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Publié le 21 novembre 2024
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Certaines légendes urbaines ont la vie dure. Dans le domaine économique et politique, celui qui décrit la France comme un enfer ultralibéral dans lequel tous les gouvernements récents sans exception, pour autant qu’ils soient issus de la droite, du centre et parfois même de la gauche sociale-démocrate, ont renforcé le Les caractéristiques de l’austérité, de l’effondrement des services publics, de l’enrichissement des riches et de l’appauvrissement des pauvres tiennent sans aucun doute la corde.
Dans ce discours tenu depuis longtemps par l’extrême gauche comme par l’extrême droite, Emmanuel Macron est devenu l’archétype du démolisseur de notre système social. Il est vrai qu’il faisait parfois des commentaires qui pouvaient facilement prêter à confusion. On se souviendra par exemple de l’épisode du « crazy money » ou de sa promesse de campagne de réduire les effectifs de la fonction publique de 120 000 postes en 5 ans. Sans compter qu’il a effectivement réduit l’aide personnalisée au logement (APL) de 5 € par mois, qu’il a mis fin au recrutement SNCF au statut de cheminot et qu’il a limité l’ISF au patrimoine immobilier.
Mais son prédécesseur François Hollande, bien que socialiste convaincu, a lui aussi dû essuyer le même genre de critiques lorsqu’il a tenté de réformer le code du travail. Quant à notre nouveau Premier ministre Michel Barnier, il a certainement pris grand soin d’utiliser tous les bons éléments de langage sur le « justice fiscale » Pour ne froisser personne, il a néanmoins été décrit comme un ultralibéral soumis à la rigueur budgétaire bruxelloise dès son arrivée à Matignon il y a deux mois.
Inutile de dire que, malgré les apparences, les deux premiers mois du gouvernement Barnier n’ont ni réussi ni même tenté sérieusement de modifier quoi que ce soit de vraiment significatif dans la frénésie de dépenses et de réglementation de notre modèle social. Donnons une troisième fois à faire ses preuves, mais disons pour l’instant que son projet de loi de finances pour 2025, composé en très grande majorité de hausses d’impôts et accessoirement de réductions de dépenses publiques, s’inscrit très harmonieusement dans la logique du « toujours plus d’impôts, toujours plus de ressources, quelle que soit la situation ». coût » qui fait le charme de l’exception française depuis 1974.
Car finalement, comment se caractérise ce qu’on appelle l’ultralibéralisme made in France ? Par le fait, unique au monde, que le pays est le champion mondial des dépenses publiques et des cotisations obligatoires (impôts et cotisations sociales), comme le montrent clairement les graphiques de l’OCDE :
Dépenses publiques, OCDE, 2021
Prélèvements obligatoires, OCDE, 2022
Malgré leur importance, les prélèvements obligatoires sont loin de couvrir les dépenses, ce qui génère un déficit public qui devrait atteindre 6,2% du PIB en 2024, déficit qui engendre à son tour une dette publique prévue à 113% du PIB d’ici la fin de l’année et 115 % pour 2025, selon les données du PLF 2025. Là encore, la France est proche des sommets, tant au sein des pays de l’OCDE que de l’Union européenne (chiffres 2023) :
Déficit public, UE, 2023
Mais en vain vous dites et répétez tout cela cent fois, vous démontrerez en vain, chiffres incontestables et rapports de la Cour des comptes à l’appui, que malgré l’augmentation constante des dépenses, l’hôpital, l’agriculture, les retraites et l’Education nationale sommes en crise profonde et perpétuelle depuis des années, on peut s’attendre à ce qu’on vous dise de manière presque obsessionnelle que ce qui ne va pas dans ce pays, c’est son ultralibéralisme débridé, dit autrement son esprit mercantile qui ne connaît que le profit pour les patrons et l’oppression pour les autres.
Aussi, aux éléments précédents que mes lecteurs connaissent déjà par cœur, je voudrais ajouter un nouvel argument, peu développé ici jusqu’à présent, mais qui me semble particulièrement puissant.
En septembre 2023, l’Insee a publié une étude intéressante sur la répartition des revenus en France et les effets de la redistribution. On sait que cette dernière constitue le cœur de notre système social très fortement collectivisé et étatisé, conformément aux convictions marxistes de ses fondateurs Ambroise Croizat ou Maurice Thorez, références de gauche, qui agissaient à l’époque (1945) avec le bénédiction du général de Gaulle, référence de la droite. D’où une grande unanimité nationale sur le sujet.
Aux transferts monétaires correspondant aux prestations sociales et aux pensions de retraite habituellement utilisés dans de telles analyses, les auteurs de l’étude en question ont intégré une redistribution plus large prenant en compte la valorisation des services publics – services individuels comme la santé et l’éducation, et services collectifs. comme la défense ou la recherche.
La population est répartie selon cinq catégories de niveau de vie, comme indiqué ci-contre, et nous nous concentrons sur les deux catégories situées aux extrémités haute et basse de la distribution, qualifiées de « pauvres » et de « aisés ».
La conclusion est frappante.
L’écart de revenu entre les 13 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches est 1 à 18 avant les transferts étendus et il se rétracte sur un rapport de 1 à 3 après transferts étenduscomme le montre très clairement le schéma ci-dessous, issu de l’étude :
Sauf que tout n’est pas rose au paradis, loin de là.
De même que l’obtention d’un baccalauréat n’est pas et n’est plus la garantie glorieuse et systématique d’un bon enseignement supérieur puis d’un accès sans difficulté à l’emploi, de même la vaste redistribution des revenus n’est plus la garantie solidaire et systématique dans laquelle vivent les Français. une douce prospérité permettant aux plus défavorisés d’accéder progressivement et joyeusement à la classe moyenne.
Bien au contraire, en cet automne 2024 qui couronne près de 80 ans de redistribution sociale et solidaire et 50 ans de déficits béants et volontaires, le chômage des jeunes augmente (encore) dangereusement, les plans sociaux s’amoncellent (encore), les hôpitaux sont (encore) ) naviguant entre grèves et débrayages sporadiques, les agriculteurs sont (encore) dans la rue, la fonction publique s’en mêle également et les personnels de la SNCF comptent bien nous faire bénéficier cette année (encore) de leur façon très personnelle d’envisager la liberté de voyager à l’approche des fêtes de fin d’année. Quant aux retraites, il faudra (encore) y revenir.
Oh, bien sûr, les raisons invoquées par certains pour soutenir leur « juste colère » sont toutes liées à cette erreur d’appréciation de la réalité économique et sociale dont je parle dans cet article. Ce serait la faute au libéralisme – et à ses composantes concurrence, libre-échange, privatisation, financiarisation, etc. Un libéralisme qui, on l’a vu, n’existe pas en France, ou très peu.
Mais il y a bel et bien un malaise.
Parce que la redistribution ne produit rien. Il apporte un soulagement temporaire, il fournit une aide occasionnelle nécessaire, mais il ne sort personne de la pauvreté. Il faut le renouveler chaque mois, chaque année, en puisant encore et encore dans les revenus (et les actifs) des catégories les plus inventives, les plus productives de la population. Au bout d’un certain temps, le capital nécessaire à l’inventivité et à la production commence à s’épuiser. La pression fiscale devient intenable et l’État doit s’endetter pour entretenir l’illusion que tout va bien, tandis que l’inventivité et la production diminuent, entraînant avec elles l’anémie de la croissance et de l’emploi. Et ainsi de suite.
Précisément le point d’étranglement où se trouve aujourd’hui la France. Et c’est peut-être le bon moment pour dire que notre système économique et social souffre bien plus de défaillances structurelles que de défaillances cycliques. Plutôt que de faire toujours la même chose, à savoir dépenser plus, s’endetter davantage, taxer davantage et recommencer, avec des résultats invariablement décevants, pourquoi ne pas commencer à parler sans se fâcher de ce que le libéralisme pourrait faire pour notre prospérité et notre liberté ?
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