« Ouvrons le champ des possibles et brisons les plafonds de verre. » Le slogan de l’association Hand’Joy incarne leurs valeurs. Située en Seine-Saint-Denis et créée par l’ancienne handballeuse française Amina Tounkara en 2020, l’association promeut l’égalité des chances et promeut l’inclusion par le sport, mais aussi par l’art et la culture. « Avec Hand Joy, il y a une vraie envie de tendre la main. J’ai traversé des moments difficiles dans ma vie et je pense qu’à ce moment-là, si quelqu’un m’avait contacté, cela aurait été plus facile », explique la jeune femme de 26 ans originaire d’Aulnay-sous-Bois. La handballeuse, qui évoluait comme gardienne de but, a dû mettre fin prématurément à sa carrière suite à une commotion cérébrale en septembre 2022.
Cette année, Hand’Joy fête ses quatre ans de la plus belle des manières, en publiant une série de bandes dessinées, «Champions : ici aussi, nous pouvons briller ». Composées de quatre volumes, ces bandes dessinées racontent l’histoire de quatorze jeunes filles de Seine-Saint-Denis. Ce lundi 18 novembre, l’association a investi le siège d’Adidas, l’un des partenaires du projet, à Paris, pour présenter en avant-première les deux premiers tomes de la série.
La sororité dans l’âme
Cette série de bandes dessinées est issue de l’un des trois programmes proposés par Hand’Joy : « Champions », une initiative axée sur l’inclusivité. Le programme « L’éducation d’abord » vise l’insertion socioprofessionnelle et enfin « Dessinons l’égalité » est axé sur la sensibilisation. Le projet de BD a été soutenu par plusieurs partenaires dont le département de Seine-Saint-Denis, Adidas, la Fondation Hand’Solidaire de la FFH (Fédération Française de Handball) qui a financé le projet et le service patrimoine de Paris 2024.
Les quatorze jeunes filles, toutes handballeuses, ont participé au programme Champions. Au début de cette aventure, ils ne se connaissaient pas, mais de fil en aiguille, ils ont tissé des liens à travers différentes activités liées au sport, à la culture, mais aussi grâce à ce travail d’écriture. Chaque volume aborde une thématique différente : la santé physique et mentale, l’égalité des sexes, la confiance en soi et le racisme. Toutes les filles ont apporté leur contribution en partageant une partie de leur histoire avec l’aide de l’écrivaine Christine Lang.
Nina à gauche et Manon à droite ©EmelineOdi
«J’ai dû composer avec deux ligaments croisés. On se demande comment on se relève après cette épreuve”
Le premier tome raconte la convalescence de Chloé suite à une opération des ligaments croisés. Une histoire inspirée de celle de Manon, 17 ans, originaire de Noisy-le-Grand. « J’ai rencontré des difficultés physiques. J’ai dû composer avec deux ligaments croisés. On se demande comment on se relève après cette épreuve. Avec cette BD, on se rend compte que nous ne sommes pas seuls. Nous nous reconnaissons tous dans au moins une bande dessinée. Je pense que la plus grande fierté est d’avoir réussi à écrire notre histoire », se réjouit la jeune fille.
« C’est vraiment cette envie de raconter des histoires sur nous-mêmes, mais aussi de raconter des histoires aux autres, d’aider, et peut-être de changer certaines mentalités, qui nous a poussé à nous réunir pour concevoir ces bandes dessinées. » poursuit Maïssane. Ce dernier a participé au programme Champions et à l’écriture de la bande dessinée.
« Personnellement, j’ai eu des difficultés liées à la santé mentale dans le sport et je trouve qu’elle n’est pas assez prise en compte dans le monde sportif et féminin. Ce projet m’a donné confiance en moi, je me suis dit que je pouvais le faire. » salue Nina, 16 ans, originaire de Livry-Gargan et Sevran.
Amina Tounkara (left), Béatrice Barbusse (center) and Zaïnaba Saïd-Anzum ©EmelineOdi
Une série de bandes dessinées sous le signe de la transmission et de l’identification
Avec ce projet de bande dessinée, Hand’Joy met en avant la transmission et le partage d’expérience qui est l’une des valeurs centrales de l’association. « La transmission est importante pour moi, car les jeunes, et notamment les jeunes filles, manquent de modèles. Si moi, Amina Tounkara, je parle à des jeunes filles des quartiers populaires, qui vivent les mêmes trajectoires de vie que moi, elles entendront mon message. Ils savent qu’un jour j’étais à leur place. confie Amina Tounkara. Son histoire est à l’origine du deuxième tome dans lequel l’héroïne, Hafssa, souhaite s’inscrire au handball, mais se heurte au refus de son père qui estime que ce sport est réservé aux garçons.
Le partage d’expérience est aussi le maître mot de la marraine de l’association, Grace Zaadi, handballeuse internationale française, championne du monde en 2017 et 2023, championne d’Europe en 2018 et championne olympique en 2021 à Tokyo. « Cela me tient à cœur d’être la marraine de cette association car j’ai aussi l’impression de rendre ce qu’on m’a donné. La réalisation de cette bande dessinée est quelque chose qui me fait chaud au cœur. J’ai vu les filles et la façon dont elles ont évolué depuis le début de ce projet, mais aussi comment elles ont travaillé pour pouvoir concrétiser cela. C’est quelque chose de fort ! “, sourit celle qui a fait ses armes au club de handball de Villepinte.
Grace Zaadi (à gauche) et Mariama Signaté (à droite, ancienne handballeuse) ©EmelineOdi
“En bande dessinée, il y a très peu d’histoires qui mettent en avant des gens qui nous ressemblent”
Cette transmission et cette identification se font également par l’image. La série comique Champions représente quatre jeunes filles aux origines et aux physiques différents. Un détail qui comptait pour les quatorze jeunes filles, mais aussi pour l’illustratrice Halimata K. et la graphiste Maude-Cécile Carette. « J’ai trouvé important de mettre en valeur les histoires de vraies personnes originaires des banlieues. Dans les bandes dessinées, il y a très peu d’histoires mettant en scène des gens qui nous ressemblent. justifie Halimata. « Ce qui est important dans ce projet, c’est de parler des filles dans le handball. Je suis née en 1991 et on n’entendait pas beaucoup parler de filles qui jouaient au football… donc le handball, c’est une autre histoire (rires). C’est beau de mettre en valeur ce genre d’histoires », adds graphic designer Maude-Cécile.
« J’espère que cette BD pourra être diffusée massivement dans les lycées et collèges de Seine-Saint-Denis, car ce sont des personnalités qu’on voit rarement dans la BD. Comment voulez-vous que les gens et les jeunes femmes s’identifient à des gens qu’on ne voit jamais ? Ce n’est pas possible ! »insiste Béatrice Barbusse, vice-présidente adjointe de la FFH et sociologue du sport.
Grace Zaadi, Slimane Tirera (Paris 2024 legacy), Amina, Béatrice, Zaïnaba and Salimata ©EmelineOdi
Des modèles pour la jeune génération
Même si elles sont jeunes, les quatorze championnes deviennent des modèles pour les jeunes filles avec ce projet de bande dessinée. Ils sont conscients qu’ils donneront envie aux jeunes filles qui leur ressemblent de faire de même. « Nous essayons d’envoyer des messages et de dire aux jeunes filles qu’elles ne sont pas seules et que leurs voix peuvent aussi être entendues. Nous voulons être comme Amina (Tounkara) et à nous de travailler et de faire entendre notre voix »croit Manon.
« Grâce à cette bande dessinée, nous commençons à devenir des modèles pour les petites filles. J’espère que cette bande dessinée fera de grandes choses et aidera la génération future »Nina sourit.
Émeline Odi
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