La question n’est pas taboue mais elle est inquiétante. « Est-ce que vous vous attachez tout le temps avec le harnais de sécurité ? « . Cette question a été posée à plusieurs concurrents du Vendée Globe avant le départ. Très souvent, nous avons eu la même réponse : « Non, pas toujours, mais il ne faut pas le dire. » Certains ont même ajouté ceci : « Si ma femme, mes enfants et mes parents lisent ceci, on me criera dessus… »
Par beau temps…
S’amarrer ou pas en naviguant seul, au large, dans des mers parfois hostiles ? La réponse semble évidente et pourtant… « Attaché, je ne me sens pas libre de bouger », avoue Benjamin Ferré. « Être amarré est parfois un risque lorsqu’il faut agir vite », précise le skipper de « Monnoyeur – Duo pour un boulot » qui joue la carte de la sécurité lorsqu’il s’agit de monter sur le pont. “Je m’attache lorsque je dois passer du temps sur le pont à bricoler ou tenter une manœuvre un peu audacieuse.”
Il suffit de regarder les images, photos et vidéos envoyées par les concurrents du Vendée Globe depuis le départ pour se rendre compte que la plupart du temps, ils ne portent pas de harnais de sécurité.
Une main pour soi, une main pour le bateau
Normal lorsqu’ils sont à l’intérieur ou dans des cockpits fermés et très bien protégés. Plus surprenant quand ils évoluent sur le pont. Là où on les voit, téléphone portable à la main, filmant le plus souvent lorsque les conditions météorologiques le permettent. C’est à dire que lorsque la mer est calme, le vent est descendu jusqu’au bas de l’échelle de Beaufort. Quand le soleil est au rendez-vous. On comprend aisément qu’ils aient envie et besoin de prendre l’air, notamment pour se dégourdir les jambes. Des moments où la vigilance baisse d’un cran. Il suffit cependant d’un petit mouvement du bateau suite à une vague ou simplement d’un décrochage du pilote automatique pour être déséquilibré.
« La meilleure règle est le bon sens »
Double vainqueur du Vendée Globe, Michel Desjoyeaux n’applique pas la règle d’or : « Je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent qu’il faut tenir tout le temps, ni avec ceux qui disent de ne pas s’attacher : la meilleure règle c’est du bon sens.
Le bon sens, selon lui, est de calmer le jeu, donc de ralentir le bateau lorsqu’une manœuvre est nécessaire sur le pont, notamment à l’avant. Surtout quand les choses deviennent difficiles. Pour tenir quand on a besoin de ses deux mains. “A grande vitesse, si vous êtes pris dans une vague de mer, si ce n’est pas le harnais de sécurité qui casse, ce sera votre cage thoracique qui va casser”, ajoute le Professeur qui jure après ces images d’avant-course où l’on voit, par exemple, les besoins des sponsors, les solitaires « qui font des bêtises sur le balcon avant du bateau, comme Leonardo di Caprio dans Titanic, juste pour avoir une photo spectaculaire qui ne reflète pas du tout la vraie vie en mer. C’est dit.
Au large, la règle « une main pour soi, une main pour le bateau » n’est donc pas toujours applicable sur les monocoques capables d’avancer à plus de 30 nœuds. Voler haut et tomber d’aussi haut. A ces vitesses, la main ne suffira pas à maintenir le marin à bord.
“Votre bateau dérive plus vite que vous nagez”
Sur l’Imoca, long de 18,28 m, chaque bateau solitaire peut porter un harnais de sécurité équipé d’une longe normée qu’il attache à une ligne de vie placée sur toute la longueur du pont. Le but est, en cas de chute, de rester à bord du bateau. Donc à l’intérieur des secteurs.
En mode solo, les marins ne barrent quasiment jamais, ils sont 99% du temps en pilote automatique. Ils portent presque tous la commande du pilote au poignet ou autour du cou, sur laquelle ils peuvent agir. En cas de chute à la mer, le système permet normalement d’arrêter le bateau et de le retourner face au vent. « En théorie oui, vous pouvez arrêter votre bateau mais si vous tombez à l’eau, vous n’avez quasiment aucune chance de remonter : votre bateau dérive plus vite que vous ne nagez », conclut Desjoyeaux.
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