Les syndicats de protection de l’enfance ont profité de journée internationale des droits de l’enfantce 20 novembre, pour dénoncer une nouvelle fois de graves dysfonctionnements dans les structures qui accueillent des enfants placés en Seine-Maritime. Ils sont 7000 enfants et adolescents dans le département, placés par décision de justice dans des structures d’accueil, gérées principalement par l’IDEFHIl’Institut départemental de l’enfance, des familles et des handicaps pour l’insertion, à Canteleu, dans la métropole de Rouen, mais aussi par l’association Les Nids. Les organisations syndicales CGT et Sud dénoncent notamment la manque de ressources financières, humaines, médicales et juridiques prendre soin et soutenir correctement ces enfants en souffrance. Les inquiétudes ne sont pas nouvelles mais elles s’aggravent d’année en année, avec des conséquences dramatiques pour les jeunes.
Prostitution, fugues, disparitions inquiétantes, violencesla situation décrite par Aïssa Latrèche, n’a jamais été aussi alarmante et le quotidien des enfants est parfois pire qu’au domicile de leurs parents. “On les emmène pour dire qu’ils seront mieux là-bas, mais parfois on se retrouve dans des familles d’accueil, les toilettes ne fonctionnent pas, les douches ne fonctionnent pas, les enfants dorment dans les couloirs, dans les bureaux ou dans les services, les structures sont des autocuiseurs » » affirme le secrétaire général de la CGT de l’IDEFHI.
L’abandon de la prévention dès la petite enfance, et un turnover trop important des éducateurs
Le résultat de l’abandon de la prévention qui permettait d’aider les familles en difficulté analyse Natacha Ibrahim. Elle est éducatrice spécialisée depuis 25 ans à l’association Les Nids et a bien vu la situation se dégrader avec le temps. « Autour de la petite enfance, on a perdu le soutien en PMI où les jeunes parents pouvaient commencer à nommer ce qui était compliqué pour eux dans la prise en charge. Un enfant qui a un premier parcours de vie très chaotique, très dégradé, il va déjà commencer à se construire de manière fragile et cela aura des conséquences très fortes plus tard » assure Natacha. Des jeunes en grande souffrance, et trop de roulement parmi les éducateurs. Au village d’enfants Duclair, 15 éducateurs sont arrivés et repartis en moins d’un an, raconte un des salariés de la structure. Impossible dans ces conditions de nouer un lien de confiance selon Basile Gonzales, pédopsychiatre à la maison familiale thérapeutique de Rouvray qui voit régulièrement les enfants, souvent accompagné à chaque fois par un éducateur différent. « Ce turnover est la réactivation des expériences d’abandon, la difficulté et la méfiance de ces enfants à réussir à établir des liens puisque ce sont des enfants qui ont des problèmes d’attachement et à qui on envoie ce message qu’il faut ne pas s’attacher car à chaque fois qu’on s’attache, on il faut se séparer», explique le médecin.
Jeunes filles ASE recrutées par un réseau de prostitution
Les conséquences sont dramatiques pour les enfants placés ; et les professionnels sont régulièrement confrontés aux violences entre jeunes, aux fugues, aux disparitions, voire à la prostitution. Plusieurs dizaines de jeunes filles placées ont ainsi été démarchées et recrutées par un réseau organisé qui les prostituait dans des hôtels ou des Airbnbs de la rive gauche de Rouen, dans le quartier Saint-Sever. « Les enfants sont ramenés par des proxénètes qui menacent les professionnels, et qui disent ‘ne vous plaignez pas, je vous le ramène entier’ », rapporte François His, chef départemental des services sanitaires et sociaux CGT. Le département a mis en place des groupes de travail et collabore avec les services de police pour sortir le plus rapidement possible les jeunes filles du réseau. Les syndicats attendent désormais le résultat de la mission d’évaluation votée par le département. Ils aimeraient surtout pouvoir être interviewés par les élus qui le composent et qui le tiendront. leur première rencontre depuis quelques jours.
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