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pourquoi la est-elle l’un des seuls pays de l’UE à s’opposer à cet accord de libre-échange ?

Paris a du mal à trouver des alliés parmi les États membres de l’Union européenne pour s’opposer à l’accord commercial avec les pays d’Amérique du Sud.

La colère des agriculteurs grandit en contre le futur accord commercial entre le Mercosur et l’Union européenne (UE). Des manifestations et blocages sont organisés depuis lundi 18 novembre, un peu partout en France, contre ce texte négocié par la Commission européenne avec l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay et la Bolivie. Face au ras-le-bol du secteur agricole, l’ensemble de la classe politique, fait rarissime, dénonce unanimement le projet : à gauche comme à droite, à l’Elysée comme au sein du gouvernement. Près de 600 parlementaires français ont même écrit le 12 novembre à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen pour lui demander d’abandonner les négociations. La lettre est jusqu’à présent restée sans réponse. Car sur la scène européenne, la France apparaît très isolée sur ce dossier. Malgré quelques doutes, aucun des 26 autres pays membres de l’UE ne manifeste une opposition aussi directe.

Certains pays s’inquiètent encore des conséquences de cet accord, qui propose notamment d’établir des quotas supplémentaires pour les importations de viande en provenance d’Amérique du Sud. “L’Autriche était plutôt opposée à l’accord, mais sa position pourrait changer après les dernières élections législatives [remportées par l’extrême droite]expliquer Marie Krpata, chercheuse au Comité d’étude des relations franco-allemandes de l’Institut français des relations internationales (Ifri). “C’était aussi le cas de l’Irlande, pour des raisons environnementales, mais ce n’est plus vraiment le cas”poursuit l’expert. L’Irlande s’était dans un premier temps ralliée à la position française, exigeant plus de garanties, mais les élections législatives, prévues le 29 novembre, ont rendu la position de Dublin plus floue.

Pour espérer empêcher l’adoption du texte par l’Union européenne, la France doit impérativement rassembler une minorité de blocage, les questions commerciales n’étant pas soumises à la règle de l’unanimité. Paris doit donc rassembler au moins quatre pays représentant au moins 35% de la population de l’UE. L’Italie, avec près de 59 millions d’habitants, pourrait-elle devenir un allié ? Le ministre italien de l’Agriculture, Francesco Lollobrigida, s’est prononcé lundi contre le projet exigeant que les agriculteurs du Mercosur soient soumis au même régime. «obligations» que ceux de l’UE. Mais au sein du gouvernement transalpin, son avis n’est pas partagé par le ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani. « Nous sommes favorables en principe à un accord avec le Mercosur »» a-t-il déclaré, quelques heures après son collègue bruxellois.

Reste la Pologne, qui compte plus de 36 millions d’habitants. Le ministère de l’Agriculture a exprimé son « de sérieuses réserves » à propos d’un projet et l’une des principales organisations agricoles, Rural Solidarity, a appelé lundi le chef du gouvernement, Donald Tusk, à aller plus loin et à “bloquer”. « Le pays dispose d’un secteur agricole important et est déjà sous la pression des importations de produits agricoles ukrainiens : la Pologne pourrait chercher à renégocier certains aspects »soulage Elvire Fabryspécialiste des questions européennes. Toutefois, un veto de Varsovie n’est pas garanti.

“La Pologne est certes préoccupée par son agriculture, mais elle a aussi des intérêts à défendre du côté industriel, avec des secteurs qui attendent cet accord, comme son secteur automobile, qui a besoin de nouveaux débouchés.”

Elvire Fabry, chercheuse à l’Institut Jacques-Delors

sur franceinfo

De quoi faire réfléchir le gouvernement polonais, d’autant que l’agriculture n’est qu’un aspect du futur accord avec le Mercosur, qui concerne des pans entiers de l’économie européenne.

La France doit aussi compter sur les pays qui défendent ardemment le projet d’accord et qui ont de l’influence sur la scène européenne. C’est le cas de l’Espagne, où le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez s’est prononcé en faveur de l’accord, malgré les craintes du secteur agricole. Un avis partagé par l’Allemagne. « La situation économique du pays est très délicate, avec une deuxième année de récession et des industries très impactées par la guerre en Ukraine »se souvient Marie Krpata.

Un accord commercial avec les pays d’Amérique latine pourrait permettre à l’Allemagne «pour diversifier ses sources d’approvisionnement»notamment dans les minerais rares, mais offrent également « de nouvelles opportunités commerciales » à ses métiers, précise le chercheur. Le chancelier Olaf Scholz, dont la coalition gouvernementale a été brisée, a même fait de la signature de l’accord une priorité, alors que des élections anticipées devraient être convoquées en début d’année. Cette volonté est partagée par l’ensemble du champ politique outre-Rhin, explique Marie Krpata.

«Alors qu’en France l’UE est souvent assimilée à une zone de libre-échange effréné, où il y a forcément des perdants, ce n’est pas le cas en Allemagne. Le pays considère les accords commerciaux comme un signe que le multilatéralisme fonctionne.»

Marie Krpata, chercheuse à l’Institut français des relations internationales

sur franceinfo

La Commission européenne estime pour sa part que l’accord arrive à point nommé, alors que l’économie du Vieux Continent stagne et que le futur président américain Donald Trump a promis de relancer les guerres commerciales, y compris avec l’UE.

Au fond, seule la France affiche une opposition aussi forte au futur accord, renforcée par l’unanimité politique autour du sujet. Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Il y a d’abord “l’attachement des Français à leur agriculture et à leur alimentation, à la petite taille de nos exploitations”souligne Elvire Fabry, qui note également « une forte empathie face aux difficultés des agriculteurs ». La crise agricole du début de l’année 2024 a également laissé des traces politiques. « Avant les élections européennes, Emmanuel Macron avait promis de ne pas signer l’accord sans la mise en œuvre de clauses miroir »rappelle Marie Krpata.

Depuis, le sujet est resté inflammable, comme le montrent les nouvelles manifestations d’agriculteurs. Les tensions sont telles qu’il y a un alignement politique et des jeux de relance pas très courageux”juge Elvire Fabry, qui regrette de ne pas voir de débat sur le Mercosur “qui prend en compte tous les intérêts en jeu et notamment d’autres secteurs qui connaissent également des difficultés”. D’autant plus qu’il y a des raisons économiques pour que la France soit là »estime Marie Krpata, notamment pour le secteur de la défense « très compétitif ».

Le « non » français dans la dernière ligne droite des négociations risque aussi d’agacer les partenaires européens de la France, même si Emmanuel Macron et Michel Barnier se sont dits ouverts à une version révisée du texte. LE D’autres États membres avanceront certainement sans cela, car ils en ont assez de l’attitude de Paris.»ainsi cinglé Jean-Luc Demarty, ancien directeur général de l’agriculture puis du commerce extérieur à la Commission européenne, avec le parisien. « Il y a certainement un incompréhension des autres pays européens concernant le positionnement français, qui estiment que Paris freine une dynamique sur le Mercosur initiée fin 2023″souligne pour sa part Marie Krpata. De quoi affaiblir un peu plus la France au niveau européen, alors qu’elle est déjà fragilisée par les soubresauts de sa politique intérieure.

 
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