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une transformation silencieuse des territoires

Pendant longtemps, la question de l’immigration et ses implications pour la société française ont semblé se concentrer sur un certain nombre de territoires « symboliques » : Paris et les grandes villes, certaines régions post-industrielles, le littoral méditerranéen, etc. les flux migratoires ont cependant rebattu les cartes de cette géographie.

La population immigrée – entendue comme l’ensemble des personnes nées étrangères à l’étranger – a augmenté de 40 % dans notre pays depuis le milieu des années 2000. Un constat clair peut être établi à partir des données de l’Insee : il n’y a jamais eu autant d’immigrés en qu’aujourd’hui, que ce soit en valeur absolue ou en proportion relative. L’Afrique est le premier continent d’origine des immigrés en France (48 % des immigrés en sont originaires) ; même si la majorité de ces immigrés africains restent originaires du Maghreb, le nombre de ceux originaires d’Afrique sahélienne, guinéenne ou centrale a doublé depuis 2006.

Une telle dynamique a eu des conséquences dans tout le pays. Cependant, l’ampleur de ces enjeux et des transformations induites par l’accélération des migrations est fortement différenciée géographiquement. L’analyse fine à l’échelle communale sur une période de quinze ans atteste d’une augmentation rapide de la part des immigrés dans des territoires parmi les moins touchés par l’immigration jusqu’alors, avec un déplacement notable dans le Grand Ouest: Bretagne, Pays de la Loire, Normandie…

La part des immigrés dans la population de villes comme Le Mans, Brest ou Caen a doublé entre 2006 et 2021

La part des immigrés dans la population de villes comme Le Mans, Brest ou Caen par exemple a doublé entre 2006 et 2021. Si l’on s’intéresse aux communes à faible ou moyenne population, des phénomènes encore plus marqués apparaissent : la population immigrée de La Guerche- de-Bretagne (Ille-et-Vilaine, 4 300 habitants) a été multipliée par huit en quinze ans ; dans le même département, il a été multiplié par sept à Vezin-le-Coquet, par six à Saint-Méen-le-Grand ou à Cesson-Sévigné.

Plusieurs explications peuvent être avancées à ces dynamiques locales très marquées. Elles sont en partie dues aux stratégies nationales de « répartition » de l’immigration, via entre autres l’ouverture de centres d’accueil pour demandeurs d’asile dans des régions dont les capacités étaient moins saturées que d’autres – notamment l’Île-de-France. Par ailleurs, certaines communautés assument depuis plusieurs années le choix explicite d’une politique locale de large « ouverture » en matière migratoire, souvent justifiée par des arguments mêlant considérations humanitaires, économiques ou plus strictement idéologiques.

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Ajoutons à cela l’effet des phénomènes de diaspora. Comme le résume le démographe Gérard-François Dumont : « L’immigration crée l’immigration […] À partir du moment où les membres d’une communauté s’installent quelque part, ils jouent le rôle de guichet d’accueil pour d’autres personnes de même origine. »

De telles trajectoires peuvent poser des difficultés particulières aux politiques publiques de certains territoires, notamment ceux où se concentrent les problématiques de chômage et d’inactivité des populations immigrées. On dit que la part de la population immigrée au Mans a doublé en quinze ans ; cependant, dans cette même commune, 37,6% des immigrés sont au chômage ou inactifs (hors retraités et étudiants), selon les données disponibles les plus récentes. L’arrivée massive d’immigrés ne s’est donc pas toujours accompagnée d’une absorption effective par le marché du travail et pose avec acuité, au niveau local, les mêmes questions qu’au niveau national.


*Directeur de l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie.

L’immigration dans les territoires quinze ans de bouleversements (2006 – 2021), note OID, septembre 2024.

France

 
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