L’accès aux droits sociaux devient un véritable casse-tête pour ceux qui ne maîtrisent pas le numérique. Dans ses enquêtes, Mickaël Le Mentec met en avant les obstacles de la dématérialisation. Son projet expérimental vise à remettre l’humain au cœur des démarches administratives.
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La modernisation administrative, promise par la dématérialisation des services publics, laisse-t-elle de côté les plus fragiles ? C’est le constat clair de Mickaël Le Mentec, enseignant-chercheur à l’université Rennes 2. Dans le cadre d’un projet ambitieux financé par la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), ce spécialiste de la fracture numérique s’efforce de donner la parole à ceux qu’on n’entend pas. Verdict attendu en 2026.
Depuis les années 2000, la France a digitalisé rapidement une grande partie de ses services administratifs. Si 90 % des Français sont aujourd’hui internautes, une partie importante de la population reste sur le bord de la route. Les retraités, les non-diplômés et les populations précaires en sont les premières victimes, soit 13 millions de personnes en France touchées par l’électronique.
Les chiffres sont clairs, si chacun possède un smartphone et consulte les réseaux sociaux ou regarde des vidéos : 62% des non-internautes rencontrent des difficultés majeures pour effectuer les démarches administratives. Même parmi les personnes connectées, le manque de culture numérique reste un obstacle. « Ce n’est pas seulement un problème technique. Naviguer sur des sites pas toujours intuitifs, comprendre le jargon administratif, cela dépasse les compétences de beaucoup »deplores Mickaël Le Mentec.
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Pour certains, la fracture numérique commence bien avant l’écran : c’est une question d’argent. Payer un abonnement Internet ou acheter un ordinateur est hors de portée pour des budgets déjà serrés. “Même si c’est trente euros, dans certaines situations, c’est insurmontable”Nolwenn, une étudiante en difficulté, lui a dit.
Au-delà des équipements, il existe tout un système qui déshumanise l’accès aux droits. « Les outils numériques, censés simplifier les démarches, deviennent des obstacles supplémentaires »souligne le chercheur. Le non-recours aux droits sociaux atteint des sommets : près de 40 % des personnes éligibles y renoncent en raison de la complexité des démarches.
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Avec la fermeture progressive des guichets physiques, la dématérialisation accroît l’isolement. Dans les zones rurales, où les infrastructures numériques sont souvent déficientes, la situation est dramatique. « Sans connexion Internet ni service public local, certains habitants cumulent les handicaps »warns Mickaël Le Mentec.
Des usagers des services publics perdus face à la dématérialisation. « Je veux savoir pourquoi mon allocation a été supprimée. C’est insupportable ! »
Toutefois, les usagers témoignent que la présence humaine reste indispensable. «Dès qu’un humain est là pour nous soutenir, le processus devient moins anxiogène»lui ont dit les travailleurs sociaux qui font le relais, malgré eux, entre les services publics et les naufragés du numérique.
Face à ces constats, Mickaël Le Mentec tente d’apporter des réponses concrètes. Financé par le DITP, il participe à un projet qui explore les solutions locales : ateliers numériques dans les villages, cafés sociaux, espaces d’entraide. Objectifs : atteindre les personnes distantes, recréer du lien et rendre le processus accessible.
Mais la tâche est immense. « Les interfaces de service public ne sont pas suffisamment conçues pour les populations en difficulté »analyse le chercheur. Ergonomie rigide, jargon incompréhensible, méconnaissance des systèmes existants et des aides sociales : ces obstacles transforment l’expérience en parcours du combattant.
À l’heure où la transformation numérique s’accélère, Mickaël Le Mentec martèle un message simple : sans accompagnement humain, ces outils ne feront qu’aggraver les inégalités.
Les résultats de l’étude à laquelle il participe, attendus en 2026, promettent d’éclairer les décideurs sur ces questions cruciales. Mais d’ici là, les plus vulnérables continueront d’affronter, seuls, des procédures qui, au lieu de les aider, les isolent davantage.
« Remplacer l’humain par le numérique peut paraître économique. En réalité, cela coûte cher : en exclusion sociale, en non-recours aux droits »conclut-il. Un message clair pour ceux qui, au nom de la modernité, risquent d’oublier l’essentiel : l’humanité.
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