ÔOn ne peut vraiment pas le manquer : c’est un grand mât vert. Il siège au lieu-dit Toutifaut, à Creysse. On pourrait le confondre avec un poteau d’éclairage, mais une lumière blanche attire l’attention. Si vous regardez bien, c’est une caméra qui est installée à son sommet. Il est centré sur les conteneurs du Syndicat Départemental des Déchets de la Dordogne (SMD3).
L’initiative suscite beaucoup d’attention. C’est l’œuvre du maire, Frédéric Delmarès : « Elle n’est pas encore en service mais le sera bientôt », annonce-t-il. Dès le début, nous avons eu beaucoup d’incivilités dans ce secteur. Le but est de dissuader les gens de déposer leurs poubelles ici. Nous prévoyons de prendre le contrôle de la propreté dans la communauté. »
Pour le moment, deux caméras sont prévues. « Après, on ne s’empêche pas d’en acheter davantage, voire d’avoir des mobiles pour les faire fonctionner. » Le budget serait de « quelques centaines d’euros » mais, constate le premier magistrat, « la propreté et le civisme n’ont pas de prix ».
Le maire se défend
Cela relance le grand débat sur le nouveau système de collecte des déchets en Périgord. Depuis 2022, la SMD3 a progressivement supprimé la collecte en porte-à-porte au profit des points de dépôt volontaires. Frédéric Delmarès n’en dit cependant pas du mal : « 50 à 60 % des ménages de la commune paieront moins en 2025 que cette année », calcule-t-il. Le système précédent n’était pas tout à fait idéal. »
Le jour où « Sud Ouest » est arrivé à Creysse, les habitants étaient tous favorables à l’édile : « Quand on respecte les règles, être filmé ne pose pas de problème », assure David. « Ce système est très bien », affirme Franck. Avant, c’était sale et maintenant c’est plus souvent propre. Je ne sais pas si cela va tout résoudre, mais cela dissuadera certainement ceux qui jetaient leurs déchets en vrac sans même sortir de la voiture ! »
« Nous allons acheter une première caméra mobile, que nous emporterons partout. C’est entre 10 000 et 15 000 euros »
D’autres localités sont dans les starters, comme le révèle « Dordogne libre ». Chancelade, par exemple, passera également à la vidéosurveillance des bornes en 2025. « Cela ira de pair avec la création de notre police municipale qui sera également chargée de ces questions », explique le maire Pascal Serre. Nous allons acheter une première caméra mobile, que nous emporterons partout. Cela tourne autour de 10 000 à 15 000 euros. »
Le projet a une forte dimension politique. Selon l’élu de la Chancellerie, c’est SMD3 qui l’a contacté pour installer ces équipements. « On m’avait promis une mise en œuvre à l’automne, mais rien à faire ; donc si au printemps il n’y a rien, la municipalité le fera. »
Dans cette banlieue de Périgueux, un habitant s’oppose à ce type de surveillance, mais Pascal Serre se défend : « J’ai découvert, depuis mon élection en 2020, à quel point les usagers sont sensibles à ces problématiques. »
Des opposants mobilisés
Son cas a fait paniquer les tueurs de SMD3. Sur le groupe Facebook du Collectif des usagers mécontents de la collecte des déchets en Dordogne (qui ne parle plus à la presse), on peut lire des commentaires peu nuancés : « un régime totalitaire », « il est temps d’arrêter les frais ». », « Il faudrait vraiment qu’ils aient du culot pour dépenser plus d’argent public dans un système qui ne fonctionne pas et qu’ils sont incapables de gérer ! », « Les déchets finiront en forêt »…
Nous avons contacté Isabelle Moreau, directrice générale adjointe de SMD3, pour répondre à ces critiques. Elle revient d’abord sur le principe : « Nous avons reçu beaucoup de demandes de la part de maires et d’habitants pour trouver une solution aux déchets retrouvés au pied des bornes. C’est ainsi qu’est née l’idée des caméras. Nous n’en sommes encore qu’au stade de projet et nous n’avons pas encore lancé le système. Nous avons l’intention de déployer des caméras mobiles dans les communautés volontaires. »
« Nous allons essayer de faire en sorte que le budget ne croisse pas de façon exponentielle »
Le système n’utilisera pas l’intelligence artificielle. Les images ne seront visionnées que par des agents assermentés. Il n’y aura donc pas de reconnaissance faciale par exemple. Seule la lecture de la plaque d’immatriculation sera utilisée. “Avec la protection des données”, assure le syndicat.
Un nouvel effet pervers ?
Néanmoins, une question fondamentale se pose : considérer qu’une certaine partie de la population est totalement réfractaire aux points de livraison volontaires, n’est-ce pas un nouvel effet pervers qui se manifeste de manière imprévue, et qui va générer des coûts supplémentaires pour la collectivité ? « Installer des caméras, c’est lutter contre les incivilités », se défend Isabelle Moreau. Nous essaierons de faire en sorte que le budget n’augmente pas de façon exponentielle. »
Le déploiement des caméras est prévu pour 2025.
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