A une semaine du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, l’avenir du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), organisation binationale créée par les États-Unis et le Canada, et destinée à la défense de l’ensemble du territoire nord-américain, semble fragilisé par son mandat. remarques récentes.
Bien qu’imparfaite, l’alliance de défense entre les deux pays n’avait jamais été remise en question jusqu’à présent, souligne avec inquiétude le brigadier général à la retraite des Forces armées canadiennes Richard Giguère.
Ce qui semblait initialement être une mauvaise blague a pris une tournure plus alarmante la semaine dernière, Donald Trump n’excluant pas d’utiliser la « force économique » pour intégrer le Canada en tant que 51e État américain, dans la mesure où les États-Unis assurent déjà une défense militaire pour un coût de « centaines de milliards de dollars ».
« Pourquoi soutenons-nous un pays [qui nous coûte] plus de 200 milliards par an ? Notre armée est à leur disposition. Ils devraient constituer un État », a soutenu M. Trump depuis son domaine de Mar-a-Lago le 7 janvier.
Les experts consultés par Devoir conviennent que les États-Unis jouent un rôle crucial dans la protection du Canada, dont le territoire – le deuxième plus grand au monde – est trop vaste pour que le pays puisse le protéger seul.
Ainsi, lorsque le président élu déclare que l’armée américaine « protège essentiellement » le Canada, il n’exagère pas, soutient Claude Laferrière, maître de conférences en droit américain et canadien de la sécurité nationale à l’Université de Montréal. “Ce n’est pas en partie vrai, c’est totalement vrai !” » s’exclame-t-il.
Les forces armées des États-Unis comptent environ 1,3 million de militaires actifs, contre 70 000 membres des Forces armées canadiennes, selon les données de 2024 de la Central Intelligence Agency.
Dépenses insuffisantes
Le Canada investit également beaucoup moins d’argent que les Américains. L’année dernière, Ottawa a dépensé 30,5 milliards de dollars (1,4 % de son PIB) pour la défense, comparativement à 967,7 milliards de dollars (3,4 % du PIB) chez nos voisins du Sud.
« Il n’y a pas eu de nouvelles bases militaires au Canada depuis des décennies. […] Ils coûtent extrêmement cher et le Canada n’y participe pas. [à l’effort]. Et cela, bien sûr, exaspère les Américains et laisse un immense territoire inoccupé», observe Claude Laferrière.
Donald Trump s’était déjà plaint du fait que plusieurs membres de l’Otan, dont le Canada, ne jouaient pas leur rôle au sein de l’alliance. Il a même menacé de ne pas les défendre s’ils n’atteignaient pas l’objectif de 2% de dépenses militaires.
” Sur [soutient le Canada] par habitude et parce que nous sommes de bons voisins, mais nous ne pouvons pas le faire indéfiniment, et c’est une somme d’argent énorme », a prévenu mardi le président élu.
L’argument financier ne tient cependant pas la route, estime Stéphane Roussel, professeur titulaire à l’École nationale d’administration publique, où il enseigne la politique étrangère et la politique de défense.
« Ce n’est pas parce que le Canada atteindrait 2 % du PIB [de dépenses militaires] que les Américains réduiraient leurs propres investissements dans la défense, ils feraient exactement la même chose. Il n’y a aucune économie à faire sur ce point », souligne-t-il.
Par ailleurs, il est tout à fait normal que les États-Unis investissent davantage dans leur armée que le Canada, qui ne fait pas face aux mêmes types de menaces. « Les menaces contre l’Amérique du Nord sont avant tout des menaces contre les États-Unis », ajoute-t-il.
Un retour au « hard power »
Les inégalités militaires entre les deux voisins sont pourtant connues depuis longtemps, explique Richard Giguère, un ancien officier des Forces armées canadiennes.
« Les dirigeants américains ont toujours su et accepté que le Canada était loin d’avoir le même appareil militaire que le leur. Cela ne nous a pas empêché de forger des alliances comme le NORAD », dit-il.
« Il y a eu des hauts et des bas, mais le lien d’alliance entre le Canada et les États-Unis, en matière de défense, n’a jamais été vraiment remis en question jusqu’à l’arrivée de M. Trump », souligne-t-il.
Pour celui qui a servi 35 ans dans les Forces armées canadiennes, le discours du président élu évoque un retour au « hard power » (puissance dure) — soit la politique d’un État recourant à des moyens coercitifs pour parvenir à ses fins.
S’il a exclu le recours aux forces militaires pour annexer le Canada, Donald Trump n’a pas fermé la porte à leur utilisation pour acquérir le Groenland et le canal de Panama. « Nous en avons besoin pour la sécurité économique », a-t-il déclaré mardi dernier.
Pour Richard Giguère, ces discours « expansionnistes » rappellent ceux du président russe Vladimir Poutine pour justifier son invasion de l’Ukraine, ainsi que du président chinois Xi Jinping, qui a déjà exprimé sa volonté d’annexer Taïwan.
« [L’intention de] prendre des parties du territoire par la force, si nécessaire, est complètement nouveau de la part de nos alliés », ajoute-t-il.
Le retour des tyrans
Les propos du futur président surviennent au moment où l’instabilité règne à Ottawa, avec l’annonce de la démission prochaine du premier ministre du Canada, Justin Trudeau. Son successeur doit être choisi à l’issue d’une course à la direction du Parti libéral du Canada le 9 mars.
Justin Trudeau a également élevé la voix ces derniers jours contre le président Trump, répliquant que le Canada ne deviendrait jamais un État américain.
L’influent milliardaire et propriétaire de la plateforme X, Elon Musk, a également soutenu que les déclarations de M. Trudeau n’avaient plus d’importance dans le contexte politique actuel. “Ma fille [girl]vous n’êtes plus gouverneur du Canada, donc ce que vous dites n’a plus d’importance », lui a écrit M. Musk mardi soir.
Outre le contexte politique actuel qui fragilise le Canada, ce sont désormais les conventions diplomatiques « qui prennent le dessus », observe Richard Giguère. « C’est le retour des tyrans dans la cour d’école. »
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