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INTERVIEW – « À Mayotte, le retour à la normale sera très long »

L’Association des Etudiants et des Jeunes de Mayotte (AEJM) est l’un des partenaires locaux du Secours populaire. Son directeur Saïd Mohamadi revient sur le soutien apporté par le Secours populaire. Il fait également le point sur la situation après la catastrophe du cyclone Chido alors que l’île vient de subir depuis trois jours la tempête tropicale Dikeledi.

Mayotte souffre depuis le passage du cyclone Chido et des inondations provoquées par la tempête tropicale Dikeledi survenue la semaine dernière. Quelle est la situation sur place ?

Nous venons de sortir de l’alerte rouge, après trois jours de tempête tropicale Dikeledi. Tous les magasins et stations-service ont de nouveau été fermés préventivement. Cette fois, l’île a été fortement touchée au sud. D’importantes inondations y ont provoqué des glissements de terrain. Par endroits, les routes sont complètement hors d’usage. Cette tempête tropicale a fait moins de victimes que le cyclone précédent, mais les dégâts sont restés importants, car de nombreuses habitations avaient déjà été fragilisées par le cyclone Chido. Ma génération n’avait jamais imaginé vivre un événement climatique aussi intense. C’est pire que ce que nos parents et grands-parents ont vécu il y a 40 ans. Tout le monde a été touché. Dans de nombreux cas, les gens ont perdu tous leurs biens.

Deux missions du Secours populaire se sont rendues sur place. Comment agissez-vous ensemble ?

Nous avons rencontré des membres des deux missions du Secours populaire. Ils nous ont donné des tablettes pour purifier l’eau de la rivière, cinq téléphones portables pour appeler les 2000 étudiants et apprentis que nous suivons habituellement. Cela nous a permis de réaliser nos évaluations sociales et de maintenir le contact avec eux. Le Secours populaire nous a confié des stations Starlink* pour assurer une connexion internet par satellite, en attendant la remise en état du réseau terrestre. Il nous fournira également de la nourriture et des batteries solaires que nous enverrons aux étudiants du nord de l’île.

Nous avons réalisé des évaluations sociales auprès des étudiants et des apprentis. Nous avons multiplié les appels téléphoniques, ainsi que les sorties sur le terrain pour rencontrer les jeunes que nous ne parvenions pas à joindre. Réaliser cette tâche dans une zone sinistrée nous a pris un certain temps, mais c’est désormais chose faite. Nous distribuerons des kits alimentaires et des produits d’hygiène aux jeunes et à leurs familles.

Comment allez-vous garantir aux jeunes la poursuite de leurs études ?

Nous envisageons plusieurs solutions. L’une d’elles est la mise en place d’un service mobile pour venir en aide aux sinistrés car il n’y a pas de transports publics sur l’île. Nous utiliserons un van aménagé en épicerie solidaire et dans lequel nous pourrons également mener des entretiens individuels afin d’orienter les jeunes vers d’autres services sociaux si nécessaire. Nous renforcerons également notre équipe en recrutant une conseillère en insertion professionnelle et une assistante sociale. Nous réfléchissons également à la mise en place de cours de soutien pour que les jeunes puissent rattraper au moins une partie des cours qu’ils n’auront pas suivis cette année. Une fois le retour à la normale assuré, nous reprendrons notre mission de prévention santé et d’accueil de jour au domicile des étudiants, où nous offrons l’accès à Internet et aux professionnels de l’accompagnement social.

La rentrée scolaire a d’abord été décalée au 20 janvier. Mais on vient d’apprendre auprès du rectorat qu’elle a été reportée sine die en raison de la fragilité des bâtiments endommagés. En revanche, une semaine avant leur réouverture prévue, les écoles hébergeaient encore un grand nombre de sinistrés. Il était impossible d’évacuer tout le monde et de préparer les lieux dans les délais impartis.

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Comment s’organise la vie au quotidien ?

Tout reste très compliqué. L’électricité, malgré les renforts envoyés depuis le continent, n’est pas encore rétablie sur l’ensemble du territoire, notamment au nord de l’île. Le téléphone et Internet sont dans la même situation. Les stations d’épuration des eaux sont endommagées, leur production a diminué alors qu’elle était déjà insuffisante avant Chido. Les services de l’État importent une grande quantité d’eau et la distribuent gratuitement à travers le CCAS et les associations. Seulement deux bouteilles par personne et par semaine. C’est très insuffisant, d’autant qu’il fait très chaud.

Les gens font la queue pendant des heures dans les supermarchés, du lundi au dimanche, pour obtenir deux packs d’eau par personne. Certaines marques, ainsi que les petites entreprises, que nous appelons ici « Doukas », qui signifie « magasins » en mahorais, ont augmenté leurs prix de vente. Vendu 2 euros à la Réunion, le pack d’eau atteint 7 euros une fois arrivé à Mayotte. Une telle augmentation est également observable pour le riz, l’aliment de base, car toute agriculture est détruite sur l’île. Les familles ne pourront plus compter sur ce qu’elles cultivent dans leur jardin et devront tout acheter au supermarché.

Quelles sont vos préoccupations pour le futur proche ?

Nous devons nous habiller et manger. Cependant, malgré le volume important de l’aide apportée par les ONG, les besoins ne sont pas couverts. Il ne faut pas croire que tous les problèmes seront résolus une fois l’accès à l’eau ou à l’électricité résolu. Nous vivons sur un territoire où tout est problématique : c’est le plus pauvre des départements français ; et de très loin. Reconstruire de manière permanente prend du temps, coûte cher et, actuellement, les matériaux manquent. La reconstruction doit se faire progressivement, de manière concertée, mais dans toute une série de secteurs.

* Starlink est un service Internet par satellite conçu par SpaceX pour connecter les utilisateurs résidentiels, itinérants et professionnels.

Deuxième mission du Secours populaire : les résultats

Du 6 au 11 janvier, une deuxième délégation du Secours populaire s’est rendue à Mayotte. La mission a fourni aux partenaires de l’association plus de 60 000 tablettes de purification d’eau et des systèmes de connexion par satellite.

Des accords ont été conclus avec les centrales d’achat de l’île pour fournir aux partenaires mahorais près de 2 200 kits d’hygiène et serviettes périodiques pour 500 femmes.

Afin d’accompagner la reprise de l’agriculture de subsistance dans le nord de l’île, la délégation a apporté du petit outillage (débroussailleuses, tronçonneuses…) à une cinquantaine d’agriculteurs, ainsi que 40 000 tomates, aubergines, maïs sucré, melons et pastèques.

 
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