du Khorasan, filiale d’Asie centrale, du nom d’une région historique couvrant une partie de l’Iran, de l’Afghanistan, de l’Ouzbékistan, du Kirghizistan, de l’actuel Turkménistan et du Tadjikistan. Les responsables de l’attaque de Moscou étaient tous originaires du Tadjikistan.

Pourquoi le Tadjikistan ?

Le véritable centre de l’OEIK est l’Afghanistan. Mais l’organisation a été chassée par les talibans et s’est partiellement repliée au Tadjikistan pour plusieurs raisons. Le Tadjikistan est l’un des États les plus fragiles d’Asie centrale. C’est un pays montagneux et compliqué à contrôler. Elle est traversée par de nombreuses divisions claniques et confessionnelles. Le régime est faible. « C’est aussi un pays plus pauvre, donc il est plus facile pour l’État islamique d’organiser des attaques au Tadjikistan et d’y recruter des gens pour les envoyer à Moscou », résume Bayram Balci, chercheur à Sciences Po Paris et expert sur l’islam en Asie centrale.

Pourchassé par les talibans ? Ne sont-ils pas du même mouvement ?

Même si les deux groupes constituent des mouvements sunnites radicaux, s’opposant à la minorité chiite et prônant la charia, ils n’ont pas la même idéologie. L’objectif des talibans est de construire un État islamiste à l’intérieur des frontières de l’Afghanistan. En cela, ils s’opposent à l’OEIK, qui poursuit plutôt une mission de jihad mondial.

L’OEIK, de son côté, accuse les talibans d’être devenus trop souverainistes, de privilégier l’ethnie pachtoune, de faire des affaires avec la Russie et d’autres États d’Asie centrale, voire avec les Américains, avec lesquels ils ont négocié. une forme d’aide humanitaire, notamment après le séisme de juin 2022.

“Pour l’OEIK, c’est inacceptable”, résume M. Balci. L’attentat suicide à l’aéroport de Kaboul qui a tué 170 Afghans et 13 soldats américains en 2021 s’inscrit dans cette perspective. Mais l’OEIK a également mené des attaques meurtrières en Iran, au Tadjikistan et en Russie, la plus importante étant celle du 22 mars à Moscou. « En attendant de recréer la province islamique du Khorasan, ils organisent des attaques là où ils le peuvent », résume Bayram Balci.

Pourquoi attaquer la Russie ?

Raisons historiques et techniques. Daesh n’a pas pardonné à la Russie le mal causé aux musulmans lors de la guerre en Afghanistan (1979-1989), en Tchétchénie (années 1990) et lors de ses interventions militaires en Syrie (2015). Elle lui reproche aussi ses accords économiques avec les talibans, ses grands ennemis. “C’est une colère fondamentale”, explique M. Balci. La Russie récolte les fruits de sa mauvaise politique. » L’attentat du 22 mars a également été favorisé par les failles du système de sécurité russe, actuellement concentré sur sa guerre en Ukraine. « À mon avis, une pure opportunité. » Chercheur associé au Centre français de recherche sur le renseignement et président du Centre d’observation des sociétés d’Asie centrale, David Gaüzere précise que les bases militaires russes au Tadjikistan ont été dépouillées de 2 000 hommes pour alimenter le front ukrainien. «Cela a rendu vulnérable la frontière tadjiko-afghane», souligne l’expert, auteur du livre. Le chaudron vert de l’islam d’Asie centrale.

D’autres attentats sont-ils attendus en Russie ?

Très probable. Car le danger vient aussi de l’intérieur. La Russie embauche en effet de nombreux travailleurs originaires des anciennes républiques soviétiques, notamment d’Asie centrale (Ouzbékistan, Tadjikistan, Kirghizistan, etc.). Cette diaspora représente une menace potentielle pour Moscou. « Au Tadjikistan, les problèmes socio-économiques poussent les jeunes à partir vers les grandes villes russes, où ils sont soumis à des conditions de vie dures, réduits en esclavage, brutalisés, méprisés », explique David Gaüzere. Se sentant seuls et sans protection, ils vont recréer de nouveaux réseaux dans les mosquées, notamment les plus radicales… Pour Daesh, il est facile d’utiliser ces travailleurs devenus militants islamistes pour poser des bombes… »

La France a relevé son niveau d’alerte terroriste suite à l’attentat de Moscou. L’OEIK pourrait-elle mener d’autres opérations en Europe ?

Dans l’absolu, la France n’est pas une cible privilégiée pour l’OEIK. Mais l’organisation terroriste pourrait profiter des prochains Jeux olympiques de Paris “pour assurer sa communication et montrer qu’elle nuit au monde”, admet M. Gaüzere. Selon le Premier ministre Gabriel Attal, deux attentats islamistes ont déjà été déjoués en France depuis début 2024. Deux jihadistes afghans ont également été arrêtés début mars en Allemagne, alors qu’ils préparaient un attentat contre le parlement suédois. Bayram Balci estime que la France est aujourd’hui mieux armée pour lutter contre le djihadisme. Mais la menace reste néanmoins réelle et ne semble pas prête de disparaître. « Je pense que nous devrons faire face à l’État islamique dans les années à venir », conclut-il. Cela dure depuis 20 ans. Quels que soient les régimes, le djihadisme persiste. Cette faction de haine et de violence sera toujours là, quelle que soit la politique que nous poursuivrons. »

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