La frénésie mémorielle d’Emmanuel Macron est infatigable. Après Maurice Genevoix, Simone Veil, Joséphine Baker, Missak Manouchian, et avant Robert Badinter, le président de la République a décidé d’ouvrir à nouveau les portes du Panthéon pour accueillir l’historien Marc Bloch, avec son cortège de polémiques.
La figure tutélaire de l’enseignant n’aurait pas dû susciter de débats mais ses ayants droit en ont décidé autrement, affirmant que la cérémonie serait interdite à « l’extrême droite ». Libre de droits, Marc Bloch n’appartient pourtant qu’à l’Histoire, et non aux hommes politiques qui en abusent souvent maladroitement, ni à ses descendants qui lui prêtent un « patriotisme antinationaliste » hostile ont « nationale romaine ». Progressiste mais amoureux de l’ordre, il a légué, en effet, une pensée contraire à celle qui consiste aujourd’hui à “déconstruire” L’histoire à travers les préjugés. Au contraire, il cherche à identifier le passé sans le condamner.
Fils d’un universitaire juif alsacien, issu de Normale à la vie « bourgeoise », Marc Bloch est happé par la Grande Guerre. En 1939, il se laisse à nouveau mobiliser à 52 ans ! Son Étrange Défaite, modèle de l’histoire immédiate, attaque « faiblesse collective » élites. Spirituellement dépassé, il exhorte au courage, “car il n’y a pas de salut sans une part de sacrifice”ce qu’il concrétise en s’engageant « canne à la main » dans la Résistance. Il est fusillé le 16 juin 1944. Il laisse derrière lui une œuvre historique insolite.
Une pensée à l’opposé de celle qui consiste à « déconstruire »
Médiéviste à l’Université de Strasbourg, où il a travaillé aux côtés de Lucien Febvre, Marc Bloch a fondé la revue Annales, véhicule d’une Histoire privilégiant le déterminisme des structures sociales à la volonté individuelle. Mais sa sortie du chronologique sur le long terme n’incrimine pas la force de l’événement qu’il aime capter sur le vif. Il entraîne également la discipline sur les terres fertiles de l’anthropologie ou de la sociologie, et ses intuitions d’historien restent toujours sagaces.
Son attachement à la France a le mérite de la cohérence. On peut toujours réduire notre formule à “souvenir du sacre de Reims” au milieu du fracas de la guerre, il ne cessera de réitérer sa déclaration d’amour à la France, avouant : « La patrie dont je ne peux pas arracher mon cœur. J’y suis né, j’ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé, je ne respire que bien sous son ciel. » Comme si ce n’était pas assez clair, il proteste encore contre ses racines dans son testament spirituel : «J’ai senti […] avant tout et très simplement français. Attachée à ma patrie par une tradition familiale déjà longue, nourrie de son héritage spirituel et de son histoire, incapable en vérité d’en concevoir une autre. »
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Cet esprit de curiosité laisse une leçon inestimable sur l’exigence de vérité sans préjugés moralistes. Ainsi l’ironie voltairienne des rois faiseurs de miracles n’est-elle pas ce jugement de valeur que privilégie la gauche pour expliquer le passé. Dans son Apologie pour l’histoire, Marc Bloch, alors pourchassé par la Gestapo, écrit que son ambition n’était pas de juger ses bourreaux mais d’essayer de les comprendre. C’est à cette hauteur de vue que nous sommes invités, historiens ou non, à nous élever.
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