Le gouvernement en a fait une arme contre l’immigration clandestine. En quinze ans, le nombre d’OQTF (obligation de quitter le territoire français) délivrées par les préfectures a triplé. Elles ne sont pas toujours justifiées, témoigne un responsable dans cet extrait du « Complément d’enquête » sur quatre lettres qui divisent la France.
OQTF… un acronyme que vous avez beaucoup entendu dans les médias, au moment du meurtre de Philippine, 19 ans, en septembre 2024, ou encore celui de Lola, 12 ans, en octobre 2022. Deux affaires dans lesquelles les malfaiteurs présumés ont été contraints de quitter le territoire français.
Lorsqu’un étranger OQTF est impliqué dans un fait divers, certains médias mettent souvent en avant cette information, transmission dans la population « l’idée que ces crimes auraient pu ou dû être évités si les personnes avaient été expulsées du territoire », souligne Jérôme Valette, spécialiste des questions migratoires au CEPII (Centre de prospective et d’information internationale), interrogé par « Complément d’investigation ». En plus de mentionner l’origine « quand il s’agit de délinquance étrangère plutôt qu’en ce qui concerne la délinquance française » ne peut qu’augmenter « la perception de ce lien entre immigration et insécurité ».
Cette corrélation entre étrangers sous OQTF et délinquance est-elle un fantasme ou une réalité ? En calculant, à partir des chiffres du ministère de l’Intérieur, la part de ces mesures d’éloignement prononcées à l’encontre des étrangers condamnés par la justice (elle était de 1,4% sur la période de 2019 à 2022), « Enquête Addition » a constaté que la vaste la majorité des OQTF, plus de 93%, ciblent les étrangers sans antécédent…
En Europe, la France est le pays qui émet le plus d’OQTF : autant que la Grèce, l’Italie et l’Espagne réunies. En novembre 2022, Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, réclamait la « délivrance systématique d’une OQTF lorsque la délivrance d’un titre est refusée ou qu’une interpellation est opérée ». Pour l’année 2023, leur nombre atteint près de 138 000 – il a presque doublé en dix ans, contrairement au taux d’exécution qui est passé de 17 % à 8,5 %.
Dans les préfectures, cela « politique des chiffres », Comme le décrit un fonctionnaire interrogé par téléphone, cela pousserait-il les agents à refuser des demandes de titre de séjour parfaitement justifiées ? “On nous a fait comprendre que si le nombre de refus pouvait être un peu plus élevé que le nombre d’accords, cela arrangerait tout le monde”, il témoigne, ajoutant : « Il fallait s’assurer de trouver le petit truc qui empêcherait la personne d’avoir un titre de séjour. »
-Donc ça lui serait arrivé »de prendre des mesures d’éloignement à l’encontre des personnes ayant travaillé régulièrement en France, en CDI ou à durée déterminée, en raison de l’absence d’un document », dit-il en s’interrogeant sur l’intérêt « prononcer une OQTF pour une personne qui travaille et qui s’intègre, c’est ce qu’on lui demande lorsqu’elle vient sur le territoire français, sachant que cette OQTF ne sera jamais exécutée, et que cette personne continuera sans doute à travailler, mais de manière irrégulière… »
« La conséquence, poursuit ce responsable, En effet, les dossiers sont traités beaucoup plus rapidement et de manière beaucoup moins qualitative. Pour nous, c’est un dossier, ce n’est plus une personne.
La Cour des comptes elle-même ne dit rien d’autre, pointant vers un horizon 2024 « La systématisation des OQTF est devenue un enjeu de communication administrative » et une pratique qui « engorge les préfectures, qui ne peuvent plus faire une analyse qualitative de la situation de chaque demandeur, et délivrent parfois des OQTF à des personnes intégrées dans la société ».
Extrait de « OQTF, quatre lettres qui divisent la France », à voir dans « Complément d’enquête » du 23 janvier 2025.
> Les rediffusions des magazines d’information de France Télévisions sont disponibles sur le site franceinfosection “Revues(Nouvelle fenêtre) (Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)(Nouvelle fenêtre)« .
Related News :