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au Havre, l’attente d’un Syrien pour son pays

Par

Marie LEMAISTRE

Publié le

22 décembre 2024 à 19h10

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Pendant 15 jours, Nasser Hamoud ne quittez pas les réseaux sociaux avec la télévision allumée en arrière-plan. « On est en contact avec plusieurs personnes, on essaie d’aider, de savoir ce qui va se passer. » Pour cause : le régime de Bachar al-Assad a pris fin après 13 ans de conflit.

Le Syrien a quitté son pays en 2016après plusieurs années de siège dans la ville de Moadamya. Arrivé en , il ouvre Aïe Falafelun food truck vendant des spécialités syriennes avec lequel il se déplace sur les marchés du Havre (Seine-Maritime) et de sa périphérie.

En mars 2011, il rentre au pays et y reste bloqué pendant des années.

En 2011, le début du conflit dans son pays natal l’a surpris, ainsi que toute sa famille. Son père est un militant politique opposé à la famille Al-Assad. « Depuis tout petit, nous étions constamment surveillés par les services de renseignement », témoigne l’aîné des cinq fils.

Un mars 2011Nasser Hamoud est en quatrième année d’études de droit à l’Université du Liban. Le 6 mars, il rentre au pays. Et se retrouve le 15 mars rattrapé par les premières manifestations, à Damas, dans la lignée des révolutions du Printemps arabe. Celles-ci sont peu suivies et déjà étouffées par le régime.

Quelques jours plus tard, la ville de Deraa est le théâtre d’un incident dramatique. Des adolescents sont arrêtés et torturés par les autorités syriennes pour avoir écrit des slogans anti-Bashar Al Assad sur les murs de leur école.

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« Nous étions plusieurs milliers dans les rues le 21 mars pour réclamer la liberté des enfants. » La révolte populaire est brutalement réprimée et se transforme rapidement en guerre civile. « Ils ont tiré directement sur les gens, alors que nous recherchions la liberté. »

Les manifestations se poursuivent chaque semaine jusqu’en 2012, tous les vendrediscontrôlée de manière de plus en plus brutale par les forces gouvernementales. “Je suis capturé le 9 mai 2011. J’étais rentré chez moi pour emmener mes frères les cacher ailleurs. »

Trois mois de prison

Dans les prisons, dans les sous-sols, il dit avoir été victime d’abus, les yeux couverts, les mains liées, dont il subira des séquelles durables. « J’avais les épaules cassées, les dents cassées. » Ses bourreaux recherchent son père.

Le trentenaire reste enfermé pendant trois mois dans une cellule, celle qu’il reconnaît aujourd’hui sur les écrans. « Dans notre ville, 1 200 personnes se sont retrouvées enfermées. »

La plupart ont été libérés au bout d’un mois. « J’ai dû signer des papiers avec mes empreintes digitales, sans savoir ce qui y était écrit. »

Le régime a créé ces histoires religieuses parmi nous, ce n’est pas la faute des sunnites, des chiites et des alaouites. [s’il y a des divisions]c’est la faute du régime.

Nasser Hamoud
Syrien vivant aujourd’hui au Havre

Il en ressort libre et retourne se cacher avec sa famille chez des proches, contraints de voyager fréquemment. Assiégée, la ville est restée bloquée jusqu’en 2013. « Dès lors, l’armée libre a protégé les centres-villes. »

Mais la population n’échappe pas aux bombardements. Le pays a subi les premières attaques chimiques, dont la plus notable a eu lieu en Août 2013. Un de ses frères est décédé cette année-là. Un autre tombe 2014. « On ne sait pas de quel côté sont venus les tirs, si c’étaient des islamistes ou si ça venait du régime, on l’a retrouvé, 20 balles dans le corps. »

En attendant que les événements se développent

En 2015, en Syrie, la population s’est retrouvée face à un choix difficile : rester dans les zones contrôlées par le régime, fuir vers d’autres régions du pays ou quitter la Syrie. Une partie de la population choisit de fuir vers Idlib. La famille de Nasser Hamoud part au Liban, avant de s’exiler en France, pour rejoindre l’une de ses trois sœurs, grièvement blessée dans un attentat deux ans auparavant. « Nous n’étions pas protégés au Liban. »

Ses parents ont été accueillis par la mairie de Saint-Jouin-de-Bruneval. Pour rester près d’eux, Nasser s’installe avec sa femme, sa mère et ses enfants, dans la cité Océane. Son père, Mohammed Hamoud, est décédé en France en 2023. La famille vit désormais dispersée à Rouen, Caen et Paris.

Lors de l’offensive menée par les rebelles islamistes fin novembre, “on ne pensait pas qu’un peu plus d’une semaine plus tard tout serait fini”.

« J’ai une sœur qui est restée en Syrie. Son fils a 17 ans et n’a jamais fait de vélo, car il n’est jamais sorti, il est allé à l’école et c’est tout. »

Avec son épouse, celui qui se dit témoin de massacres a dû tout repartir de zéro. « J’ai deux enfants qui sont nés en France et ne parlent pas un mot d’arabe. »

En France aussi, sa vie n’a pas toujours été facile. « Au début, je savais juste comment dire bonjour. J’ai appris avec le voisin. J’avais une petite expérience en mécanique, pendant le Covid je descendais dans le quartier, je l’appelais, on discutait ensemble, on bricolait. Je parle à tout le monde, les gens du quartier me connaissent bien », raconte le père.

Si sa femme choisit de repasser son diplôme, elle part. Il a de l’expérience en restauration et en mécanique. Puis a finalement créé son entreprise et installe son food truck en 2023 dans une remorque. « J’ai essayé la première année de retourner aux études, j’ai trouvé que je perdais mon -, j’ai préféré commencer à travailler directement. »

Et même s’il reste compliqué « de se faire une place sur les marchés », pour lui, un retour n’est pas à envisager, pour le moment. « Dans notre ville, nous avons 1 800 personnes envoyées en prison (entre 1 400 et 1 800 selon les sources), tous ceux qui sont restés en prison après 2015 ont été tués sous le régime. On a déjà tourné la page de Bachar, mais la page est toujours noire et on n’y voit rien. »

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