C’est un beau roman, c’est une belle histoire qui raconte RenaissancesLa récente autobiographie de K. Maro, lancée à temps pour célébrer le 20e anniversaire de son succès en tournée Femme comme toi. Mais c’est aussi le parcours d’un immigré qui n’a pas eu tout de suite le ciel à sa portée. Rencontre avec le seul artiste québécois qui, en 2024, a joué en Beauce, à Miami et en Mongolie.
Le 13 juin, K. Maro est monté sur la scène du Musique Fest de Rivière-du-Loup, puis le 28 septembre sur celle de l’AIC Steppe Arena d’Oulan-Bator, capitale de la Mongolie. Sa tournée célébrant les 20 ans de son album La Belle Vie dessine sur le globe un des itinéraires les plus singuliers qu’on puisse imaginer, une étonnante cartographie de partout où se trouve son tube Femme comme toi s’est propagé, de Tachkent en Ouzbékistan à Bakou en Azerbaïdjan, en passant par plusieurs villes du Kazakhstan, mais aussi à Chicago, Miami, Nice, Saint-Georges, Nicolet et Sherbrooke.
“Il y a des gens qui pensent que j’achète des followers russes sur Instagram”, s’amuse le rappeur de 44 ans, “mais grâce à Femme comme toiJ’ai rapidement rempli des salles à Moscou et à Kyiv. » Deux villes qu’il a choisi de ne pas visiter lors de son actuel déplacement, en attendant que le conflit se résolve. « Soit je refais les deux, soit je ne fais rien. »
Cyril Kamar a surtout souhaité que ce temps s’arrête dans tous ces pays périphériques de la Russie qui, depuis deux décennies, lui témoignent un « amour inconditionnel ».
En Mongolie, les organisateurs ont pris des bus pour aller chercher les gens dans les steppes. Entendre 8 000 Mongols chanter en français phonétique pendant une heure était immense.
K. Maro
Lutte
“J’ai l’impression que depuis que je suis au monde, j’ai dû me battre contre des choses”, confie le rappeur et entrepreneur attablé à la Maison Keï Akai, la galerie d’art contemporain qu’il a fondée en 2023 avec son amoureuse Anne-Sophie Mignaux, également mère de leur fille de 3 ans.
Né à Beyrouth en 1980 alors que la guerre civile faisait rage, le jeune Cyril arrive à Montréal à l’âge de 10 ans et étudie au chic collège Stanislas, où son expérience du drame ne cessera d’alimenter une distance entre ses camarades habitués au coton et lui. Il chante ses premières comptines à l’âge de 15 ans lors de soirées freestyle au Patro Le Prévost, un centre communautaire de Villeray.
C’est ainsi qu’est né LMDS, un duo qui fut, au Québec, avec Dubmatique, parmi le premier contingent d’artistes hip-hop à se faufiler sur les plateformes populaires. Et ce, même si, pour y parvenir, il fallait enregistrer une version deUne belle histoire (1997) de Michel Fugain, une idée qui leur a été suggérée par… Mario Pelchat.
Extrait deUne belle histoire par LMDS
« La reprise est un peu indigeste, confie Kamar en souriant, mais je la regarde avec beaucoup de bienveillance, car à 16, 17 ans, on ne sait rien. Ce n’était pas à Mario Pelchat de savoir ce qu’est la culture hip-hop, mais il avait raison, ça nous a fait passer à la radio. »
Un gars brillant, en fait
Après deux albums, LMDS allait se saborder, pour que l’autre moitié du duo, Vaï, puisse poursuivre son envie d’un rap plus pur et plus dur. K. Maro, quant à lui, ne rêvait de rien de moins que de conquérir la planète, objectif qu’il avait en tête en créant ce cheval de Troie appelé Femme comme toi, un mélange de bon vieux funk, rock, soul et, péché capital, pop, qui ne lui a pas seulement fait des amis dans le monde du rap-game.
« Mais tu es un gars brillant, en fait. » Cette phrase, mi-élogieuse, mi-condescendante, K. Maro l’entendait souvent en France de la part de journalistes ou de gens du milieu musical, qui le prenaient pour un redneck ou une tête brûlée.
“J’aurais peut-être été moins arrogant si j’avais grandi sur un oreiller en plumes, avec le chauffage à 22 heures tous les soirs”, plaide-t-il.
Mais la réalité, c’est que j’ai grandi les pattes dans la merde, qu’il a fallu me débrouiller en arrivant à Montréal pour ne pas être traité de bouffon.
K. Maro
À 44 ans, Cyril Kamar est d’une grâce rare, le digne héritier de sa mère, Aida Kamar, diplômée en philosophie, qui a cofondé l’important organisme Vision Diversité à Montréal et qui a été faite chevalier de l’Ordre national du Québec en 2008.
«Ma mère est la vraie socialiste de la famille», affirme le fils, dont l’image flashy, à l’époque où il caracolait au sommet des charts plombés de bling, ne pouvait plus contraster avec les valeurs maternelles.
« À un moment donné, je me suis dit : « Mais attendez : êtes-vous le fils de votre mère, le fils de l’Amérique, le fils du rap ? On dirait qu’il y a plusieurs personnes en toi et tu ne sais pas avec laquelle tu es en paix. »
La réponse, qu’il devait imaginer comment rester dans toutes ces incarnations, qu’il n’y avait pas d’autres manières d’être comme lui que de tout embrasser. « Pour moi, aujourd’hui, c’est tout à fait normal d’être en réunion avec mes banquiers d’affaires le matin, puis d’aller répéter après. »
Sont-ils des croyances ? « Être bon en affaires est l’art le plus fascinant »une phrase d’Andy Warhol qu’il a mise en pratique en se tournant très tôt vers la production d’autres artistes, ce qui lui a permis de négocier avec succès son inévitable déclin de popularité, aprèsFemme comme toi.
A-t-il gagné beaucoup d’argent ? « Plus que je ne l’aurais imaginé, même si cela n’a jamais été la motivation première. Tout ce que je voulais, c’était que mes parents acceptent de prolonger le sursis d’études qu’ils m’avaient accordé pour que je puisse me consacrer à la musique. »
En spectacle le 29 novembre au MTELUS et dédicaces au Salon du livre de Montréal le 30 novembre de 12h30 à 13h30
Visitez la page du spectacle
Consultez le détail de sa visite au Salon du livre
Related News :