Le Sénégal est dans la dernière ligne droite menant aux élections législatives prévues le 17 novembre 2024. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la campagne pour ce scrutin censé rebattre les cartes politiques sur les rives du fleuve Sénégal, est loin d’être étant une rivière tranquille. En effet, elle est ponctuée de violences comme en témoigne l’attaque du convoi PASTEF à Saint-Louis, faisant deux blessés et près d’une quarantaine d’arrestations par les autorités judiciaires. Et comme pour alimenter les braises déjà incandescentes, le Premier ministre, Ousmane Sonko, a invité ses militants et sympathisants à « se venger des attaques » de leurs adversaires. Même si le chef de l’Exécutif a tenté de se racheter, il n’en reste pas moins que le mal est déjà fait. Et la question que l’on peut légitimement se poser face à ces dérapages est la suivante : pourquoi le fleuron démocratique sénégalais s’est-il à ce point ratatiné ? La réponse à cette question réside dans les enjeux de ce scrutin qui intervient après la dissolution de l’Assemblée nationale qui avait introduit, on s’en souvient, une motion de destitution contre le Premier ministre, Ousmane Sonko.
La classe politique n’a pas le droit de récolter l’héritage politique bâti par les pères fondateurs du Sénégal
Pour le parti présidentiel, il s’agit de s’assurer coûte que coûte une majorité confortable au Parlement pour pouvoir gouverner plus librement. Pour l’opposition, l’ambition est de contrecarrer à tout prix ce projet en constituant une majorité parlementaire pour contrôler l’action de l’Exécutif. A défaut, elle veut contraindre le PASTEF à partager le pouvoir par la cohabitation politique. Mais au-delà de ces ambitions tout politiques, derrière ces élections législatives, des destins personnels se jouent sur fond d’instincts revanchards. Pour le duo Ousmane Sonko-Diomaye Faye, il s’agit de faire capituler l’ancien chef de l’État, Macky Sall, qui lui a rendu la vie difficile. On se souvient encore des déboires politiques et judiciaires des dirigeants du parti présidentiel avec en prime la prison et toute la répression qui s’est abattue sur les manifestants engagés dans leur cause. Pour l’ex-président Macky Sall qui n’a certainement pas encore digéré avoir été écarté, et de manière très humiliante, du palais présidentiel, après avoir tenté en vain de s’octroyer une prime à la tête de l’Etat, il s’agit d’abord de de se protéger de tout tracas juridique. Même s’il bénéficie de l’amnistie qu’il a signée à la fin de son mandat, la meilleure garantie contre ses adversaires politiques reste un paravent politique. Il n’est pas à exclure que ces élections législatives pour Macky Sall lui permettent de garder la main sur le terrain politique avec l’ambition sans doute de préparer son retour à la tête de l’Etat sénégalais. L’ensemble de la classe politique sénégalaise est, sans aucun doute, emportée par l’élan de ce duel dans lequel on n’hésite pas à boxer sous la ceinture.
On peut espérer que la classe politique sénégalaise, qui a toujours fait preuve de maturité, entendra raison.
Les militants de la coalition Samma Sa Kadu du maire de Dakar, Barthélémy Dias, qui ont attaqué la caravane électorale du PASTEF, ont, dans une ambiance politique digne de la loi de la jungle, acheté un combat qu’ils mènent par procuration. Mais quelles que soient les motivations de ces violences, on peut dire qu’elles sont indignes du Sénégal qui jusqu’alors restait présenté comme un phare démocratique sur le continent et qui constitue, de fait, pour tous les démocrates du continent, une lueur d’espoir dans l’avenir. face au nouveau printemps des prises de pouvoir. Mieux encore, la classe politique n’a pas le droit de récolter l’héritage politique patiemment bâti par les pères fondateurs du Sénégal, de Léopold Sédar Senghor à Abdoulaye Wade en passant par Abdou Diouf. Et pour toutes ces raisons, le Sénégal ne doit pas décevoir. Et cette responsabilité d’entretenir la flamme démocratique dans le pays de la Téranga incombe à l’Exécutif. Et pour cause. Tout d’abord, c’est le gouvernement qui est responsable de l’organisation du scrutin et, à ce titre, il est responsable de tout dérapage qui pourrait être constaté et qui entacherait la crédibilité du scrutin. Ensuite, c’est l’Exécutif qui possède l’initiative de l’action publique, conformément aux exigences de la loi sénégalaise. Il est le garant de l’ordre public et dispose, à cet effet, de la force publique et de la justice. Enfin, pour le duo Sonko-Faye au pouvoir, ils devraient faire mieux que leurs prédécesseurs. Cela dit, on peut néanmoins espérer que la classe politique sénégalaise, qui a toujours fait preuve de maturité, entendra raison et que les tensions s’atténueront afin de permettre la tenue d’élections dans un climat apaisé qui fera honneur à la réputation du Sénégal.
“Le Pays”
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