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Le soleil pour seul horizon – Seine-Saint-Denis

Extrait de l’entretien réalisé en 2021 à l’occasion du Cycle des Veilleurs qui s’est déroulé à la maison du parc départemental Jean-Moulin-Les Guilands, situé entre Montreuil et Bagnolet.

Le cycle des Veilleurs a commencé le 15 décembre. De quoi s’agit-il ?

Les Veilleurs est un spectacle, une chorégraphie ouverte au grand nombre où je demande à chacun de s’asseoir dans un abri en hauteur pour observer, pendant une heure, le lever ou le coucher du soleil. Je demande à me tenir debout, à maintenir une présence, à imprimer le corps dans la ville.

La représentation est rythmée par le lever et le coucher du soleil. Quel est le rôle du soleil dans votre projet ?

Le soleil est notre horloge. C’est lui qui va nous chronométrer. Avec le lever et le coucher du soleil, on revient à quelque chose d’essentiel en fait. La lumière. Activité dans la ville. C’est fondamental. Mais nous ne le voyons pas toujours dans nos vies modernes, dans nos maisons, dans nos routines. Ce projet cherchera à donner du -, à ralentir, à prendre du - pour soi et pour les autres.

Comment est né votre projet ? Quelle a été votre première idée ?

J’ai toujours été fasciné par l’idée d’occuper un poste élevé dans une ville ou un paysage naturel. L’escalade, nous le faisons tous en humanité. C’est là qu’on prend un peu de recul, d’en haut, on regarde. La graine, c’est ce moment de silence où l’on sait qu’on est arrivé. Nous sommes au sommet de la montagne, sur le toit du bâtiment, en hauteur. Nous nous arrêtons. Et c’est ce moment de silence. Comme le dit Beckett, c’est le moment où le chef d’orchestre lève sa baguette avant que l’orchestre ne joue. Que se passe-t-il pendant ce - ? J’ai l’envie d’installer de la poésie dans la ville, de diffuser l’art dans la ville pour changer notre expérience, notre paysage.

Vous êtes chorégraphe. Quand vous demandez aux gardiens de rester immobiles, est-ce que cela danse encore ?

Je ne parlerai pas d’immobilité car il n’y a jamais d’immobilité en fait. Si nous sommes là, nous y sommes. Il y a John Cage, le compositeur américain, qui nous dira qu’il n’y a pas de silence, qu’il y a toujours du bruit. C’est là que j’en suis avec la danse. Le corps est vivant. Le cœur bat, les pensées vont et viennent. Rester debout pendant une heure n’est pas passif, c’est actif. J’avais envie de créer une œuvre qui permettrait à chacun de prendre sa place à l’échelle de la ville. Les Veilleurs commémorent – ​​comme le ferait une statue dans la ville – le fait que chaque citoyen, chaque personne est vraiment très important, unique. Et que nous sommes connectés. Nous formons cette communauté. Participation individuelle pour un suivi collectif. Cette idée de répétition et de rassemblement sont les bases de mon travail chorégraphique.


« Les Veilleurs » est un spectacle qui a beaucoup voyagé….

En fait, cela a commencé en 2011 à Belfort. Nous poursuivons ce projet depuis dix ans. A Rennes, Laval, Haguenau, Évreux, Fribourg en Allemagne, Dordrecht aux Pays-Bas et Graz en Autriche. Elle joue actuellement à Munich, en Allemagne et à Hale en Angleterre. Toujours avec les mêmes modalités : 730 personnes et toujours sur un an.

La chaîne n’a-t-elle jamais été interrompue ?

Non. Même pendant les confinements qui ont vu de nombreux spectacles annulés, Les Veilleurs n’ont pas été interrompus.

Qu’essayez-vous de faire avec ce travail ?


Pour moi, cette pièce est aussi un formidable rituel. Deux fois par jour, il y a une rencontre avec le guide. C’est très humain. Le préposé accueillera le gardien, l’installera et chronométrera l’heure qui passe. « Les Veilleurs », c’est l’ouverture aux autres. Ce sont les moments de rassemblement qui m’intéressent. Comment créer ensemble une expérience autour d’un projet artistique ? Nous participons individuellement pour travailler ensemble, pour danser ensemble.

A chaque lever de soleil, à chaque coucher de soleil, un nouveau Veilleur arrive. Vont-ils tous se rencontrer à un moment donné ?

Bien sûr. À la fin, il y aura une grande fête de clôture où nous célébrerons le passage de 365 jours et célébrerons la chaîne que nous avons créée ensemble individuellement. Célébrez notre défi de ne pas passer une journée sans gardien.

Et vous, comment allez-vous rester en contact avec tous les Watchers ?

Pour préparer chaque montre, les participants sont invités à un atelier qui a lieu toutes les deux semaines. Et chaque trimestre, pour les gardiens nous organisons des rencontres, des soirées rendez-vous où mes danseurs sont là. Nous lisons les textes des gardiens et regardons les photos accumulées tout au long de l’année. Il est important pour moi de créer des moments de réflexion sur la présence des veilleurs et d’en parler ensemble.

Quelles sont les motivations des Watchers ?

Les raisons pour lesquelles le gardien participera sont personnelles. C’est vraiment unique à chaque personne. Chacun choisit sa date et son heure : un moment précis. Il y a ceux qui veulent célébrer un anniversaire, un mariage, la naissance d’un enfant, la perte de quelqu’un. Il peut s’agir de quelqu’un qui vient d’arriver en ville et qui souhaite s’inscrire dans un projet artistique intimement lié à la ville. Un papa qui veille le matin et son fils le soir. Il peut s’agir d’un couple : la femme le matin et son mari le soir. Cette performance est aussi là pour évoquer l’histoire personnelle de la ville, du territoire. C’est aussi un lieu de parole pour les citoyens. En cela, il est très démocrate, très accessible.

En quoi cette performance silencieuse est-elle un lieu de parole pour les citoyens ?

Le projet comprend une collection de traces : photos, textes. Nous demanderons au veilleur d’écrire quelques lignes après la veille pour nous faire partager son expérience, son ressenti, d’avoir veillé sur la ville, sur le territoire. Et nous demanderons au guide de faire un portrait du gardien et une photo du paysage pour voir le passage des saisons. Ces traces, photos, réflexions s’accumuleront sur le site dédié au projet watchers : www.wldn.fr

Crédits photos : Sylvain Hitau

 
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