Par
Bernadette Ramel
Publié le
18 janvier 2025 à 14h41
C’est du jamais vu dans la baie du Mont Saint-Michel : vendredi 17 janvier 2025, pas moins d’une quinzaine de dauphins se sont échoués à Cancale, à proximité des parcs à huîtres. Le sauvetage de 13 d’entre eux a été complexe, voire épique.
Il a mobilisé les pompiers de Cancale, Saint-Malo et Dol-de-Bretagne, mais aussi les ostréiculteurs et bien sûr l’association naturaliste locale, Al Lark. Morgane Perri, biologiste marine, nous le raconte.
Deux femmes sont mortes à l’arrivée des secours
Ce sont les ostréiculteurs qui ont donné l’alerte vers 15 heures : ils avaient repéré plusieurs dauphins échoués, et vivants, à marée basse.
« On nous a d’abord parlé de cinq individus, puis d’une quinzaine… Quand nous sommes arrivés avec les pompiers, il a d’abord fallu réussir à les localiser car ils étaient très loin. Du port de la Houle, on ne pouvait pas les voir. »
Impossible de s’y rendre à pied, au risque de s’envaser. Alexandre Prodhomme, ostréiculteur, a mobilisé remorque et tracteur pour embarquer sauveteurs et matériel. « Il nous a énormément aidé », salue Morgane Perri.
Sur place, deux individus adultes, qui se sont révélés être des femelles, étaient déjà morts. Il restait 13 dauphins vivants, dont six bébés. Tous de la même espèce : les dauphins communs.
Impossible de séparer la mère et l’enfant
Déjà en termes de nombre, c’était une intervention énorme, mais le fait qu’il s’agisse de femelles avec des bébés a rendu notre approche encore plus complexe : il a fallu remettre tout le monde à l’eau simultanément.
Sans pouvoir savoir quel bébé accompagnait quel adulte, il était en effet impensable de les emmener en mer un à un, voire deux par deux. « Si on remet une mère à l’eau sans son bébé, elle risque de revenir le chercher et de s’y retrouver à nouveau ; le petit, seul, aurait peut-être l’instinct d’aller nager à nouveau mais il finirait par se perdre et ne retrouverait pas sa mère. »
“Deux petits qui paniquaient”
Dès le départ, le plus simple aurait été de mettre les cétacés en « position de confort » et « d’attendre que la marée les ramène ». « Mais certains étaient presque entièrement ensevelis sous la boue et avaient du mal à respirer. Il y avait aussi deux petits qui paniquaient complètement. Cependant, ces dauphins sont très sensibles au stress et peuvent provoquer des arrêts cardiaques à cause de celui-ci. »
le laboratoire Pelagis de La Rochelle, qui supervise le réseau national d’échouage, la décision a donc été prise de “charger les animaux sur la remorque pour les rapprocher au plus près de l’eau qui commençait à monter”. L’idée était de les positionner « dans un canal d’où ils pourraient sortir plus facilement ».
Les pompiers et les ostréiculteurs ont posé à tour de rôle les 13 animaux sur des plateaux, puis les ont remorqués.
«Ils allaient se glisser sous les tables à huîtres»
Les sauveteurs n’étaient pas au bout de leurs peines :
-Lorsque les dauphins ont recommencé à flotter, le courant de marée, très fort ici, les a poussés vers la côte et non vers le large. Alors ils ont paniqué et sont allés se cacher sous les tables à huîtres. Nous avons dû les sortir d’innombrables fois… au final, nous avons dû guider chaque dauphin individuellement.
Vers 18h30, il devient périlleux pour les humains de rester dans la zone, « avec de l’eau jusqu’à la taille et s’enfonçant parfois dans 60 centimètres de boue ».
« Nous avons terminé l’intervention avec l’aéroglisseur des pompiers de Dol-de-Bretagne, pour finir de désincarcérer les derniers individus », précise Morgane Perri. En partant, j’ai eu un visuel de 10 animaux, dont 4 couples de mamans oursons, sachant que les trois autres étaient peut-être un peu plus loin. A notre connaissance, aucun animal n’est mort lors de l’intervention. »
Les prochaines 48 heures « cruciales »
Cela ne veut pas dire qu’ils ont pu se sortir définitivement du pétrin.
« Cela a été un événement traumatisant pour eux à bien des égards. Mais si nous n’avons pas de nouvel échouage d’ici 48 heures, on peut dire que c’est plutôt bon signe. Nous resterons vigilants pendant les deux prochaines semaines. Or, si des cadavres arrivent sur les côtes, on ne pourra plus forcément savoir s’il s’agit de ces individus. »
Un bébé a perdu sa mère
Nous savons déjà que l’un des bébés sauvés a perdu sa mère. Elle était l’une des deux personnes décédées à l’arrivée des sauveteurs.
Leur autopsie a eu lieu samedi 18 janvier, dans les locaux des services techniques de la Ville de Cancale, qui ont aidé à prendre en charge les cadavres.
« Rien qu’en manipulant cette femelle, du lait sortait de ses glandes mammaires, explique Morgane Perri. On espère que son bébé sera pris en charge par d’autres femelles, qu’il sera « adopté ». »
Les examens réalisés permettront de savoir si les deux individus sont décédés du stress ou d’une pathologie sous-jacente.
Échouage « topographique »
L’échouage, quant à lui, s’explique par des raisons « topographiques ». « Les dauphins communs sont habitués à des profondeurs bien supérieures à celles de la baie du Mont Saint-Michel. Ici nous avons très peu de profondeur, un marnage énorme, une mer qui descend très vite et recule très loin. Et donc on se retrouve parfois avec des animaux qui ne savent pas gérer la maréetout simplement… »
Il ne reste plus qu’à attendre et espérer que tous les efforts déployés pour les sauver n’auront pas été vains.
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