RAPPORTAGE – Depuis 1965, il accueille des personnes, pour la plupart atteintes de handicaps cognitifs. Jeudi, une usine agrandie et modernisée a été inaugurée à Cholet.
Depuis plusieurs semaines, Cholet (Maine-et-Loire) fait la une de l’actualité en raison de l’annonce de la fermeture de son site Michelin. Pendant ce temps, deux kilomètres plus loin, la Fondation Amipi-Bernard Vendre peut se targuer d’un destin plus joyeux. Jeudi 21 novembre a eu lieu l’inauguration de sa nouvelle « usine apprenante et inclusive », où travaillent 85 salariés en situation de handicap cognitif.
Lors de cette Semaine de l’Industrie et du Duoday Day (duos valides/handicapés), préfet, président de région, maire ou encore sénateur ont bravé les conditions climatiques pour y assister. Indisponible, le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, a tout de même tenu à envoyer une vidéo de soutien. Preuve que ce modèle axé sur l’intégration des personnes handicapées et le maintien de l’activité industrielle en France fait ses preuves. « La société est la grande gagnante puisque le coût global du travail est, au final, quatre fois plus efficace que le coût global du non-travail à condition que chacun joue le jeu »résume Jean-Marc Richard, président de la Fondation.
Six usines à l’Ouest
Aujourd’hui, les six usines situées dans l’ouest de la France (Cholet, Nantes, Angers, Blois, Le Mans et Tours) comptent 840 salariés, dont 700 opérateurs autistes, schizophrènes… ou en difficulté d’apprentissage. C’est à Cholet que tout a commencé. Dans les années 1960, Maurice Vendre voit son fils Bernard, 6 ans, trisomique, être exclu de l’école. Cela l’a poussé à agir et à créer d’abord des IMP (instituts médico-pédagogiques), puis des IMPro (instituts médico-professionnels) débouchant ensuite sur des ateliers de travail, basés sur l’apprentissage. “C’est mon mari qui a eu l’idée et le sentiment qu’il y avait la possibilité de travailler sur la plasticité cérébrale pour réparer les connexions défaillantes”détaille fièrement la cofondatrice Maryse Vendre.
Si l’exigence demeure, la fabrication de produits ne se fait pas sans le développement des humains qui les conçoivent. Ainsi, une pédagogie d’apprentissage propre à la Fondation a été développée, liée à la psychologie mimétique. « Le travail est une thérapie »résume Maryse Vendre. Les collaborateurs, apparemment détendus et concentrés lorsque nous les rencontrons, sont tirés vers le haut. Certains y sont présents depuis les années 1990 et ont pu apprendre plusieurs métiers. D’autres y restent peu de temps et rejoignent une entreprise dite traditionnelle. Ils sont également encouragés à le faire s’ils le souhaitent. « Chaque année, il y a une vingtaine d’insertions »indique la DRH Sophie Labatut, pour 50 à 100 recrutements par an chez Amipi. Des journées de recrutement sont organisées, au cours desquelles les futurs «Amipiens» ou “héros”comme on les appelle, montrez ce dont ils sont capables. Cela aide les superviseurs à leur confier des tâches appropriées.
Exigence et performances
« Chaque objectif est personnalisé. Nous ne devons pas les préparer à l’échec.explique Éric Ferré, directeur de la nouvelle usine de Cholet. Toutes les heures, une cloche sonne et le salarié enregistre les quantités qu’il a produites. Une manière d’allier exigence et performance. En mars, les 67 personnes, aujourd’hui 85 et normalement 140 d’ici 2027, ont emménagé dans un hangar flambant neuf. Cette démarche ne signifie pas seulement expansion : elle va de pair avec une diversification des activités. UN « un tournant important dans la modernisation de l’Amipi »résume le communiqué.
Jusqu’à présent, les usines étaient des sous-traitants spécialisés dans le câblage automobile, travaillant avec des clients de renom comme Renault. Désormais, l’heure est à la diversification. Derrière sa machine à coudre, Céline se lance dans la confection d’anses qui serviront aux cabas d’une marque de luxe. Le textile est l’une des nouvelles activités du site de Cholet, avec l’assemblage de petits appareils électroniques et la soudure (opération d’assemblage qui est obtenue par fusion d’un métal d’apport) de cartes électroniques. « Le contexte économique (d’un marché automobile en ralentissement, NDLR) fait que nous avons développé une stratégie de diversification »explique Quentin Lambert, directeur général adjoint en charge de la transformation. La Fondation Amipi dispose également d’une entité « conseils et formations » qui vise à former des managers au sein des entreprises. Ainsi, Louis Vuitton et Sodebo l’ont utilisé. Plus largement, le soutien de leurs clients entrepreneurs est précieux.
« C’est avec eux que l’on construit la société désirable. Notre souhait commun est d’humaniser le capitalisme, car il faut évidemment du capital pour créer des entreprises. Jean-Dominique Senard (le patron de Renault, NDLR)dit : il faut humaniser l’économie de marché en la rendant plus responsable et surtout, en ce qui nous concerne, plus apprenante. soutient le président Jean-Marc Richard. “C’est difficile d’unifier un pays, mais si on apprend, les gains sont énormes”insiste-t-il, devant un public attentif. « Ce n’est pas tous les jours qu’on ouvre une usine. C’est un rayon de soleil de se retrouver sur ce site”» clame le maire de Cholet, Gilles Bourdouleix, alors que la pluie bat son plein. L’édile termine son discours en annonçant qu’une partie de la rue Trémentines, où se situe l’usine, sera bientôt rebaptisée rue Maurice Vendre, en hommage au fondateur d’Amipi.
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