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Les mégabassins de Vendée, un « modèle » plein de fuites

Fontenay-le-Comte (Vendée), report

Au siège du Syndicat Mixte Vendée Sèvre Autise (SMVSA) éclairé par un soleil de vendanges tardives, le technicien Fabrice Enon reçoit Reporterre suivant un rituel bien établi. Installation du moniteur, apparition de son papier peint aux couleurs d’une libellule du Marais Poitevin, image d’ouverture d’une présentation d’une trentaine de slides sur la réussite de la gestion de l’eau dans le territoire géré par le syndicat du sud du département où a eu lieu la première « réserves de remplacement » de .

Beaucoup moins médiatisés que leurs cousins ​​du Poitou-Charentes contestés sous le nom de « mégabassin ». « Les scientifiques sont venus de Paris sceptiques et sont repartis « convaincu »explique le guide avec l’accent d’un directeur marketing. Il soulève une pommette en un clin d’œil : « Les Vendéens sont chauvins, désolé ! » Au vu de la publicité que font les partisans de ce type de gestion de l’eau à la réussite vendéenne, on aurait tort de se priver !

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A quelques mètres du mégabassin, cette pompe d’irrigation a été installée pour arroser les plantations.
© Quentin Hulo / Reporterre

Contrairement aux projets très contestés en Nouvelle Aquitaine, les 25 mégabassins du sud de la Vendée seraient « unanimité »selon les propos de ses partisans rapportés par Le Figaro. Situées au nord du Marais Poitevin, les œuvres sont présentées par la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire comme un « modèle ».

Et “ modèle » loin d’être impeccable

Alors que couvait le mouvement de contestation agricole début 2024, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, se rend en Vendée en proclamant : « Il est nécessaire de constituer des réserves de remplacement [le nom technique des bassines]le modèle Sainte-Soline est un modèle vertueux. » Vertueux pour les bénéfices de l’agriculture irriguée, peut-être, mais pour faire face à la crise de l’eau, c’est un sujet de débat.

Si les restrictions sur l’usage de l’eau ont permis localement de réels progrès, ces réserves géantes n’ont eu qu’un effet marginal sur les pratiques agricoles, entretenant une dépendance à l’irrigation massive et des tensions lors des périodes de sécheresse de plus en plus marquées. De quoi remettre en question l’idée selon laquelle le « Vendée model » prouve l’efficacité du système de bassins.

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Dans les locaux du Syndicat Mixte Vendée Sèvre Autizes, un dossier sur la gestion et le bilan des réserves de substitution du SMVSA.
© Quentin Hulo / Reporterre

Première différence flagrante entre Poitou-Charentes et Vendée : la construction de ces réserves s’inscrivait dans un projet de gestion de l’eau visant à sauver le Marais Poitevin et non l’agriculture irriguée. La deuxième zone humide de France, dont l’altitude se situe par endroits en dessous du niveau de la mer, a vu ses fossés s’assécher fortement au tournant du millénaire durant la période estivale, lorsque d’importantes cultures céréalières ont puisé de manière incontrôlée leurs forages, drainant les nappes phréatiques peu profondes de la région. zone.

Adieu prairies inondées, libellules, martins-pêcheurs… et statut de parc naturel régional. Au début des années 2000, des techniciens de SMVSA ont publié des piézomètres et des calculateurs pour évaluer les quantités raisonnables qui peuvent être prélevées.

« Il y avait 60 % d’échantillons excédentaires en été »

« Il y avait 60 % d’échantillons excédentaires en étérésume Fabrice Enon pour Reporterre. Sauf que si on décidait de baisser de 60 Le pourcentage de consommation d’eau signifiait un effondrement économique pour les exploitations agricoles. » Une négociation a été menée début 2000 entre représentants du monde agricole et autorités locales : les irrigants ont accepté de réduire de 20 % d’échantillons estivaux en échange de la construction de bassins qui stockeraient les 40 % d’eau restant à économiser en été.

Pour encadrer cette politique, un établissement public a été créé, l’Établissement Public du Marais Poitevin. Où, pour les mégabassins de Poitou-Charentes, c’est un établissement privé, la Coop de l’eau des Deux-Sèvres, qui contrôle les robinets.

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Ce méga-bassin, fermé au public, est entouré d’une clôture placée sous vidéosurveillance.
© Quentin Hulo / Reporterre

Première mesure mise en œuvre en 2007 en Vendée : l’augmentation des limites légales en dessous desquelles il était autorisé de puiser dans la nappe phréatique : à partir de 0 mètres, le soi-disant seuil « niveau de crise » a été relevée à 1,7 mètres puis à 2,5 mètres. Contraints d’attendre le remplissage, les agriculteurs tiraient moins.

Effet immédiat, la nappe est relevée. Proche de la surface, il a pu arroser de nouvelles rivières, canaux et fossés, le Marais a retrouvé ses couleurs, ses libellules et, en 2014, son label. Et tout cela avant même que les bassins ne soient construits.

« Il n’était pas nécessaire de construire des bassins pour restaurer l’environnement »

« Quand on élève le niveau de la nappe jusqu’à lequel il est autorisé de pomper, la police de l’eau intervient lorsqu’il y a des prélèvements illégaux, c’est pour ça que ça marcheanalyse un hydrologue contacté par Reporterre. Mais cette mesure politique aurait pu être prise sans compensation : il n’était pas nécessaire de construire des étangs pour restaurer l’environnement. »

De l’avis de la plupart des parties prenantes, la construction des bassins visait à alléger la pilule des restrictions d’eau. Et les seuils eux-mêmes sont contestés. « Ces autorisations sont très permissives, elles ont été fixées pour permettre l’irrigation, pas pour restaurer les milieux »succinctly summarizes David Briffaud, farmer member of Bassines non merci Vendée.

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« On ne va pas démarrer les pompes pour une petite ferme comme la mienne », raconte Olivier Cotron, maraîcher dans une petite exploitation qui a besoin d’eau toute l’année.
© Quentin Hulo / Reporterre

Le changement climatique a bouleversé ce modèle. Le nombre de jours pendant lesquels le niveau de la nappe permet de remplir les bassins dans le délai prévu par la loi diminue drastiquement en année sèche : entre novembre et mars, le déficit hydrique ne permet pas de lancer les pompes pendant entre 20 et 60 jours. jours en fonction des années, nécessitant un échantillonnage plus intense sur des périodes plus courtes. Les promoteurs du modèle proposent de supprimer les dates et de ne remplir qu’en fonction du niveau de la nappe phréatique ou de décaler les périodes de remplissage… sans changer les pratiques agricoles.

Valeur ajoutée et ouverture du marché

Il faut dire que, pour les représentants des principales organisations agricoles, les bassins du sud vendéen ont permis la conquête de nouveaux débouchés : « Tant que l’eau est sécurisée, elle ouvre les marchés et l’irrigation apporte une valeur ajoutée »explique Éric Porcher, membre de la Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire et céréalier à Longèves.

Maïs de semence, légumes sous serres… mais peu de petites exploitations ou de maraîchages, pour une raison technique propre aux bassins, en Vendée comme dans le Poitou. « Les pompes qui injectent l’eau des bassins dans les réseaux d’irrigation démarrent en avril, pour le blé et le maïs, mais j’ai besoin d’eau toute l’année.explique Olivier Cotron, maraîcher à la ferme des Ores, à Sainte-Gemme-la-Plaine. Rincant ses poireaux devant le marché avec l’eau puisée au forage, il ajoute en souriant : « On ne va pas démarrer les pompes pour une petite ferme comme la mienne ! »

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Éric Porcher, producteur céréalier, est en charge du dossier Eau à la Chambre d’Agriculture de Vendée.
© Quentin Hulo / Reporterre

Le modèle vendéen de gestion de l’eau a bénéficié d’un financement public important via l’Agence de l’Eau Loire Bretagne (AELB), qui couvre les bassins du Centre-Ouest de la France incluant la Vendée et la majeure partie du Poitou-Charentes. En 2021, un rapport commandé par cette agence faisait le point sur le projet et mettait notamment en avant les objectifs en termes de changement des pratiques agricoles : entre 2010 et 2019, les superficies irriguées sont restées stables avec une baisse de 5 %. % de maïs et progression des cultures à haute valeur ajoutée (légumes, fleurs) sur les surfaces ainsi libérées.

Parmi les contreparties des aides publiques, « mesures agroécologiques et environnementales »dont « désirrigation »c’est-à-dire la réduction du recours aux cultures irriguées censée représenter un quart des économies d’eau. Une mesure abandonnée en 2014 en raison, selon le rapport, « réluctance » irrigateurs en vue des investissements.

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Olivier Cotron travaille avec Florence dans l’agriculture biologique. Une pratique qui contraste avec les contrats de gestion de l’eau qui ne prévoient pas la réduction des produits phytosanitaires et des engrais.
© Quentin Hulo / Reporterre

« Les contrats de gestion de l’eau conclus entre gestionnaires et financiers publics ont été conçus avec une vision très quantitative : la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires et d’engrais n’a pas été prise en compte.» reconnaît Morgan Priol, directeur territorial de la délégation Maine Loire Océan de laAELB. Les résultats ont été insuffisants, le monde agricole doit repenser son rapport au changement climatique. »

« On ne lâchera aucun mètre cube en Vendée »

En juillet dernier, le tribunal administratif de Poitiers a renvoyé à sa copie les gestionnaires de l’eau des deux côtés du Marais Poitevin tel qu’analysé Reporterre : les volumes de prélèvements autorisés dépassaient systématiquement la capacité des milieux et ne respectaient pas la loi sur l’eau.

Parmi les représentants agricoles réunis devant l’instance le 21 octobre à Poitiers pour contester la décision, Éric Porcher a déclaré à nos confrères Ouest de la France : « Nous ne lâcherons aucun mètre cube en Vendée et nous ferons appel. » Caché derrière la solution dite miracle des mégabassins, le problème de la gestion de l’eau s’avère, en Vendée comme ailleurs, être avant tout celui d’une évolution des pratiques agricoles et de sa régulation politique au-delà des intérêts des irrigants.

 
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