Des personnages comme Denis Poux, vous n’en croiserez pas deux. Impossible. C’est une blague, un style, une voix, un visage. Mais avant tout une passion. 67 ans au compteur et pas une trace de rouille, il est l’un des derniers ferronniers de France. Ou plutôt, forgeron, terme qu’il apprécie particulièrement.
Les yeux dans le feu
C’est dans sa forge, près du lac de Saint-Point, à Montperreux, qu’il dompte le métal à grands coups de marteau. « J’ai toujours eu ce goût-là », confie-t-il en frappant sur son enclume de 130 kilos. « Ce n’est jamais fini, on n’est jamais coincé. Dès qu’il est chaud, le métal devient si malléable que l’on peut en faire ce que l’on veut. » Tout change avec l’irréductible Denis Poux.
Mais avant de battre la matière pour lui donner la forme qu’il souhaite, il la chauffe jusqu’à ce qu’elle devienne incandescente. « Quand le métal est dans la forge, on ne peut pas le quitter des yeux », explique-t-il de sa voix grave. En effet, sinon, la pièce se mettra à brûler comme un feu de Bengale. Quoi qu’il en soit, il adore regarder les flammes. C’est ce qui l’a d’abord attiré vers la base : l’incendie. « Dans les ateliers, il fait toujours sombre, donc on voit bien la couleur du métal lorsqu’on le rougit », poursuit-il. « Forger dehors au soleil n’est pas intéressant. »
Un métier en voie de disparition
Autour de lui, ses outils, ses plus fidèles compagnons, portent des noms d’instruments de torture. D’un côté, il y a la feuille du martyr. De l’autre, le martinet tailleur, vieux de deux siècles. « Les outils n’ont pas beaucoup évolué » Et Denis Poux en sait quelque chose, puisque son arrière-grand-père était déjà forgeron. « Quand j’étais enfant, il y avait une forge à Malbuisson et une à Labergement-Sainte-Marie, alors j’y suis allé », se souvient-il. « Ensuite, j’ai aussi ferré des chevaux et travaillé dans une entreprise à Pontarlier où je faisais des travaux de fonderie. »
Mode couverts
Autrefois, il a appris le métier auprès d’anciens ferronniers. Aujourd’hui, à l’heure de la transmission de son savoir ancestral, il ne peut que se rendre à l’évidence : le métier de forgeron est sur le point de disparaître. « Désormais, ce qui donne envie aux jeunes de travailler, ce sont les couverts. Ils veulent tous fabriquer des couteaux ou des armes », note-t-il. « Aux beaux jours de la forge, ils avaient du personnel. Là, il n’y en a plus. »
Toutefois, s’il n’a pas réussi à contaminer ses deux filles, Manu, un ami, s’est mis au jeu il y a six ans. « Je me suis lancé parce que ça me donne envie de l’essayer. Un jour, j’ai demandé si je pouvais l’essayer et je l’aime vraiment », admet-elle. « Après, c’est physique, hein. Je fais des choses plus détaillées comme des porte-clés ou des objets plus petits. » Mais à Montperreux, une chose est sûre : même si la forge des forges finit par s’éteindre, ceux qui ont croisé le chemin de Denis Poux ne l’oublieront pas de sitôt.
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