“Sans la Red Bull Rookies Cup, je ne serais pas là. je peux t’assurer», témoigne humblement Jorge Martin, sacré champion du monde de la catégorie reine du Grand Prix Moto il y a à peine une semaine sur le circuit de Montmelo à Barcelone (Espagne).
D’un “famille normale, non pas que nous étions pauvres, mais normale“, le Madrilène s’est présenté pour la première fois aux sélections du peut cup organisée par la célèbre et riche boisson énergisante : «J’étais assez jeune, je n’avais jamais essayé un 125, mais j’étais rapide. Ils m’ont dit : tu es jeune, reviens l’année prochaine« .
Le gamin, âgé d’à peine 13 ans, remonte alors sur son pocketbike et reprend la route en compagnie de ses parents Angel Martin et Susana Almoguera (grande fan d’Alex Criville, premier et unique champion espagnol de GP500) : «pour aller de Madrid aux circuits de la côte méditerranéenne, Valence et Barcelone, nous avons voyagé tous les week-ends. Mes deux parents travaillaient du lundi au vendredi, donc c’était très difficile, même si je m’amusais juste», se souvient-il.
De retour dans les sélections de la Red Bull Rookies Cup en 2012, celui qui portait alors le numéro 88 a cette fois réussi l’épreuve avec brio. “Grâce à leurs conseils j’ai progressé et quand ils m’ont engagé j’étais très ému car s’ils ne l’avaient pas fait je pense que j’aurais abandonné le vélo«…
Jorge Martin a failli abandonner la moto. Deux fois.
Après une première saison de rodage en 2012 partiellement gâchée par une blessure (12ème au classement final), Jorge Martin se révèle en 2013 : il termine deuxième de cette Red Bull Rookies Cup, largement battu cependant par Karel Hanika, un pilote tchèque bien connu des amateurs d’endurance moto.
Grand vainqueur en 2014 devant son compatriote Joan Mir (champion Suzuki MotoGP lors de la pas si drôle saison MotoGP 2020), Jorge a décroché son ticket pour le Grand Prix sur Mahindra, dans l’écurie Mapfre puis Aspar. C’est pourtant sur la Honda Gresini et en 2018 que l’Espagnol remporte son premier titre mondial en Moto3, la même année que Pecco Bagnaia et Marquez Marquez sont respectivement sacrés en Moto2 et MotoGP !
Bien que peu spectaculaires et réussies, ses deux saisons en Moto2 lui ont permis d’accéder à la catégorie reine qu’il a découverte au sein du team Pramac, aux côtés de Johann Zarco. Unique double champion dans la catégorie intermédiaire des GP moto, notre international « Jojo » a également remporté la Red Bull Rookies Cup en 2007, la toute première édition !
Malheureusement pour Jorge Martin, une vilaine blessure en début de saison à Portimao a retardé son émergence au plus haut niveau. Ses fractures du tibia, du péroné et des mains (!) l’ont éloigné des circuits pendant de nombreuses semaines et les doutes s’installent à nouveau sur sa volonté de poursuivre cette carrière prometteuse mais douloureuse…
“La chose la plus difficile à surmonter était toute la douleur dans mon corps», souligne le petit pilote (1,68 m pour 63 kg) au grand talent et au mental bien trempé. “J’ai encore eu des problèmes quand j’ai gagné [sa première course] en Autriche [plus tard dans l’année]« .
Extrêmement rapide mais bien trop inconstant en 2022, le « meilleur débutant » du MotoGP 2021 franchit un nouveau cap en 2023 : le n°89 (« son » n°88 étant déjà utilisé en MotoGP par Miguel Oliveira) du team Pramac toujours, disputera le titre mondial au numéro 1 officiel Ducati, Pecco Bagnaia, jusqu’à la course finale…
Red Bull, éleveur de champions MotoGP, Moto2, Moto3 !
Cette année enfin, l’objectif est atteint par Martinator, “un surnom que mon père m’a donné en raison de ma force, de ma capacité de dépassement et de ma persévérance. Certains chapitres de ma carrière sportive ont reflété ce surnom, comme la blessure au tendon de ma main nécessitant un gant « bionique » en 2018, ou la mauvaise chute à Portimao en 2021.», explique le nouveau champion à un autre de ses fidèles sponsors, Alpinestars.
Red Bull est satisfait de la réussite de ses poulains : «pour la toute première fois, les étudiants de la Rookies Cup ont remporté le championnat dans les trois catégories au cours de la même saison« . En effet, Ai Ogura (5ème en 2017 avec deux victoires et malgré quatre courses manquées) s’est imposé en Moto2.
En Moto3, David Alonso a remporté le trophée dès sa deuxième saison, cumulant à ce jour 18 succès en Grand Prix, déjà autant que Martin ! En 2024, le phénoménal Colombien totalise 14 victoires, dont 7 de suite ! A 18 ans, il n’a sans doute pas fini de faire parler de lui. En attendant, c’est avec Jorge Martin que le « Red Bull » s’est récemment entretenu. Entretien.
Dites-nous ce que vous avez ressenti après avoir raté le titre l’année dernière. Combien de temps avez-vous analysé la situation et à quelle conclusion êtes-vous parvenu ?
Jorge Martin : C’est toujours dur de perdre un championnat, mais cela sert aussi de leçon pour l’année suivante. Et c’est exactement ce qui s’est passé : j’ai beaucoup appris et amélioré dans de nombreux domaines tels que les émotions, le contrôle des impulsions et la gestion des moments critiques. De plus, je sais mieux profiter du moment présent, ce qui était plus difficile pour moi avant.
Avez-vous préparé la saison 2024 différemment des autres, après être passé si près du but ?
JM : Je me suis préparé en pensant à tout ce qui s’est passé pendant la saison 2023, les bons et les mauvais moments. Je me suis entraîné beaucoup plus et je me suis concentré sur tout ce que je n’avais pas pu faire l’année dernière.
Qu’avez-vous changé dans votre approche mentale au cours de la saison 2024 : semblez-vous plus en contrôle dans toutes les situations ?
JM : Cette saison, j’ai travaillé sur des aspects différents de la saison dernière, notamment le contrôle personnel, la gestion des émotions et le plaisir du moment présent. Mon équipe personnelle est beaucoup plus soudée et j’ai pu m’entourer de personnes qui m’aident au quotidien et qui savent gérer mon environnement pour que je sois le plus à l’aise possible.
Y a-t-il eu des changements dans la façon dont vous vous entraînez ou vous préparez mentalement ? La saison est longue. Comment rester concentré et dur ?
JM : Les types de formation sont restés plus ou moins les mêmes. Ce que j’ai changé, c’est la durée et la technique. Le vélo occupe la majeure partie de mon temps, associé à la musculation et à un peu de moto. J’ai également réussi à mieux gérer mon alimentation.
Votre grand rival au championnat, Pecco Bagnaia, et vous étiez autrefois colocataires en Moto3 : prenez-vous cette rivalité personnellement et quelle émotion la lutte pour le titre vous a-t-elle apporté cette année ?
JM : La rivalité est toujours la même quel que soit le pilote. En fin de compte, nous avons tous le même enjeu et ce que nous voulons, c’est battre le pilote à côté de nous, devant ou derrière, peu importe, mais gagner. J’ai une bonne relation avec Pecco, nous nous connaissons depuis des années et c’est un grand professionnel ainsi qu’un excellent pilote. Mais peu importe que ce soit lui ou quelqu’un d’autre qui coure pour le titre contre moi, je ferais la même chose avec n’importe qui.
Quels sont les trois principaux facteurs qui ont conduit au succès global de votre carrière en MotoGP ? Quel rôle joue la Red Bull MotoGP Rookies Cup dans ce succès ?
JM : Persistance, confiance et effort. Ce sont trois aspects qu’apporte dès le départ la Red Bull Rookies Cup, car le niveau est très élevé et il faut toujours être concentré pour gagner.
Dans les moments difficiles, que vous dites-vous pour continuer à avancer ?
JM : Je regarde en arrière et je vois ce que j’ai accompli et qui je suis devenu. Je regarde autour de moi et je vois l’équipe que j’ai, tant sur le plan personnel que professionnel. Alors je me dis qu’il faut avancer.
