The Cure, chansons d’un monde perdu : l’album testament

The Cure, chansons d’un monde perdu : l’album testament
The Cure, chansons d’un monde perdu : l’album testament

Tels d’étranges rapaces tournant dans une lumière crépusculaire pour accompagner, dans un rythme de procession, les dernières paroles prononcées par Robert Smith, le chanteur du groupe The Cure. “C’est la fin de chaque chanson que nous chantons seuls », voici la fin de chacune des chansons que nous chantons seuls. Ce que nous venons d’entendre s’intitule « Seul » et cette complainte abattue inaugure le nouvel album signé par le groupe, Chansons d’un monde perduchansons d’un monde perdu. À quoi je dédie l’intégralité du programme de cette soirée. J’y ai fait allusion lors de la série de Very Good Trip diffusée la semaine dernière, bien sûr toujours disponible en podcast, The Cure a publié vendredi dernier un album très annoncé dont la sortie, depuis deux ans, ne cesse d’être rejetée. Nous y sommes enfin et, je le dis en toute honnêteté, je ne m’attendais pas à être aussi captivé par cet enregistrement, neuf chansons en tout, pour une durée totale d’une cinquantaine de minutes.

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Depuis 2017, année où il a commencé à envisager de travailler sur un nouvel album, il a changé d’avis et d’orientation à plusieurs reprises. Son ambition était de conclure en beauté la carrière de The Cure à l’occasion du quarantième anniversaire du groupe, né en 1978. Il travaille sur plusieurs titres en même temps mais aucun ne s’impose pleinement. Les chansons s’entassent et puis, un beau matin, ou un beau soir peut-être, il se dit : je l’ai trouvé. Comme un romancier qui retourne et repasse le livre pour venir dans sa tête, la lumière lui est apparue : j’ai le début et j’ai la fin, alors voilà, j’ai la certitude. La chanson du début, vous l’avez entendue, c’est « Seul « . Et celui de la fin, que vous découvrirez à la fin du spectacle, c’est logique, s’appelle, justement, ” Chanson de fin « . Pour l’auditeur que je suis, en découvrant cet album, tout, bien sûr, n’est pas apparu avec la même clarté. Les impressions, multiformes, fusionnent et s’entrechoquent. Pourtant, quelque chose s’impose immédiatement : la présence propre à la voix de Robert Smith, l’intensité de cette présence et sa manière de donner vie aux mots. Des mots que je ressentais parfaitement. Je n’ai pas compris tout ce qu’il disait – c’est rare d’ailleurs – mais certaines phrases m’ont tout de suite résonné fortement. Par exemple, On était toujours sûrs qu’on resterait les mêmes mais tout s’arrêtenous étions toujours sûrs de rester les mêmes mais tout cela s’arrête. Cela m’a frappé, je l’ai noté dans mon cahier. Probablement parce que j’ai le même âge que Robert Smith, je suis même un peu plus âgé, soixante-six ans depuis avant-hier.

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Je connaissais le même monde que lui, et sa fin aussi. Ce monde perdu auquel il dédie cet album, Chansons d’un monde perdu. J’ai appris, en me documentant, que cette formule que je vous ai citée, C’est la fin de chaque chanson que nous chantons, une variante de la formule finale, vient d’un poème intitulé Liecomme la lie, la lie d’une bouteille, comme on parle de boire la coupe jusqu’à la lie, signée par un poète anglais du mouvement décadentiste, fin 19e siècle, dont je n’avais jamais entendu parler, Ernest Dowson. Vie tragique et brève marquée par le désespoir et l’alcool, Dowson meurt de la tuberculose en 1900 à l’âge de trente-deux ans. J’étais curieux de lire ce poème, qui dit, tentative de traduction : « Le feu est éteint, sa chaleur s’est éteinte, il y a la fin de chaque chanson que l’homme a chantée, le vin d’or est bu, il ne reste que la lie, amère comme l’absinthe, salée comme la souffrance, la santé et l’espoir ont fui comme l’amour, dans le morne oubli de ce qui est perdu« . Plus d’un siècle plus tard, Robert Smith reprend ce thème éternel, on le connaît en , du moins, depuis la Renaissance et Clément Marot, Je ne suis plus ce que j’étais et je ne saurai jamais être. Je cite Robert Smith : “C’est la fin de chaque chanson que nous chantons, le feu réduit en cendres, les étoiles pâlissent sous nos larmes, nous avons froid et peur, ombres de tout ce que nous avons été, et nous buvons, jusqu’à la fin, la lie amère, à notre propre vide.

Pour en savoir plus, écoutez l’émission…

Et je remets le son Écoute plus tard

Conférence écouter 56 minutes

Liste de lecture :

Le remède

Album « Alone » « Chansons d’un monde perdu »
Album « Et rien n’est éternel » « Chansons d’un monde perdu »
Album « A Fragile Thing » « Chansons d’un monde perdu »
Album « Warsong » « Chants d’un monde perdu »
« Drone : Nodrone » album « Chansons d’un monde perdu »
Album « I Can Never Say Goodbye » « Chansons d’un monde perdu »
Album « All I Ever Am » « Chansons d’un monde perdu »
Album « Endsong » « Chansons d’un monde perdu »

 
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