Dix trente avaient sonné, Annie Delrieu-Tourtoulou s’apprêtait à rentrer à la mairie, lorsque, au premier étage d’un immeuble ancien, un homme en maillot de corps blanc apparut à la fenêtre : « Hep, Madame ! » Elle est en réunion, répond-elle calmement. Il redémarre. Il insiste ; elle a finalement lâché prise. « J’ai entendu dire que lorsque le chantier sera terminé, nous ne pourrons plus nous garer ? J’ai des problèmes de dos, je suis essoufflé, je ne peux pas y aller éternellement ! »
Le maire de Vic-sur-Cère, dans le Cantal, 1 862 habitants, à vingt minutes de route d’Aurillac, venait de nous détailler le réaménagement en cours du village, où la voiture n’aurait bientôt plus tout son confort, lorsque cette apostrophe l’arrêta dans son élan.
Lié depuis cinq siècles à la famille Grimaldi, centre de thermalisme au XIXème sièclee siècle, la ville connut son heure de gloire. Puis les fenêtres se sont fermées. Il reste une boucherie, un pressoir, deux boulangeries, un épicier, un fleuriste, mais, depuis peu, la pharmacie s’est installée dans la zone commerciale à l’entrée de la commune sans que l’élu puisse l’arrêter. « Les gens qui ne conduisent pas, que font-ils ? Ils partent avec leur fauteuil roulant sur la route nationale ? », elle s’énerve.
L’espoir de renouer avec une ville vivante toute l’année repose en partie sur l’équipe d’architectes et paysagistes du Rouget, dont l’un des salariés, ce matin d’automne, vérifie le bon déroulement des travaux. Au pied d’un tilleul et d’une fontaine, un parking devient une place. Plus de voitures autour de l’église, mais, sur leurs conseils, la commune a acheté une maison en contrebas, « avec 3 000 mètres carrés de terrain, pour recréer un parking et un parc », détaille le maire. Au sol, des galets et pierre locale remplacent l’enduit. Des plantes vivaces sont plantées autant que possible. Tout semblait évident jusqu’à cette arrestation. “C’est mon quotidien, elle a dit. Nous rêvons d’un monde sans voiture, mais comment y parvenir ? Vous en parlerez avec Simon Teyssou. »
Mêmes impératifs que les villes
Il faut prendre la route nationale 122 en direction d’Aurillac, rouler une demi-heure sur cette diagonale qui irrigue le département au milieu des pâturages, tourner à droite au panneau Le Rouget-Pers, pour rencontrer l’homme dont elle parle.
Pas besoin de GPS : après la station-service et l’esplanade trois en un – mairie, église et place du marché – une construction en bois se détache des maisons voisines. C’est là, au premier étage, que l’équipe de l’Atelier du Rouget imagine l’avenir de Vic-sur-Cère, et de bien d’autres villes de France, de préférence rurales. Avec une méthode qui devient aujourd’hui un standard : le propriétaire des lieux, Simon Teyssou, jean, t-shirt, lunettes fines, 51 ans, a reçu le Grand Prix de l’urbanisme (Le monde est membre du jury) en 2023.
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