Par
Julien Bouteiller
Publié le
18 décembre 2024 à 10h54
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20 ans de silence puis 10 ans de procédure. C’est ce qu’ont enduré trois femmes pour enfin réussir, ce mardi 17 décembre 2024, à faire en sorte que celui qui les a abusés sexuellement lorsqu’ils étaient enfants.
Maltraité dès l’âge de 4 ans
C’est en novembre 2014 que A. décide de prendre la décision de porter plainte à la gendarmerie contre Maurice*. Lui, il était le compagnon de sa nourricela travailleuse domestique qui vivait en dessous de l’appartement familial à Paris. C’est aussi lui qu’elle accuse de s’asseoir régulièrement sur l’accoudoir de la chaise du petit studio de la nounou, qui la touchait dans sa culotte puis lui faisait palper ses doigts. Elle avait 4 ans.
Elle lui reproche également de lui avoir imposé une fellation, dans le garage d’une résidence secondaire à Saint-Pierre-lès-Elbeuf, alors qu’elle n’avait que 8 ans.
C’est encore à Saint-Pierre-lès-Elbeuf que D., alors âgé de 11 ans, affirme avoir été victime de Maurice, qui s’occupait des enfants. Il essaya de l’embrasser sur la bouche, de mettre sa main dans sa culotte. Mais la petite fille s’est battuerefusant de le suivre dans une pièce isolée. Rebelote les jours fériés suivants. La plainte n’est arrivée que 27 ans plus tard.
Une troisième victime, P., a été identifiée au cours de l’enquête. «Quand on évoque le nom de la prévenue, elle pleure et décrit les attouchements qu’elle a subis lorsqu’elle avait 10 ans», décrit le président du tribunal.
Une omerta autour des attentats
Unis face aux attentats subis, les trois désormais femmes sont également unies par le silence qui a entouré ces abus. Selon le président, du côté de A., qui évoquait les faits étant enfant, « sa mère lui a demandé d’oublier ». P., qui était de la famille de la nounou, en a parlé aussi. Mais sans suite. « Au fond, tout le monde se méfiait [du prévenu]mais personne n’a dénoncé», résume le président du tribunal.
Photos de petites filles prises au camping, surveillance mise en place autour de Maurice… Autant d’éléments qui témoignent du silence en place ont été évoqués lors de l’audience. L’étonnement aussi de la nounou, qui au début n’y croyait pas, a fini par quitter son compagnon à la fin de sa seconde garde.
Maurice l’a d’abord nié. « Vous disiez que ces femmes s’étaient liguées contre vous », rappelle le président. Mais celui qui est aujourd’hui âgé de 74 ans a fini par reconnaître une partie des faits sans pouvoir expliquer ses actes. 30 ans plus tard, il n’y parvient toujours pas.
“Cet acte de fellation [que la Cour d’appel n’a pas qualifié en viol lors de la procédure, d’où une audience en correctionnelle et pas aux assises, NDLR]c’est ce qui m’a le plus frappé. J’en ai eu des sensations en bouche jusqu’à l’âge adulte », décrit A.
Le moins qu’il puisse faire serait de reconnaître pleinement les faits.
Ce que Maurice ne fera pas.
D. est également marquée par celui qui fut le premier mais pas le seul homme à l’avoir maltraitée. « J’ai le souvenir de cette moustache, de cette langue… Ma construction a été compliquée, je me suis séparé de mon partenaire. »
Et d’évoquer « la difficulté de porter plainte, de voir ça ensuite, nous ne sommes pas accompagnés. Je regrette que nous soyons si peu nombreux à avoir la force d’aller jusqu’au bout, mais ce n’est pas facile de réussir.
Une phrase sous un bracelet électronique
Alors 10 ans après la première plainte, la justice prend la parole. Les avocats des parties civiles l’assurent sans détour, “ce monsieur est un pédophile, un prédateur”, “au comportement pervers” et craint d’autres victimes potentielles. Et aussi d’étayer des propos qui n’ont jamais changé du côté des victimes, contrairement à ceux du prévenu.
Le procureur appuie : « Vous avez des femmes devant vous, mais nous parlons de petites filles. » Veiller à ce que tous les faits allégués soient bien caractérisés, il requiert cinq ans de prison, dont deux avec sursis.
La tâche n’est pas facile pour l’avocat de Maurice étant donné « sa grande difficulté à dénoncer les faits, à les expliquer et à parler des conséquences pour les victimes ». Pour elle, une peine avec sursis « aurait plus de sens » seulement une phrase ferme.
Maurice est reconnu coupable** des faits reprochés. Il reçoit une peine de cinq ans de prison, dont trois avec sursis. La partie ferme sera exécutée sous bracelet électronique. Il a l’obligation de se soigner et d’indemniser les victimes. Il lui est interdit d’entrer en contact avec les victimes et d’exercer toute activité en contact avec des mineurs. Il sera également inscrit au Fijais (fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles).
Pour les victimes, malgré de timides excuses, le combat est terminé, ou presque. A. créé une association pour libérer la voix des victimes d’agresseurs d’enfants.
Si vous êtes témoin de violences sur mineurs ou si vous en êtes vous-même victime, il est possible de contacter « Allô Enfance en danger » au 119 ou au 0800 05 41 41, disponible 24h/24. Les adultes, adolescents et enfants peuvent appeler ce numéro gratuitement. Pour plus d’informations, un site internet est également disponible : http://www.allo119.gouv.fr/
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*Le prénom a été modifié.
**Cette sentence est susceptible d’appel. Tous les justiciables restent présumés innocents jusqu’à épuisement de toutes les voies d’appel.
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