Dernière nouveauté de la collection Yuri des éditions Taifu Comics pour cette année 2024, Coup de foudre ! a vu son premier tome publié en France fin novembre. Pré-publié au Japon sous le titre « Watashi no Kobushi wo Uketomete ! » (que l’on peut traduire littéralement par « Accepte mon poing ! »), entre janvier 2018 et octobre 2020, sur le site catégorisé seinen Young Ace Up des éditions Kadokawa, cet ouvrage en quatre volumes fut le premier (et encore unique, à l’heure actuelle où ces lignes sont écrites) série professionnelle de Murata, mangaka qui est en effet fan des histoires basées sur les relations homosexuelles féminines puisque, dans le monde amateur, on lui doit aussi plusieurs doujinshi autour des séries Love Live ! et BanG Dream !, entre autres. Bénéficiant d’une popularité assez solide auprès des fans de ce type d’histoire, Thunderbolt in Your Face ! a également été publié en anglais par Yen Press en 2022-2023, sous le titre « Catch These Hands !
Cette série commence par nous plonger avec Takebe, qui était, à l’époque du lycée, une voleuse, et même la délinquante la plus redoutée de son établissement… et même avec les autres voyous des établissements alentours, puisqu’elle a souvent eu des ennuis avec elle en compagnie de sa bande. Mais quatre ans plus tard, désormais toutes devenues de jeunes adultes, les filles du groupe ont pris une tangente, ont commencé à vivre ensemble, ou encore sont déjà mariées et ont ou attendent un enfant… Bref, elles sont revenues dans le moisissure, au grand dam de Takebe qui a l’impression de ne pas vraiment changer. Non pas qu’elle soit encore une briseuse : elle a simplement gardé son apparence éternellement mauvaise/maussade et son personnage capable de partir à tout moment.
Cependant, Takebe le sent : elle aussi demande simplement à changer. Plutôt que de s’enfermer dans sa routine faite de petits boulots et de farniente, où elle ne voit plus presque plus ses amis et où elle ignore complètement les modes de ces dernières années, elle aimerait évoluer, voire se marier elle-même et avoir un enfant un jour. , si quelqu’un la veut vraiment. Alors, en se rendant dans un magasin de vêtements pour tenter de capter les tendances du moment auxquelles elle ne comprend rien, et en y retrouvant Soramori, sa vieille rivale d’un autre lycée avec qui elle se heurtait toujours, qu’elle n’a jamais battu ni même capable de cadrer, Takebe ne s’attendait probablement pas à ce qui allait lui arriver. En effet, Soramori la défie en duel, comme au bon vieux temps, mais avec un enjeu surprenant : si elle gagne, Takebe devra sortir avec elle !
Quelle est la raison profonde de cette demande de Soramori ? On le découvrira bien assez tôt, de manière amusante puisque Murata évoque efficacement les raisons pour lesquelles cette fille venait toujours rencontrer Takebe dans le passé, et détourne habilement les clichés qui faisaient de Soramori un voyou malgré elle. Et que se passera-t-il si les deux femmes commencent réellement à sortir ensemble ? Et bien c’est justement ce qui rend si passionnant ce premier tome, dans lequel Murata joue plutôt très bien sur les bases qu’il a posées.
Tout d’abord, c’est la manière d’être de Takebe qui ravit le plus : en plus d’avoir constamment son excellent look sombre même quand elle ne veut rien dire de mal (ce n’est pas de sa faute, elle a toujours été comme ça) ainsi que ses sautes d’humeur et autres envies de porter quelques mandals, la jeune femme amuse facilement par son décalage avec les modes du moment, que ce soit au niveau vestimentaire où elle n’a jamais évolué, ou des réseaux sociaux pour lesquels elle n’a aucun intérêt, ce qui a même valu à Murata un chapitre amusant où il aborde gentiment certaines tendances absurdes d’Instagram. Et ces moments de différence, Soramori l’accompagne parfois volontiers !
Ensuite, il y a justement la nature de la relation entre nos deux héroïnes, avec d’un côté un Soramori qui a toujours voulu se rapprocher de Takebe, et de l’autre un Takebe qui, jusque là, avait toujours considéré cette fille sa plus grande rivale et ne la voyait que comme quelqu’un à battre. Autant dire qu’il faudra du temps pour que leur relation évolue, si elle évolue bien sûr. Et en attendant, Murata s’offre déjà quelques occasions de voir ce que ces deux femmes peuvent s’apporter : on appréciera ce que Soramori exprime en affirmant que Takebe n’a pas besoin de rentrer pleinement dans le moule et qu’elle l’aime tel qu’il est. qu’elle l’est, et on aimera observer les moments où Takebe montre sa bonhomie derrière son envie de frapper, comme le passage avec Maria où elle s’inquiète pour Soramori, peut-être pas par affection mais par droiture.
Murata accompagne tout cela d’un rendu visuel assez adéquat : loin d’offrir une grande richesse graphique, son dessin joue principalement sur une simplicité faisant ressortir les dessins expressifs de ses personnages et surtout leurs visages qui sont généralement très efficaces, notamment dans le cas de Takebe. qui, forcément, accentue bien le côté décalé.
Il faudra maintenant voir comment la série évolue, mais pour l’immédiat Coup de foudre ! part sur des bases très sympathiques. L’histoire ne cherchera pas forcément très loin dans ses développements pour le moment, mais il y a déjà de quoi se laisser séduire par cette tranche de vie, plutôt originale dans son principe de base et assez amusante, où naissent effectivement le décalage et même les pulsions absurdes. de ces deux héroïnes quelque peu marginalisées et de la relation insolite qui se crée entre elles.
Côté édition française enfin, Taifu livre un exemplaire soigné : la jaquette adapte soigneusement, fidèlement et sobrement l’original japonais jusqu’à la typographie du logo du titre, la première page couleur sur papier glacé est appréciable, le papier est souple et assez opaque permet une très bonne qualité d’impression, la traduction assurée par Karen Guirado est globalement très bien dans le ton de l’ouvrage, et le travail d’adaptation graphique et de lettrage réalisé par Jean-François Leyssène est épuré.
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