L’heure du bilan de ses années roannaises est arrivée pour Claudine Charre, présidente du tribunal judiciaire de Roanne depuis septembre 2020. En janvier prochain, elle prendra la tête de la juridiction de Bourgoin-Jallieu en Isère.
Comment analysez-vous les quatre années et demie passées à Roanne ? Je dirais qu’on peut les diviser en trois phases. La première, ce sont les premiers mois de mon arrivée, en plein Covid. C’était une période vraiment particulière pour le travail. Ce n’est pas un mauvais souvenir, mais c’était bizarre. Puis il y a eu une période plus normale, où j’ai pu apprendre le rôle de président et travailler au niveau administratif.
Durant la dernière période, c’est l’avantage quand on reste longtemps dans la même juridiction, j’ai eu plus de - pour ouvrir le tribunal au monde extérieur. Il y a encore beaucoup à faire, mais je repars avec l’impression d’avoir creusé mon petit sillon.
Est-ce quelque chose d’important pour vous que la Justice s’ouvre à la société ? Oui, c’est quelque chose qui me tient vraiment à cœur. La justice doit se faire connaître pour être comprise. Nous avons peut-être manqué l’évolution de la société qui repose de plus en plus sur les réseaux de connaissances. Bien entendu, sans devenir des influenceurs, nous pouvons admettre que les gens n’acceptent pas de comprendre sans savoir. C’est pourquoi nous accueillons beaucoup de stagiaires, nous effectuons des visites au tribunal ou nous organisons La Nuit de la Loi .
Selon vous, que manque-t-il encore aujourd’hui au tribunal de Roanne ? Encore quelques postes, même si ça se passe plutôt bien. Mais comme nous sommes un petit tribunal, dès qu’une personne manque, l’organisation est mise à mal. Ce qui nous manque en termes de compétence, c’est une maison d’arrêt au sein du centre de détention. C’est une structure qui est faite pour les personnes déjà condamnées, mais avec l’installation de l’Unité de prévention de la radicalisation (QPR) pour les femmes en janvier 2024, cela montre qu’il est possible d’héberger des détenues dont le dossier est toujours en instruction. Cela éviterait des problèmes d’extraction avec la prison de La Talaudière.
Le tribunal correctionnel départemental de Roanne
Une autre idée qui m’est personnelle, qui n’est pas celle de l’institution, serait que le Tribunal pénal départemental se tienne à Roanne pour les affaires roannaises. Ce sont des assises et non des correctionnelles, mais cela serait possible, car prévu par les textes. Là encore, on rapprocherait la Justice du justiciable, cela donnerait de la fluidité et de la visibilité à la Justice. Ce sont deux projets qui ont du sens, je pense, maintenant que le tribunal judiciaire de Roanne est bien implanté et qu’on ne parle plus de fermeture.
Un cas vous a particulièrement frappé lors de votre séjour à Roanne ? Il ne s’agit pas d’une entreprise particulière, mais d’une typologie d’entreprise. Les homicides involontaires restent pour moi extrêmement difficiles à juger, notamment ceux sur la route. L’audience ne répare pas grand chose malheureusement, et bien souvent on se retrouve avec le désespoir des gens. Le seul incident judiciaire que j’ai eu à Roanne a eu lieu lors d’une affaire d’homicide involontaire lié à un accident de la route. Tout est compliqué, de l’accueil des deux parties jusqu’à la technicité du dossier, bien souvent. C’est un vrai défi et demande beaucoup de réflexion pour essayer d’améliorer les choses.
A ce sujet, quel est votre avis sur le terme « homicide routier », revendiqué par de nombreuses victimes ? C’est un acte qui reste involontaire, qu’on le veuille ou non, même si le conducteur est sous l’emprise de l’alcool ou de drogues. En tout cas, légalement. Il y a peut-être un concept à créer, je n’y ai pas assez réfléchi.
Vous poursuivrez votre carrière à Bourgoin-Jallieu, en janvier, toujours comme président de la juridiction… Je devais initialement partir à Grenoble comme juge, sans être chef de tribunal. Mais récemment, les postes présidentiels se sont ouverts et le Conseil supérieur de la magistrature a lancé très rapidement les recrutements. Cela m’a permis de postuler et d’être sélectionné au tribunal de Bourgoin-Jallieu, toujours en Isère, dont je prendrai la présidence en janvier. Je ne connais pas bien la juridiction, mais elle est un peu plus grande que celle de Roanne. Sa particularité est d’être proche de deux grandes villes, Lyon et Grenoble, il y aura donc peut-être une autre manière de travailler, avec sans doute un peu moins d’indépendance qu’à Roanne.
Une indépendance appréciable à Roanne
Est-ce cette marge de manœuvre que vous avez appréciée ici ? C’est une petite juridiction, tout le monde se connaît, le réseau local est facile à mobiliser, chacun sait ce qu’il peut demander ou pas. Tant qu’il n’y a pas de problème, on peut faire ce qu’on veut, la Cour d’appel nous fait confiance et ça marche plutôt bien. C’est très précieux. Et c’est dommage qu’il n’y ait pas grand monde qui veuille venir à Roanne. C’est une erreur car il y a ici une très haute qualité de travail et de vie. Cela restera pour moi une excellente expérience.
Vous avez toujours exercé dans des juridictions plutôt petites. Est-ce un choix ? Mes plus importantes étaient Colmar ou Valence, un peu plus importantes que Roanne, mais je ne suis jamais allée dans les « grandes boutiques », ce n’est pas mon truc. J’aime connaître et voir les gens, donc je n’imagine pas être à l’aise dans quelque chose de très cloisonné, ce qui est obligatoire quand il y a trop de monde à gérer.
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