Plusieurs ornithologues ont réalisé des comptages d’oiseaux sur une vingtaine de postes d’observation entre Gard et Fos-sur-Mer.
Au belvédère des Mourgues du Grès, situé entre Beaucaire et Bellegarde, plusieurs oiseaux planent au-dessus de la plaine en ce dimanche 24 novembre au matin. L’œil expert de Jean-Pierre Trouillas, président du centre ornithologique du Gard, reconnaît le rapace : il s’agit d’un milan royal. “On le voit à sa queue rouge, en forme de triangle”précise-t-il. Une espèce particulièrement attirée par la forêt riveraine du Rhône. Mais voilà, cet oiseau protégé, comme tous les autres oiseaux, est menacé par le tracé choisi de la ligne à très haute tension (THT) entre Fos-sur-Mer et Jonquières-Saint-Vincent, selon l’ornithologue. « Ils prévoient d’installer des pylônes qui devraient atteindre 60 à 80 mètres de haut, avec une vingtaine de lignes entre chaque pylône. Le problème est que le milan royal, par exemple, chasse en hauteur. Il se retrouverait donc à chasser à hauteur de ligne au risque de s’électrocuter ou de heurter les lignes. »souligne-t-il.
Un véritable couloir stratégique pour la migration
Et le milan royal n’est pas le seul touché. Ce dimanche, outre le rapace, Jean-Pierre Trouillas a observé près d’une dizaine d’espèces et une centaine d’oiseaux en seulement une heure. Ailleurs dans le Gard, 180 outardes, près de 400 grues cendrées et trois crécerelles ont été aperçues. « Puis tout au long de l’année, nous aurons aussi des martinets noirs, des cigognes… Nous sommes dans un véritable couloir stratégique pour la migration des oiseaux qui partent du nord de l’Europe vers l’Afrique »insiste l’expert. Un comptage qui a été réalisé sur une vingtaine de postes d’observation au total, tous situés sur le tracé de la future ligne THT (400 000 volts) qui s’étend sur 65 km. Une action organisée par Naccica et CoGard.
« En Angleterre, toutes les lignes à haute tension sont enterrées »
L’objectif pour ces spécialistes est de montrer l’impact de ce projet sur les espèces migratrices. « Nous ne sommes pas contre l’idée de décarboner Fos-sur-Mer, mais planter des pylônes sur des paysages comme le nôtre n’a aucun sens. D’autant plus que nous proposons des alternatives avec la mise en décharge”insiste Luc Perrin, membre de l’Asta (association pour la préservation du Pays d’Argence) et conseiller municipal à Beaucaire. L’enfouissement est cependant jugé trop coûteux pour RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité. «C’est peut-être moins cher au départ, mais à l’arrivée, quand il faudra entretenir les pylônes en cas d’incident, ça va vite s’additionner», insiste François Collard, vigneron et propriétaire du terrain où s’effectue le comptage. dehors. Et en Angleterre, toutes les lignes à haute tension sont enterrées, donc c’est possible..
Un impact sur l’agrotourisme
Lors de ce décompte, certains agriculteurs sont également venus dénoncer l’impact sur leur activité. Parmi eux, Paul Collard, vice-président des Jeunes Agriculteurs de Beaucaire et arboriculteur : « Les gens qui viennent acheter nos produits ont une certaine image des Costières de Nîmes. Ces pylônes vont déformer le lieu”souligne-t-il. Comme lui, Gaël Briez, producteur d’huiles essentielles à Un Mas en Provence, craint une baisse de son chiffre d’affaires. En effet, un des pylônes est prévu au pied de son exploitation à Bellegarde. « Et nos visites du mas et de la distillerie attirent chaque année près de 10 000 visiteurs, dont une grande majorité de touristes étrangers. Ces pylônes risquent de dissuader plus d’une personne. »il s’inquiète.
Au total, dans la matinée, près de vingt-sept espèces ont été dénombrées par les différents ornithologues sur les vingt points d’observation. Un constat qui sera communiqué au muséum d’histoire naturelle mais aussi à RTE, « pour mettre en valeur l’impact important de ce projet sur la biodiversité »concluent les organisateurs de cette action.
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