Surtout, ne le présentez pas comme un « journaliste d’investigation ». Pour Fabrice Arfi, tous les journalistes enquêtent pour produire de l’information. Il est donc journaliste, point barre.
De la même manière, Fabrice Arfi tient à préciser qu’il n’a qu’un seul père, le sien, et que non, il n’est pas le fils spirituel de son ancien patron Edwy Plenel, fondateur de Mediapart pour qui il a aussi beaucoup de respect, admiration et affection.
Pourtant, le destin de Fabrice Arfi est étroitement lié à l’enquête – ligne éditoriale du journal en ligne Mediapart dont il est devenu l’un des dirigeants – et ce, depuis l’enfance. Fabrice Arfi est né à Lyon le 4 septembre 1981, fils d’une mère qui a enseigné dans un lycée de Vaulx-en-Velin et d’un inspecteur de police à la brigade financière au service régional de la police judiciaire de Lyon, devenu plus tard suite d’avocat.
L’enquête sur les gènes familiaux
Dans son enfance, Fabrice Arfi a été plongé dans les récits des expériences policières de son père qui fut également à l’origine d’une enquête qui a mis au jour un système de financement caché de partis politiques grâce à de fausses factures, notamment de Radio Nostalgie, née en Lyon. La campagne législative du député-maire de Villeurbanne, Charles Hernu, fait partie du scandale.
Ce n’est pourtant pas la soif d’investigation qui amène Fabrice Arfi au journalisme. Sa passion de jeunesse est la guitare, le Lyonnais rêve d’être une rockstar sur scène et c’est la chronique musicale qui l’amène à prendre la plume pour Lyon Figaro où il entre en 1999. Mais sa rencontre avec son voisin de bureau, le chroniqueur juridique Gérard Schmitt, est déterminante. En lisant les articles issus de sa couverture du procès Klaus Barbie dans les archives du journal, Fabrice Arfi a vécu son premier choc esthétique avec le journalisme. Un premier pas vers le monde de la justice et de l’enquête.
Deux créations de revues : La Tribune de Lyon et Médiapart
Son aventure professionnelle se poursuit avec un passage au 20 minutes Lyonpuis la création de La Tribune de Lyongrâce à la contribution financière de Fernand Galula, magnat de la presse locale lyonnaise. Quelques mois après le premier numéro, tout début janvier 2006, Fabrice Arfi s’est vu refuser la publication d’une enquête sur le maire de Lyon Gérard Collomb, proche de Fernand Galula. La journaliste déclenche alors une grève, les deux hommes se disputent et la patronne licencie son employée.
Quelques mois plus tard, Fabrice Arfi entendait parler du souhait d’Edwy Plenel, récemment sorti du quotidien. Le mondede lancer un média entièrement sur Internet, avec l’enquête comme ligne éditoriale. Le Lyonnais s’est rendu à Paris et a rejoint la rédaction de Mediapart quelques mois avant sa mise en ligne, effective en mars 2008.
Rapidement, le journal s’est fait connaître à travers ses révélations et les différentes enquêtes mettant au jour des dysfonctionnements de l’État : la fraude fiscale du ministre du Budget Jérôme Cahuzac, l’affaire Liliane Bettencourt ou encore le financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. en 2007, dont le procès s’ouvrira le 6 janvier 2025 devant le tribunal correctionnel de Paris après un renvoi ordonné par le Parquet national financier… créé à la suite de l’affaire Cahuzac.
L’affaire du financement libyen est, pour moi, une affaire d’affaires. Premièrement, son intrigue est étonnante. Ensuite, c’est celui qui permet d’entrer comme aucun autre dans le ventre de la raison d’État. L’intrigue est celle d’une démocratie – la nôtre – soupçonnée d’avoir été subventionnée par une dictature, et notamment celle de Mouammar Kadhafi, contre qui nous ferons la guerre quatre ans plus tard. Finalement, c’est le cas où nous gratterons l’écorce des entrailles les plus sinistres de la vraie politique.
Un journaliste devenu auteur
Seize ans plus tard, Fabrice Arfi devient co-responsable du service enquête de Mediapart et écrit plusieurs ouvrages, dont D’argent et de sang en 2018 sur la fraude à la taxe carbone, qui a inspiré la série à succès Canal+ du même nom.
Son dernier livre publié, intitulé La troisième vie (Seuil), est le résultat d’une quête personnelle concernant une affaire de contre-espionnage, concernant un espion roumain installé à Villeurbanne. L’histoire mélange de nombreuses identités, estompant la frontière entre vérité et mensonge, en touchant de manière intime la vie même de Fabrice Arfi, à travers les acteurs de l’affaire qu’il a pu côtoyer tout au long de son existence.
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