Ozra, quel est ce projet d’entreprise qui t’a permis de remporter le concours Graine de patron 2024 ?
C’est une entreprise qui existe déjà. Je l’ai créé en Afghanistan, le pays d’où je viens, mais que j’ai dû quitter. Dadookhan emploie 60 femmes des villes de Kaboul et Bamyan dans le monde du textile artisanal. Mon objectif est de continuer à faire travailler ces femmes en Afghanistan, tout en vendant les vêtements en France. Car, à cause des talibans, les vêtements ne peuvent être vendus que sur Internet ou par l’intermédiaire de connaissances. Idéalement, j’aimerais ouvrir une boutique à Salon-de-Provence pour valoriser et perpétuer le patrimoine féminin et le patrimoine ancestral afghan. En effet, les techniques utilisées sont rares – travail du miroir, broderie, chermadozi, khamak, etc. – et c’est un savoir-faire qui risque de disparaître si rien n’est fait pour soutenir les femmes afghanes.
Quand comptez-vous ouvrir votre magasin ?
Je ne sais pas, cela dépendra des finances. Grâce à Graine de Boss, j’ai déjà gagné un prix de 1 000 € qui va m’aider. Au-delà du montant, participer à ce système m’a été très utile. J’ai pu apprendre beaucoup de choses, notamment sur les études de marché et la structure des entreprises. J’ai appris les bases de la création d’entreprise.
Pourtant, vous étiez déjà chef d’entreprise en Afghanistan.
Oui, mais pas seulement. Là-bas, j’ai également travaillé comme responsable financière au ministère de la Femme. Avec l’arrivée des talibans, le ministère a été fermé et j’ai dû arrêter de travailler. Mes quatre derniers mois de salaire ne m’ont pas été versés et j’ai reçu des menaces de mort à plusieurs reprises. Il n’était donc plus possible de rester. Grâce à mes amis du monde diplomatique, nous avons réussi à quitter l’Afghanistan, mon mari, mes cinq enfants et moi. C’était une période difficile.
Elle est passée par le Pakistan puis Paris avant d’arriver à Salon-de-Provence
Comment es-tu arrivée en France ?
Nous avons d’abord passé cinq mois au Pakistan. C’était compliqué de rejoindre ce pays, il y avait beaucoup de gens qui voulaient traverser la frontière, des talibans armés partout, donc j’ai caché tout mon travail sous la burqa qu’on m’obligeait à porter. Mon plus jeune enfant n’avait même pas six mois. Après le Pakistan, nous avons obtenu un visa pour la France. C’était comme une seconde naissance. Nous avons atterri à Paris où la Croix Rouge s’est occupée de nous. Etant une famille nombreuse, nous n’avons pas pu y trouver de logement, nous avons donc été dirigés vers Salon. C’est ainsi que nous en sommes arrivés là en 2021.
Pourquoi avoir choisi la France ?
J’aime la France depuis que je suis enfant. J’ai lu des livres en français et j’ai même étudié à la Faculté des Lettres et de Langue Française de Kaboul pendant quatre ans. J’ai une vraie relation amicale avec la France.
Comment se passe ta vie en France ?
BIEN. Les enfants se sont bien adaptés, ils parlent français. Mais leur grande maison, avec leur jardin, leur manque. Nous espérons pouvoir un jour retourner en Afghanistan, lorsque les talibans auront disparu. Pour le moment, c’est impossible. Toute ma famille a quitté le pays, certains sont en Iran, d’autres en Italie.
Quel message souhaitez-vous envoyer ?
Que rien n’est impossible ! Quand on est dans le noir, il y a toujours de l’espoir : nous avons tous en nous la force de faire de grandes choses et d’évoluer ! Mais il faut croire en nous, c’est très important.
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