Après la mort de plusieurs adolescents suite à des bagarres au couteau entre quartiers, des jeunes témoignent.
«Beaucoup de jeunes emportent avec eux un Opinel, au cas où.» Moustache naissante et regard d’enfant, Abdoulaye, 15 ans, parle d’un fait qui lui fait peur : la banalisation du port du couteau par des adolescents de son âge, en région parisienne, qui peuvent aller jusqu’à s’entre-tuer à cause de « troubles ». .» « entre les quartiers.
Octobre, Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) : un garçon de 16 ans, mortellement blessé d’un coup d’Opinel par un autre jeune de 17 ans. Novembre, Sarcelles (Val-d’Oise) : un adolescent de 17 ans tué de la même manière par un Sarcellois du même âge. Décembre, Paris : un jeune de 16 ans victime d’une rixe mortelle près d’un lycée, un suspect du même âge incarcéré.
Abdoulaye (pseudonyme) suit ces faits effrayants. L’une des victimes, Ali, était son ami. Il le décrit comme « généreux, toujours de bonne humeur » et « très bon à Fortnite », un jeu vidéo où l’on combat jusqu’au dernier survivant.
Dans son quartier de Sarcelles, Ali a été tué en milieu d’après-midi, le 12 novembre, tout près de chez lui, lui qui ne sortait plus “trop”, selon ses amis, après avoir renoncé “aux ennuis”. .
Mais « un jour, il est sorti, ils sont descendus du bus, ils l’ont frappé. C’était lui, ça aurait pu être quelqu’un d’autre”, assure Abdoulaye. “Ça nous a touchés, sa mort, on a pleuré, on avait de la haine envers l’autre quartier.”
Une approche « préventive »
Pourquoi tant d’adolescents sortent-ils avec un couteau ? Abdoulaye explique que « c’est préventif ». « On ne sait jamais ce qui peut arriver lorsqu’on rencontre quelqu’un d’un autre quartier. Lorsque vous sortez de votre quartier, vous faites toujours attention à l’endroit où vous allez et à qui est à côté de vous. dit-il, approuvé par un autre lycéen.
Les histoires peuvent partir de rien : « Les deux quartiers se croisent, se regardent mal… » ou « un quartier a voulu attraper quelqu’un de l’autre quartier… », expliquent-ils.
Abdoulaye dit ne pas savoir d’où vient la « confusion » entre ses quartiers de Chantepie et des Vignes Blanches. « Ça date d’il y a longtemps… Si tu dis que tu es de Chantepie, il y en a qui vont te frapper, t’énerver. D’autres qui ne vous feront rien. Cela dépend des gens… »
“C’est toi ou lui.”
« Dans un même quartier, il y en a qui marchent tranquillement et d’autres qui ne marchent pas », résume, anonymement, un autre jeune de 20 ans.
En portant un couteau, « certaines personnes se protègent ». “C’est soit toi, soit lui (…) Soit tu es blessé, soit tué, devant toi, ils ne vont pas te faire de cadeau”, explique ce jeune homme encagoulé, rencontré le 1er décembre lors d’une marche à la mémoire d’Ali à Sarcelles.
Cet automne, la préfecture du Val-d’Oise a fait connaître sur les réseaux des « opérations de tranquillisation » menées aux abords des lycées, des policiers fouillant les sacs des élèves à la recherche « d’armes et d’armes par destination ».
A Aulnay-sous-Bois, le 11 octobre, un garçon de 16 ans, Meissane, a été tué par un tir de « gros opinel ». Une source proche de l’enquête juge ridicule le mobile de l’homicide, “un coup de couteau dans la jambe, pour donner une leçon, sans avoir conscience de toucher l’os fémoral”.
“Au printemps, des commentaires désagréables ont été postés sur un réseau social par des lycéens, l’affaire en est restée là, jusqu’à une rencontre dans le fast-food : des jeunes ont alors reconnu certains des auteurs des commentaires”, cherche-t-on des explications. puis des coups de couteau sont pratiqués», explique une autre source proche de l’enquête.
Des violences « banalisées »
Le port du couteau par les adolescents semble donc se généraliser, et de plus en plus tôt.
“C’est le nombre de fois où nous avons des bulletins scolaires nous disant qu’ils ont surpris un certain élève qui, dans son cartable, avait ramené un couteau pris dans sa cuisine parce qu’il se sentait menacé…”, a déclaré anonymement à l’AFP une source policière, du 30. ans en Seine-Saint-Denis.
« À une certaine époque, si quelqu’un avait un couteau, personne ne l’aurait touché, mais lui-même ne l’aurait pas utilisé de cette façon. Maintenant, c’est ‘je plante, je veux tuer’ ou de toute façon, si je ne le veux pas, je ne me rends pas compte qu’en mettant deux coups de couteau au ventre, je risque de tuer”, dit le policier, faisant référence à « une libération du geste », « sans recul ».
Pour lui, « cela joue un rôle » dans le fait que les chaînes continues et les réseaux sociaux « relaient jusqu’à la nausée tout ce qui se passe », « banalisant complètement » l’acte violent.
Un responsable de la police municipale d’Aulnay estime aussi que « ces jeunes vivent dans un monde parallèle, celui d’Internet, du jeu vidéo ». « Ils n’ont pas conscience du risque. Et il y a une concurrence effrénée sur les réseaux, tout ce buzz pour faire parler d’eux, de leur quartier : sur internet, il y a des gens qui se nourrissent en permanence de violence.»
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