Sous le village de pêcheurs éphémère de Sainte-Anne-de-la-Pérade, qui fonctionne à pleine capacité pour une 87e saison, les populations de petits poissons des chenaux ont commencé à décliner.
Pêche du poulamon atlantique et des petits poissons dans les chenaux de Sainte-Anne-de-la-Pérade le dimanche 12 janvier 2025.
Photo Martin Chevalier
« Depuis cinq ans, nous encourageons la remise à l’eau des prises que les gens ne veulent pas manger. Le temps des montagnes de poissons autour du chalet est derrière nous», explique Steve Massicotte, porte-parole de la pourvoirie.
Pêche du poulamon atlantique et des petits poissons dans les chenaux de Sainte-Anne-de-la-Pérade le dimanche 12 janvier 2025.
Photo Martin Chevalier
Le lâcher vise à donner une chance aux petits poissons qui ont mordu à l’hameçon trois mètres sous la surface glacée. Pas moins de 97 % des poissons capturés survivent à cette brève sortie en plein air.
Caroline Bergeron a capturé ses premiers matous en janvier 2025.
Photo Mathieu-Robert Sauvé
Déclin sur 15 ans
Si la montée du petit poisson de rivière (le poulamon de l’Atlantique) continue de ravir les pêcheurs de jour comme de nuit entre le 26 décembre et le 16 février, une étude du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre le changement climatique, de la Faune et des Parcs publiée en 2023 mentionne « une diminution de l’abondance globale du stock de poulamon » depuis 2009.
Selon cette étude, « l’abondance récente des reproducteurs serait proche ou légèrement inférieure aux valeurs moyennes observées depuis 2010 », explique Daniel Labonté, porte-parole du ministère.
Le village de pêche blanche de Sainte-Anne-de-la-Pérade fonctionne 24 heures sur 24.
Photo Mathieu-Robert Sauvé
L’explication de ce déclin n’est pas précisée, mais le changement climatique pourrait jouer un rôle. Steve Massicotte soupçonne un autre coupable possible : le bar rayé. Ce poisson, autrefois disparu du Saint-Laurent, est aujourd’hui abondant et se nourrit d’organismes vivant dans les fonds marins, tout comme le poulamon atlantique.
Pêche du poulamon atlantique aux petits poissons dans les chenaux de Sainte-Anne-de-la-Pérade le dimanche 12 janvier 2025. PHOTO MARTIN CHEVALIER
Photo Martin Chevalier
-Variations dans le passé
« Il y a toujours eu des variations. À l’époque de la pêche commerciale, les populations avaient diminué considérablement», raconte Simon Leduc, le fils du pourvoyeur Mario Leduc, qui accueille les pêcheurs depuis 49 ans.
Simon Leduc s’occupe des petits poissons de rivière depuis son enfance. Il est le fils du plus vieux pourvoyeur de Sainte-Anne-de-la-Pérade, Mario Leduc.
Photo Mathieu-Robert Sauvé
Dans la cabine no 2 de cette pourvoirie, l’excitation est à son comble alors que neuf pêcheurs appâtent leurs lignes avec des morceaux de foie de porc et des crevettes. «C’est mordant ce soir, c’est dingue», raconte le Montréalais Vincent Nantel, dont c’est la première expérience avec le poulamon. Antoine Epstein, son colocataire, est également ravi de l’expérience.
Au total, ils ont capturé environ 200 poissons en trois heures. Il faut maintenant les fileter et les cuire.
50 ans de pêche commerciale
Plus de 600 millions de petits poissons de rivière frayent chaque année sous les glaces de la rivière Sainte-Anne ; les 90 000 pêcheurs attendus cette année en captureront moins d’un million.
Cette population de poulamon atlantique ne parvient jamais à l’océan. Elle passe toute sa vie dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent.
On les retrouve également dans la rivière Batiscan, à une trentaine de kilomètres en amont de Sainte-Anne, mais en nombre beaucoup plus faible. « La particularité de la rivière Sainte-Anne, c’est le frésil, cette accumulation de petits glaçons formés dans les rapides et qui tourbillonnent ici. Le poisson y pond ses œufs», résume Steve Massicotte, le porte-parole du village de pêcheurs qui compte 20 pourvoiries.
Après le frai en janvier et février, les œufs éclosent et les larves commencent leur vie en eau douce. Les jeunes se laissent entraîner au gré du courant dans les eaux saumâtres du golfe et de l’estuaire. Ils retourneront adultes, vers deux ans, dans la rivière où ils sont nés.
Le cousin de la morue
Ce petit cousin de la morue qui lui ressemble en miniature avec son barbillon sous la mâchoire et sa ligne caudale est capable de passer de l’eau douce à l’eau salée. Mais contrairement au saumon, il se nourrit lors du frai, ce qui permet de le pêcher.
Filets de poulamon
Photo Mathieu-Robert Sauvé
Face à l’abondance de cette ressource, la pêche commerciale du poulamon fut autorisée dans les années 1940, mais voyant les populations décliner, les autorités mirent fin à cette pratique en 1992.
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